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trouvent. Ce point a été fixé dans une affaire qui s'est présentée en 1653. Cette année, Don Pantaleon Sa, frère de l'ambassadeur du Portugal en Angleterre, commit un meurtre dans des circonstances d'une particulière atrocité. Il se prit de querelle à la Bourse de Londres avec le Colonel Gerhard et fondit sur lui avec une troupe de gens qui formaient sa suite. Le colonel, cependant, fut sauvé ; mais la nuit suivante Sa, venu à la Bourse avec cinquante Portugais en armes, commença l'attaque générale de tous ceux qui étaient là, tuant un homme et en blessant plusieurs avant que la garde à cheval arrivât et mît fin à la bagarre. L'ambassadeur livra les délinquants, mais Don Pantaleon, se déclarant revêtu du caractère diplomatique, prétendit n'être sous aucune autre juridiction que celle du roi de Portugal. Il fut, cependant, prouvé qu'il n'était pas alors ambassadeur, mais avait seulement reçu de son souverain la promesse d'être accrédité comme ambassadeur après le rappel, qui était à tout moment attendu, de son frère. Son frère, le véritable ambassadeur, intercéda pour lui; mais, Cromwell laissant la loi suivre son cours, il fut jugé, condamné et pendu.1 Sa position véritable semble avoir été quelque peu douteuse. Il n'était certainement pas le chef de la légation portugaise, et par conséquent Hale est dans l'erreur en supposant que son cas soutient la prétention qu'un ambassadeur peut être jugé pour meurtre. S'il doit être considéré comme faisant partie de la suite de son frère, tout ce qu'on peut dire est que le Droit international s'est développé depuis lors et ne permettrait plus un jugement et une exécution dans des circonstances semblables par les autorités de l'État où fut commis le crime. Mais s'il n'était qu'un simple visiteur de l'ambassade, il ne serait pas plus couvert par l'immunité diplomatique aujourd'hui qu'il ne le fut il y a plus de deux cent cinquante ans.

2

1 Ward, History of the Law of Nations, vol. ii, pp. 535–546.

2 Hale, Pleas of the Crown, vol. i, p. 99.

Un ministre public est à l'abri de la citation légale ainsi que de la contrainte personnelle. Il ne peut être forcé de comparaître en justice et de plaider; mais s'il consent à se dépouiller de ses privilèges, les cours le recevront, soit comme défendeur, soit comme demandeur. S'étant soumis à leur juridiction, il est obligé de faire tout ce qu'exige la bonne solution de l'affaire. Il ne peut pas, par exemple, refuser de répondre aux questions embarrassantes d'une interrogation contradictoire sous prétexte d'immunité diplomatique. Peut-il renoncer lui-même à ses privilèges, ou son gouvernement a-t-il seul compétence à cet égard? C'est une question à décider, non par le droit international, mais par la loi de chaque État pour les agents diplomatiques de cet État. Si le témoignage du ministre d'une Puissance étrangère est requis dans une cause importante, il peut être invité à comparaître et prié de le donner; mais il ne peut pas y être contraint. Plutôt que de mettre en défaut la justice, les ambassadeurs consentiront généralement à laisser là leur immunité pour donner le témoignage demandé. Mais, en 1856, le ministre des Pays-Bas à Washington, témoin essentiel dans une affaire de meurtre, refusa de comparaître à l'audience, quoiqu'il consentît à déposer sous serment. Son gouvernement refusa de lui ordonner de témoigner publiquement, et les États-Unis demandèrent son rappel; mais ils ne purent pas le forcer à comparaître et à témoigner.1 Au procès de Guiteau pour l'assassinat du Président Garfield, le ministre du Vénézuéla comparut et porta témoignage à l'audience.2

Quand les légations permanentes furent établies par les États près des cours les uns des autres, quelques prétentions extrêmes furent affichées par les ambassadeurs, parmi lesquelles le droit d'exercer la juridiction civile et criminelle sur les membres de leur personnel suivant les lois de leur pays. Mais, dans la pratique moderne, nul droit semblable n'est 1 Wheaton, International Law (Lawrence's ed.), pp. 393, 394.

2 Wharton, International Law of the United States, § 98.

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lui

accordé, ni ne saurait être aujourd'hui demandé. En matière civile, le plus que puisse réclamer un ministre diplomatique est d'authentiquer les testaments et les contrats faits devant par les membres de sa suite; tandis que son chapelain peut célébrer les mariages entre les sujets de l'État qui l'a accrédité dans la chapelle de l'ambassade, si les lois de leur pays le permettent; mais il y a une grande incertitude et une grande diversité de pratique en ce qui concerne les mariages d'étrangers, ou les mariages d'un sujet de l'État de l'ambassadeur et d'un étranger.1 Dans les affaires criminelles qui naissent entre les membres de la suite, le chef de la légation recueille par écrit le témoignage, mais envoie l'accusé dans sa patrie pour y être jugé; et il possède un pouvoir semblable à l'égard des serviteurs de l'ambassade, bien que les limites en soient incertaines et discutables.

