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on doit en conclure que cette disposition était nécessaire pour remettre ces accords en vigueur. D'autres traités ne contiennent aucune disposition de ce genre et cependant dans les mêmes circonstances continuent à produire effet après la paix, dans la pensée qu'ils étaient, par l'effet de la paix, remis d'eux-mêmes en vigueur. C'est dans les décisions judiciaires que nous trouvons la matière d'une règle plus déterminée. La Cour suprême des États-Unis a décidé dans l'affaire de la Société de Propagande de l'Evangile contre La Ville de New-Haven 2 que les dispositions visant les confiscations et l'extranéité, dans les Traités de 1783 et 1794 entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, avaient un caractère permanent et n'étaient par conséquent pas abrogées par la Guerre de 1812, bien que leur exécution eût été suspendue pendant toute sa durée. De même en Angleterre, en 1830, le juge des référés se prononça dans l'affaire Sutton contre Sutton 3 en faveur de la permanence du Traité de 1794 qui accordait aux citoyens de chacun des deux pays, ainsi qu'à leurs héritiers et à leurs ayants cause, le droit de posséder des terres dans l'autre pays. En présence de ces faits, nous pouvons aller jusqu'à dire que, s'il n'y a pas de règle tenant lieu de loi certaine en la matière, il est préférable d'admettre comme principe général que les traités du genre de ceux que nous venons de considérer sont simplement suspendus par la guerre et rentrent en vigueur au moment de la paix, à moins que les parties ne les annulent expressément, ou ne leur substituent d'autres accords. La quatrième et dernière catégorie contient les traités qui règlent la conduite des parties contractantes vis-à-vis l'une de l'autre lorsqu'elles sont belligérantes, ou lorsque l'une d'elles est belligérante et l'autre neutre. On en trouve des exemples dans les nombreux accords reconnaissant aux sujets de chaque partie contractante le droit de rester sur le territoire de l'autre, lorsque les deux États signataires sont en guerre, et

1 Hall, International Law, 5o éd., pp. 386, 387.

2 Wheaton, Reports of Supreme Court of United States, vol. viii, p. 494. 3 Russell et Mylne, Chancery Reports, vol. i, p. 663.

dans les dispositions réglant le droit de capture maritime. L'effet de la guerre sur tous les traités de ce genre est de les mettre immédiatement en vigueur.

Tout ce que nous venons de dire ici s'applique, non seulement aux traités pris dans leur ensemble, mais aussi aux clauses séparées de traités portant sur diverses matières. Nous espérons qu'à l'aide du tableau imprimé à la page suivante le lecteur attentif pourra se retrouver au milieu d'un sujet si compliqué. On peut n'attacher qu'un respect limité aux déclarations un peu trop générales que l'on trouve dans la correspondance diplomatique au sujet de l'effet de la guerre sur les traités. Elles ne tendent généralement qu'à justifier à posteriori certaines décisions de fait. Les méthodes d'observation, d'analyse et de classification sont les seules capables de produire des résultats fructueux.

§ 146

TABLEAU INDIQUANT LES EFFETS DE LA GUERRE SUR LES TRAITÉS AUXQUELS LES BELLIGÉRANTS SONT PARTIES

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Du caractère

ennemi; à

affecte les

individus.

CHAPITRE II

COMMENT LE CARACTÈRE ENNEMI SE TROUVE ACQUIS
PAR LES PERSONNES OU PAR LES CHOSES

§ 147

Le caractère ennemi est un attribut juridique, plus ou quel degré il moins important suivant les cas, des personnes ou des propriétés. Il n'est nullement constant. Pareil à une teinte de couleur, il s'accentue plus ou moins et peut suivre toute la gamme des nuances. Certaines personnes sont des ennemis dans la plus complète acception du mot. C'est dire qu'elles peuvent être tuées par les forces armées. de l'État. D'autres ne sont des ennemis qu'en ce sens qu'une portion limitée de leurs biens est soumise aux rigueurs de la guerre. Il en est de même des propriétés. Quelquefois leur caractère ennemi est tel qu'elles sont sujettes à capture partout où le régime des hostilités peut légalement s'étendre. D'autres fois elles ne peuvent être saisies que sous certaines conditions. Nous nous efforcerons de grouper les ennemis et les personnes ennemies en un tableau représentant la marche tantôt ascendante et tantôt descendante des caractères qui les affecte.

Des personnes enrôlées dans les rangs de l'ennemi.

§ 148

Au premier rang de ceux qu'on peut considérer comme des ennemis il faut placer :

Les personnes qui sont au service de l'Etat ennemi comme soldats ou comme marins.

Ces personnes-là sont des ennemis dans le sens le plus absolu. On peut légalement les tuer ou les blesser en combat régulier, et les traiter comme prisonniers de guerre si on les prend. Leur nationalité n'influe nullement sur ce caractère. Les immunités dues aux neutres disparaissent du fait de leur enrôlement. Comme l'a établi la cinquième Convention de

la Seconde Conférence de La Haye, ces personnes sont à l'abri de certaines rigueurs, mais subissent le sort et les risques de la guerre.1 Le fait de s'être enrôlé parmi les combattants les met dans la même situation que ceux de leurs frères d'armes qui sont sujets de l'ennemi. Les guerres modernes offrent de multiples applications de cette règle, surtout dans le cas où l'opinion des neutres s'est fortement prononcée en faveur de l'un des belligérants. Par exemple, au cours de la guerre des Boers, de 1899 à 1902, un grand nombre d'étrangers s'étaient mis au service des Républiques sud-africaines, et furent traitées par la Grande-Bretagne comme des combattants réguliers. Il n'y a d'exception à cette règle d'humanité que lorsque l'un des belligérants trouve quelques-uns de ses propres sujets dans les rangs ennemis. Il aurait alors le droit, s'il les faisait prisonniers, de les fusiller comme traîtres au lieu de leur accorder le traitement des prisonniers de guerre.

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Néanmoins, il peut y avoir des difficultés dans certains cas. Si l'enrôlement des neutres est purement spontané, le belligérant qui en souffre peut faire valoir ses doléances auprès de l'État auquel ces neutres appartiennent. La responsabilité de cet État est réglée par les lois de la neutralité et sera étudiée avec cette partie du sujet. Si l'enrôlement est involontaire des étrangers ayant été contraints à prendre les armes parce qu'ils résident sur le territoire des belligérants qui les a incorporés en dépit de leur nationalité — c'est au gouvernement de ces étrangers qu'il appartient de se plaindre. Le fait de leur incorporation dans les troupes régulières signifierait que de tels étrangers peuvent être utilisés, par l'État qui a mis la main sur eux, dans l'intérêt de sa politique. Mais leur incorporation dans une milice ou dans une garde nationale soulève des points délicats. Pendant la Guerre de Sécession, la Grande-Bretagne parut

1 British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 6 (1908), p. 66; Whittuck, International Documents, p. 147; Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, pp. 122, 123.

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