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avec lui, outre sa lettre de créance' ou ses pleins pouvoirs', un passeport' qui l'autorise à voyager, et signale sa personne et son office. En temps de paix, c'est une protection suffisante pour lui dans son trajet vers la cour à laquelle on l'envoie; mais en temps de guerre un ambassadeur envoyé au gouvernement de l'ennemi en requiert un passeport ou sauf-conduit. Aucun ministre ne part pour sa mission sans ses instructions'. Ce sont des directions données à l'agent diplomatique pour se guider dans les négociations qu'on l'envoie conduire. Elles peuvent être orales, mais elles sont presque invariablement écrites. Il ne doit pas les communiquer au gouvernement auprès duquel il est accrédité, ou aux plénipotentiaires ses collègues à une conférence, à moins d'y être spécialement autorisé. S'il s'élève des points sur lesquels il n'ait pas d'instructions, ou sur lesquels il juge à propos de s'écarter de ses instructions, il doit en référer à son gouvernement pour avoir des directions. Cela s'appelle approuver une proposition ad referendum; et l'on y a souvent recours aujourd'hui que le télégraphe et la vapeur rendent la communication entre un gouvernement et ses agents éloignés rapide et aisée.1

Quand le ministre diplomatique arrive dans la capitale du pays dans lequel il est accrédité, il notifie son arrivée au ministre des Affaires étrangères, et demande audience du souverain afin de lui remettre ses lettres de créance. Les ambassadeurs ont droit à une audience publique, tandis que les ministres de seconde et de troisième classe n'ont droit qu'à une audience privée, et les chargés d'affaires doivent se contenter d'une audience du ministre des Affaires étrangères. L'audience publique a plus de cérémonie que l'audience privée, mais dans les deux les lettres de créance sont présentées au souverain, et des discours de cérémonie, pleins de bienveillance et de bon accent, sont faits récipro

1 Twiss, Law of Nations, vol. i, §§ 212-214; C. de Martens, Guide diplomatique, ch. iv.

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quement par les deux parties qui ont l'entrevue.1 Quand l'agent diplomatique a passé par cette cérémonie, tous les droits et immunités des ministres publics s'attachent à lui et continuent jusqu'à la fin de sa mission. Auparavant, il les tenait plutôt de la courtoisie que du droit, à l'exception de l'inviolabilité personnelle qu'il possède dès le moment qu'il part pour accomplir sa mission. Au départ d'un ministre, celui-ci a une pareille audience de cérémonie pour présenter ses lettres de rappel'. Il fut la coutume autrefois de donner des présents aux diplomates partants; et pendant le dix-septième siècle beaucoup d'énergie paraît avoir été dépensée en querelles à leur sujet; car si le représentant d'un souverain s'imaginait que ce qu'il avait reçu avait moins de prix que ce qui avait été donné au représentant d'un autre souverain, il jugeait son maître insulté et faisait résonner la cour de ses plaintes. Quelques Puissances, au nombre desquelles les États-Unis, ont défendu à leurs agents diplomatiques d'accepter ces présents de cérémonie et de départ officiel, qui sont aujourd'hui tombés en désuétude.

Nombreuses sont les manières par lesquelles une mission diplomatique se termine. Elle prend fin par une déclaration de guerre entre l'État qui envoie le ministre et l'État auquel il est envoyé, ou encore par sa mort ou son rappel, ou par l'expiration du temps fixé pour la durée de sa mission, ou par le succès ou l'insuccès de son but, objet spécial, ou par le retour du ministre régulier à son poste dans le cas d'un ministre accrédité ad interim. La mort du souverain auprès duquel l'agent diplomatique est accrédité, ou la mort de son propre souverain, met fin à la mission dans les États monarchiques; mais l'élection d'un nouveau magistrat suprême d'une république n'amène aucun changement à cet égard. Si un ministre est renvoyé pour avoir fait une grave offense, ou s'il s'en va en conséquence d'une grave offense reçue, qu'elle ait été faite à sa personne 1 Twiss, Law of Nations, vol. i, § 215.

ou à l'État qu'il représente, sa mission est dans les deux cas terminée. De plus, elle est normalement achevée par un changement dans son rang diplomatique; mais alors il présente en même temps ses lettres de rappel en son ancienne qualité et ses lettres de créance en sa nouvelle qualité, de sorte qu'il commence une nouvelle vie officielle au moment de la dissolution de sa vie officielle précédente. A la rigueur, la mort d'un ministre diplomatique fait cesser toutes les immunités de par ceux qui dépendent de lui; mais la bienveillance et la courtoisie demandent qu'elles soient continuées pendant un temps limité à sa veuve et à ses enfants, afin de leur donner le moyen d'arranger leurs affaires et de quitter le pays.1

§ 128

tiques

générale et

d'être.