Il y a eu, et il y a encore, parmi les juristes, controverse quant à savoir si un agent diplomatique, en route vers le lieu de sa destination par les territoires de tierces Puissances en paix avec son souverain, a droit à l'inviolabilité personnelle complète, ou s'il ne peut attendre que la protection accordée à un voyageur ordinaire. Probablement, en droit strict, ne peut-il demander davantage; mais la courtoisie internationale lui fera reconnaître le caractère d'ambassadeur, pour le garantir de tout mauvais traitement dans son passage vers sa destination, quoiqu'on pût douter que l'immunité lui fût accordée s'il entendait faire un arrêt prolongé dans le pays. Un belligérant peut, naturellement, saisir les ambassadeurs de son ennemi, dans tous les lieux où il lui est permis de porter les hostilités, à moins qu'il ne leur ait donné lui-même un sauf-conduit. Il semble établi que les commissaires nommés aux termes d'un traité pour l'accomplissement d'une mission spéciale, par exemple la délimitation d'une frontière ou la direction d'une évacuation militaire, n'ont pas droit aux immunités diplomatiques. Un commis1 Hall, International Law, pp. 185, 186, et la note.

saire anglais nommé en vertu du Traité de 1794 fut mis en jugement pour une infraction à la loi locale par un tribunal américain à Philadelphie, sans que le Gouvernement anglais se plaignît.1

Les immunités des membres de la famille et de la maison d'un ministre diplomatique leur sont accordées parce que son confort et sa dignité ne pourraient pas être soutenus convenablement s'ils n'étaient, dans une large mesure, exempts de la juridiction locale. Sa femme partage non seulement son inviolabilité personnelle, mais encore les honneurs officiels qui lui sont à lui-même rendus. Ses enfants sont dans la même position; et son chapelain ainsi que son secrétaire particulier sont certainement à l'abri d'une arrestation, comme le sont aussi les garçons de bureau et les courriers attachés à l'ambassade. Il est généralement admis que les serviteurs réguliers du ministre, expression qui exclut les ouvriers momentanément employés dans les locaux ou les individus qui ne consacrent qu'une faible portion de leur temps au service de l'ambassade, sont affranchis de la juridiction locale. Mais il n'y a pas de pratique uniforme par rapport à l'étendue de leurs immunités, ni d'accord parmi la généralité des États civilisés sur ce que doivent être leurs privilèges.2 La loi anglaise sur le sujet, insérée dans un statut 3 qui est toujours regardé par les juges anglais comme déclaratoire du droit des gens, déclare nuls les mandats et les assignations lancés contre eux, à moins qu'ils ne fassent le commerce. Mais dans les affaires criminelles les autorités anglaises réclament le droit d'exercer la juridiction sur les domestiques de l'ambassade, si le délit est commis hors de la résidence du ministre. Dans la plupart des pays ils ne seraient pas arrêtés sans une permission spéciale de l'ambassadeur; et dans les temps modernes les difficultés sont généralement prévenues par 1 Wharton, International Law of the United States, § 93 a.

2 Pour les idées des jurisconsultes sur les immunités diplomatiques, voir l'Annuaire de l'Institut de Droit international, vol. xiv, pp. 240-244.

37 Anne, c. 12.

Immunités attachées

aux biens de l'agent diplomatique.

l'exercice du tact et du jugement. Si le domestique d'un mi-
nistre public commet un acte qui relève de la loi pénale, son
maître ou le chasse de son service, et met ainsi fin tout à coup
à toute revendication d'immunité, ou le remet aux autorités
locales
pour qu'il soit traité conformément à leur loi. C'est
seulement si le délit est grave, et s'il a été commis dans l'in-
térieur de la résidence du ministre, que celui-ci, en règle géné-
rale, arrête l'auteur et l'envoie dans son pays pour y être
jugé. Dans les causes civiles, il donne la permission de pour-
suivre ses serviteurs devant les tribunaux locaux. Afin
d'éviter les malentendus et les contestations concernant les

personnes qui ont droit à l'immunité, la plupart des États
demandent aux chefs des légations étrangères d'envoyer
périodiquement au ministre des Affaires étrangères la liste
des membres de leur suite et des serviteurs qu'ils emploient.

§ 130

Les immunités relatives à la propriété s'appliquent d'abord et avant tout à la résidence officielle de l'ambassadeur, habituellement appelée son 'hôtel'. Il est généralement regardé comme inviolable sauf le cas d'extrême nécessité. La fiction de l'exterritorialité lui est quelquefois appliquée : on le considère comme une portion de l'État auquel appartient son occupant. Mais cette théorie est un moyen incommode d'expliquer ce qui s'explique mieux sans elle. Si elle était fondée, l'hôtel ne pourrait en aucun cas être violé par les autorités locales; au lieu qu'il est universellement admis que les circonstances extrêmes, qui justifient l'arrestation d'un ministre diplomatique d'une Puissance étrangère et la saisie de ses papiers, justifient de même l'entrée à force ouverte dans son hôtel et la perquisition par les agents de l'État auquel il a été envoyé. Mais l'attaque par les troupes chinoises et les Boxers des ambassades étrangères à Pékin, en juin et juillet 1900, avec la connivence, sinon même sur l'ordre direct, du Gouvernement chinois, était un outrage pour

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