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les agents, et reçoivent du département des Affaires étrangères du pays où ils résident un document appelé exequatur, qui les autorise à agir en consuls dans cet État, et à communiquer officiellement avec les fonctionnaires de son administration intérieure. Ils sont sous la loi et la juridiction locales: leurs résidences privées ne sont pas considérées comme soustraites à l'autorité des fonctionnaires locaux. Mais la coutume de regarder leurs papiers officiels et leurs archives comme exemptés de la saisie est si générale, elle a été si fréquemment stipulée dans les traités, que l'inviolabilité peut être aujourd'hui regardée presque, sinon tout à fait, comme un droit. Sur la porte de leurs immeubles officiels ils peuvent placer les armoiries de l'État qu'ils représentent, dont le drapeau peut être arboré sur les bâtiments mêmes. Les traités donnent très souvent d'autres privilèges aux consuls dont la seule occupation est d'agir comme tels, parce qu'ils appartiennent au service consulaire régulier d'un État étranger. Ils ne peuvent être forcés de servir dans l'armée ou la milice, des soldats ne peuvent être logés chez eux. Ils ne paient aucun impôt pour leurs consulats, mais ne possèdent pas droit d'asile, et doivent livrer les réfugiés qu'ils ont accueillis.1

Dans maint pays d'Orient les consuls sont sur un pied très différent de celui qu'ils ont dans les États d'Occident. En vertu de traités et d'une coutume immémoriale, ils exercent l'autorité publique, comme nous l'avons vu, sur les citoyens de l'État dont ils sont les agents, et, dans l'exercice de cette autorité, les fonctions judiciaires nécessairement leur échoient. Pour les protéger dans l'accomplissement de ces devoirs et des autres, ils prennent une grande part des immunités diplomatiques refusées ailleurs aux consuls. Dans les temps de troubles ou de violence populaire, leurs consulats servent de lieu de refuge à leurs compatriotes, et à d'autres

1 Stowell, Le Consul, pp. 139-184; Oppenheim, International Law, vol. i, pp. 462-481. 2 V. § 109.

dont la vie est en danger, et, quand le drapeau de leur pays est arboré, les édifices sur lesquels il se dresse sont tenus

pour inviolables.1 Ils ont de grands droits d'offrir leur

protection. Une délicate controverse relative à l'étendue de
ces droits s'éleva dernièrement à l'occasion de l'occupation
militaire française de Casablanca au Maroc. Le consul alle-
mand et son personnel avaient donné leur aide à des déserteurs
de l'armée française, dont trois étaient sujets allemands, dans
une tentative malheureuse pour s'échapper. Les deux pays
soumirent l'affaire à l'arbitrage en vertu de la Convention
de La Haye, et, en 1909, les arbitres décidèrent que, dans la
circonstance, les droits de l'occupation militaire l'emportaient
sur ceux de la protection consulaire. Mais ils ajoutèrent
quelques mots
pour dire que l'emploi de la force pour prévenir
l'embarquement des déserteurs et les arracher à la garde
du personnel consulaire était un acte qui méritait une ex-
pression de regret.2 Dans plusieurs des républiques du sud
et du centre de l'Amérique, les consuls, employés comme
des agents à fins politiques, sont accrédités en qualité de
chargés d'affaires'. Dans ce cas, le caractère diplomatique
s'attache à leur personne, et le caractère consulaire se fond
en lui. Ils acquièrent les immunités des ministres publics
et doivent être traités comme tels. Mais ces cas sont
exceptionnels, anormaux. La règle générale est que les consuls
sont des agents commerciaux, non diplomatiques.

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§ 132

Passons maintenant à l'examen du pouvoir de faire des traités et de ses méthodes d'action, dans la mesure où le droit international s'y mêle. Dans chaque État le droit de faire des traités repose sur les autorités auxquelles il est

1 Hall, Foreign Jurisdiction of the British Crown, pp. 132–302; Halleck, International Law (éd. de Baker), vol. i, ch. xi.

2 American Journal of International Law, vol. iii, pp. 698–701, 755–760 ; Oppenheim, International Law, vol. i, § 446 a.

Pouvoir de

conclure des traités.

Ratification

des traités.

confié par la constitution politique. Tant qu'il y a dans un pays un pouvoir dont la parole peut lier la totalité du corps politique, les autres États doivent suivre avec lui leurs relations internationales, sans avoir le droit de s'enquérir de sa nature et des circonstances de sa création. Mais d'autres, et importantes, questions se rattachant aux traités présentent un intérêt international. La première La première qui s'offre

à la discussion est celle de

La nature et la nécessité de la ratification.