Nous avons déjà signalé que les ministres diplomatiques Immunités résidant près des cours étrangères possèdent maintes im- diplomamunités. A parler généralement, on peut dire qu'ils sont, leur nature eux et leur suite, exempts de la juridiction locale. Il y a feurs raisons plus d'un doute sur les limites exactes de leur exemption; mais la raison de son existence est claire. Un ambassadeur ne pourrait pas s'appliquer aux intérêts de son pays avec une parfaite liberté et une absolue sécurité, s'il était exposé à se voir appliquer la loi locale et soumis à l'autorité des fonctionnaires de l'État auquel il était envoyé. Pour considérer la nature et l'étendue des privilèges diplomatiques, il convient de les diviser en Immunités relatives à la personne et Immunités relatives à la propriété, et de considérer chaque classe séparément, quoique la ligne de démarcation entre elles ne soit pas toujours facile à tracer.

1 C. de Martens, Guide diplomatique, ch. ix; Oppenheim, International Law, vol. i, pp. 456–462.

Immunités

attachées

de l'agent diplomatique.

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Les immunités relatives à la personne sont accordées dans à la personne la mesure la plus complète aux ministres publics et à ceux de leur suite qui, possédant le caractère diplomatique, tiennent par conséquent une position privilégiée de leur propre droit, et, dans une moindre mesure, à la femme, aux enfants, au secrétaire intime, au chapelain, aux serviteurs du ministre, personnes nécessaires à son confort et sa commodité, mais qui n'appartiennent pas au service diplomatique de son pays. Au regard de toutes les questions réglées par la lex domicilii, la position légale des agents diplomatiques résidant à l'étranger est celle des personnes résidant dans leur pays. Quant à leurs droits et devoirs privés, ils sont sujets de la loi de l'État qui les envoie; et tous les enfants qui leur naissent à l'étranger sont réputés sujets de leur pays. Ils ne peuvent pas être arrêtés, à moins d'être actuellement engagés dans un complot contre la sûreté de l'État dans lequel ils sont accrédités, et même dans cette extrémité une demande de rappel devrait d'abord être faite, à moins qu'il n'y eût trop d'urgence. Cette interprétation de la loi est corroborée par le cas du Comte Gyllenborg en 1717. Le comte était ambassadeur de Suède en Angleterre, et tout en gardant cette qualité devint l'un des principaux agents d'une conspiration pour renverser George Ier et mettre l'ancien Prétendant sur le trône d'Angleterre. Les cours de Suède et d'Espagne étaient entrées dans le complot en même temps que les Jacobites anglais, et l'un de ses principaux objets était l'invasion de l'Écosse par 12,000 hommes de troupes suédoises. Le Gouvernement anglais fut mis sur les traces de la conspiration par des lettres interceptées. On arrêta, en conséquence, Gyllenborg, et l'on saisit ses documents diplomatiques, où l'on trouva la preuve complète de tout ce qu'on avait soupçonné. Le comte fut donc retenu prisonnier

jusqu'à ce qu'il fut échangé contre l'ambassadeur d'Angleterre en Suède, qu'on avait arrêté par représailles. Les ministres des Puissances étrangères à Londres protestèrent contre l'arrestation de Gyllenborg comme faite en violation du droit international; mais quand les raisons en eurent été données, tous, à l'exception de l'ambassadeur d'Espagne, se déclarèrent satisfaits; et, comme l'Espagne était intéressée dans le complot, ses protestations firent peu d'effet.1 On ne peut pas douter que le Gouvernement anglais n'eût bien agi dans le principe et pour l'époque, quoique de nos jours un ministre dans le cas de Gyllenborg eût été simplement escorté hors du pays. Son arrestation devait être regardée comme dépassant un peu l'absolue nécessité de la légitime défense, qui seule peut justifier l'exercice d'une contrainte personnelle même sous la plus douce forme. Dans l'année même qui suivit, le Régent de France fit arrêter le Prince de Cellamare, ambassadeur d'Espagne à Paris, qui avait trempé dans une conspiration pour saisir le Duc d'Orléans et proclamer le Roi d'Espagne Régent de France à sa place, avec le Duc du Maine pour lieutenant général.2 A cette occasion, aucune protestation ne fut faite par les tierces Puissances; et les deux cas réunis peuvent passer pour avoir établi d'une façon concluante la doctrine que l'inviolabilité d'un ministre étranger ne va pas jusqu'à couvrir les actes faits contre la sûreté du gouvernement auprès duquel il est accrédité. Il faut pourtant se rappeler. qu'il ne peut pas être jugé et puni par l'État offensé, qui n'a aucune juridiction sur lui; son droit d'user de la force envers lui, basé sur la considération de sa sûreté, est limité par elle.

Les visiteurs et les parasites de l'ambassade ne possèdent pas le privilège de l'inviolabilité personnelle, mais tombent sous la juridiction de l'État dans le territoire duquel ils se

1 Ward, History of the Law of Nations, vol. ii, pp. 548-550; C. de Martens, Causes célèbres, vol. i, pp. 75–138.

2 C. de Martens, Causes célèbres, vol. i, pp. 139–173.

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