La ratification est une cérémonie par laquelle, quelque temps après la signature d'un traité, les parties contractantes en échangent des confirmations solennelles. Aucun traité n'est obligatoire sans ratification, à moins d'expresse convention contraire. Les pleins pouvoirs donnés aux plénipotentiaires doivent être entendus

ce sens qu'ils confèrent le droit de conclure des conventions sujettes à l'ultime décision du gouvernement qu'ils représentent. Quelquefois, cependant, il est convenu que certains engagements préliminaires d'un traité produiront effet immédiatement, sans attendre l'échange des ratifications: tel fut le cas du Traité de Londres de 1840 pour le règlement de la question d'Égypte. Un protocole réservé, annexé à l'acte, stipulait que les mesures préliminaires mentionnées à l'article 2 seraient aussitôt suivies d'effet.1 Mais quand un traité est ratifié ses effets légaux sont censés dater du moment de la signature, à moins qu'il ne soit, comme pour le Traité de Paris de 1856, expressément convenu qu'ils n'entreront en vigueur qu'à partir du moment de la ratification.2 Les traités de cession forment exception à ces règles; car il est de droit certain qu'ils ne commencent à produire effet qu'au moment du transfert effectif du territoire cédé.3

Un État est-il obligé de ratifier un traité signé par ses

1 Holland, European Concert in the Eastern Question, pp. 90–97.

2 Ibid., p. 244.

3 Twiss, Law of Nations, i, § 251.

représentants légaux? La question est quelquefois traitée longuement par les auteurs classiques. Mais si l'on s'en rapporte à la pratique, toutes les difficultés s'évanouissent. Quand le pouvoir de ratifier et le pouvoir de faire les traités sont placés par la constitution de l'État en différentes mains, il ne peut y avoir la plus légère obligation, morale ou légale, de les ratifier. Les autres États savent que l'approbation de deux autorités doit être obtenue pour un instrument diplomatique avant qu'on puisse le considérer comme conclu: ils prennent leurs mesures en conséquence. Le Sénat des États-Unis a souvent refusé de ratifier des traités passés par le pouvoir exécutif, ou bien a fait de leur amendement une condition de leur ratification. En 1897, par exemple, il refusa son assentiment à un traité avec la Grande-Bretagne pour soumettre à l'arbitrage les différends à venir entre les deux pays; en 1900 il ajouta des amendements. que la GrandeBretagne ne put accepter à un traité concernant le Canal de Panama. Heureusement les difficultés qui s'élevèrent furent réglées d'une manière satisfaisante par le Traité HayPauncefote de l'année suivante. Mais, quand le pouvoir de faire les traités et le pouvoir de les ratifier sont dans les mêmes mains, il faudrait, on l'admet, qu'une raison nouvelle survînt pour justifier un refus de ratification. Si les négociateurs ont excédé leurs pouvoirs, si quelque tromperie dans les questions de fait a été faite par eux, ou si les circonstances ont entièrement changé depuis la signature du traité, on ne peut pas douter qu'un État soit absolument dans son droit en refusant de lui donner la dernière sanction formelle qui met les stipulations de ses agents à effet. Mais la pratique moderne paraît aller plus loin. Elle semble appuyer la théorie d'après laquelle il faut, entre la signature et la ratification, laisser aux parties le temps de réfléchir à l'affaire; si un État change d'idée dans l'intervalle pour une raison quelconque, sauf par pur caprice, il peut décliner d'achever le marché par la ratification. Ainsi le Roi de Hollande refusa en 1841 de ratifier un traité de commerce qu'il avait

tation des

conclu en qualité de Grand-Duc du Luxembourg, pour la raison que, depuis qu'il l'avait signé, il s'était convaincu qu'il nuirait au commerce de ses sujets,1 et, en 1884, la GrandeBretagne a abandonné un traité par elle passé en 1883 avec le Portugal au sujet de l'embouchure du Congo, pour la raison que ses dispositions étaient loin de satisfaire les commerçants et les autres intéressés, et qu'on proposait de régler la question avec plusieurs autres semblables dans une grande Conférence internationale.2

§ 133

Ensuite, nous pouvons mentionner parmi les questions d'intérêt international relatives aux accords formels

3

Les règles d'interprétation à appliquer aux traités. L'interpré- Beaucoup d'esprit s'est mal à propos dépensé sur ce sujet. traités. Vattel, qui lui consacre un chapitre entier, obtient pour résultat des règles comme 'Il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a pas besoin d'interprétation,' et 'On doit prendre les expressions figurées dans le sens figuré.' Mais puisque les États n'ont aucun supérieur commun pour régler leurs divergences et déclarer avec autorité la signification et la force réelles de leurs actes internationaux, il est clair qu'aucune règle d'interprétation ne peut être posée qui soit obligatoire au sens où les règles suivies par une cour de justice dans l'interprétation d'un testament ou d'un bail obligent les parties intéressées. 'Il n'y a pas place aux raffinements des cours dans la rude jurisprudence des nations.' 4 On ne peut guère dépasser l'affirmation que les termes ordinaires doivent s'entendre dans le sens ordinaire et les termes techniques dans le sens technique, et que les phrases et expressions douteuses doivent s'ex

1 Twiss, Law of Nations, vol. i, § 251.

2 Discours de M. Gladstone à la Chambre des Communes, le 12 mars 1885; voir Hansard, 3o série, vol. ccxcv, p. 975. 3 Droit des Gens, liv. II, ch. xvii.

4 Hall, International Law, 5o éd., p. 341, note.

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