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accepter que ceux de ses sujets qui résidaient aux États-
Unis servissent dans la milice locale et refusa d'intervenir
lorsque le soldat Scott fut incorporé dans l'armée active.1
Mais Scott avait formulé l'intention de se faire naturaliser
comme citoyen américain et de prendre fait et cause pour
les États-Unis si la guerre avait éclaté à l'occasion de l'affaire
du Trent, et l'on crut, sans doute, qu'un Anglais à qui sa
nationalité d'origine importait si peu ne méritait guère
l'intervention de la Couronne. Il est certain qu'une vigou-
reuse protestation fut adressée aux États du Sud, à raison
de leur pratique consistant à considérer comme incorporables
les Anglais résidant sur leur territoire. D'autre part, un
des griefs qui détermina la guerre des Boers était tiré de ce
que les Républiques de l'Afrique du Sud prétendaient incor-
porer des uitlanders à qui elles refusaient le titre de citoyen.
I
y a une distinction tranchée entre le maintien de l'ordre
social, auquel on a le droit de faire concourir indistincte-
ment tous ceux qui vivent sous la sauvegarde des lois locales,
et la poursuite de fins politiques auxquelles on ne doit
pouvoir associer que des concitoyens. L'admission de ce
principe aboutirait, en fait, à exiger des étrangers habitant
le territoire une participation effective à l'organisation de
toutes les forces locales recrutées pour la défense de l'ordre
social, mais interdirait leur incorporation dans l'armée ou
dans la milice. Un État pourrait, sans offense pour per-
sonne, déclarer qu'il insisterait pour que cette règle s'ap-
pliquât à ceux de ses sujets qui vivent à l'étranger. Il
y a, d'ailleurs, divers traités en vigueur qui stipulent que
les sujets des Puissances contractantes ne seront pas incor-
porés à l'étranger en cas de guerre. Le traité de com-
merce de 1871 entre les États-Unis et l'Italie contient un
texte à cet effet,3 et, parmi les grands États européens, la
Grande-Bretagne, la France et la Russie ont souscrit des

1 Halleck, International Law, 4o éd. de Baker, vol. i, p. 460, note.
2 Hall, International Law, 5e éd., pp. 208, 209.

3 Treaties of the United States, p. 582.

conventions dans le même sens. On ne peut pas aller jusqu'à
dire que ces conventions fassent partie déjà du droit des
gens coutumier, mais l'évolution est dans ce sens, puisqu'elle
est secondée par l'opinion et par
la pratique.

§ 149

des navires

La seconde classe des personnes ennemies se compose des Équipage marins naviguant sur la marine marchande de l'ennemi, de commerce Ceux-ci diffèrent à la fois des combattants, puisqu'ils ne de l'ennemi. sont pas tenus d'attaquer spontanément l'ennemi, et des noncombattants puisqu'ils peuvent défendre leur navire si celui-ci est attaqué. Leur condition tient donc le milieu entre celles de membres des forces armées et de citoyens paisibles. Jusqu'en 1907 on pouvait les faire prisonniers, en cas de capture du navire, aussi bien s'ils s'étaient rendus à discrétion que s'ils avaient soutenu la résistance. Mais la seconde Conférence de La Haye, dans sa onzième Convention, les a affranchis du risque d'être faits prisonniers lorsqu'ils s'engagent par écrit à ne pas prendre de service jusqu'à la fin des hostilités. Si les marins sont sujets d'un État neutre, on doit les laisser en liberté sans condition, exception faite des officiers de nationalité neutre qui doivent s'engager par écrit à ne pas servir sur un navire ennemi pendant la durée des hostilités. Ces immunités, que les Japonais avaient généreusement consenties par anticipation, lors de leur guerre de 1904-1905 contre la Russie,1 dépendent de la reddition paisible des navires. Dans les conditions actuelles de la guerre, la résistance ne serait, d'ailleurs, dans la plupart des cas, qu'un acte de folie et on ne la tentera que bien rarement. Y eût-on recours, elle suffirait pour faire perdre aux marins leur immunité. Dans le cas où l'équipage d'un navire de com

1 Takahashi, International Law applied to the Russo-Japanese War, pp. 138, 139.

2 British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 6 (1908), p. 98; Whittuck, International Documents, pp. 185, 186; Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, pp. 170, 171; Higgins, The Hague Peace Conferences, pp. 396, 397.

merce ennemi attaquerait, sans provocation, un navire de l'adversaire, il serait passible, comme par le passé, des rigueurs encourues par les non-combattants qui se livrent à un acte d'hostilité.

§ 150

Redescendant l'échelle, nous arrivons maintenant aux

Individus qui suivent une armée sans en faire directement partie, tels que les correspondants et les reporters de journaux, les vivandiers et les fournisseurs.

Il y a divers individus qui, aux termes de l'art. 13 de l'annexe à la Convention de La Haye sur les Lois et coutumes de la guerre,1 'suivent une armée sans en faire directement partie.' Cet article mentionne les correspondants et les reporters de journaux, les vivandiers et les fournisseurs. Ces mentions ne sont que des exemples qui ne prétendent pas épuiser l'énumération possible. Nous voyons de suite combien d'autres personnes relèvent de la même classification. Les princes du sang qui suivent les opérations militaires auront, le plus souvent, un grade honorifique; mais il peut s'en trouver, sur le champ de bataille, qui soient tout à fait étrangers à l'armée. Un membre du gouvernement peut se transporter sur le terrain, quoiqu'il ne soit que le plus pacifique des simples civils en temps ordinaire. Tous ces hauts personnages sont de ceux qui suivent l'armée sans en faire partie, tout autant que le vivandier qui chemine derrière les troupes pour vendre des fruits ou des douceurs. On pourrait donc les faire prisonniers s'ils tombaient aux mains de l'ennemi. Celui-ci peut les garder ou les relâcher à son gré. L'art. 13 de l'annexe stipule que, si on les garde, 'ils ont droit au traitement des prisonniers de guerre, à condition qu'ils soient munis d'une légitimation de l'autorité militaire de l'armée qu'ils accompagnaient.' Cette dernière condition

1 British Parliamentary Papers, ibid., p. 53; Whittuck, ibid., p. 132; Supplement, ibid., p. 102; Higgins, ibid., p. 227.

a été prescrite en vue des attachés militaires étrangers et des reporters qui n'ont rien à faire sur le terrain s'ils n'y ont pas été spécialement autorisés. Elle ne peut guère concerner les ministres, ni les vivandiers, puisque ceux-ci sont placés, les uns trop haut et les autres trop bas, pour avoir besoin de certificats de légitimation. Nous pouvons dire, sans crainte d'erreur, que les non-militaires qui sont faits prisonniers doivent être traités avec humanité, et que ceux dont on ne peut se débarrasser de suite, en les déclarant indésirables, ont droit au régime des prisonniers de guerre.1

§ 151

Une autre classe de personnes qui possèdent, à un certain Habitants degré, le caractère ennemi se compose des

Habitants des territoires occupés.

Quoique ces personnes doivent être classées parmi les ennemis,
leur caractère hostile n'est pas tel qu'on puisse les tuer, ni
même les faire prisonniers, tant qu'elles vivent paisiblement
sans participer directement ni indirectement au conflit. Lors-
deux États civilisés sont en guerre, ils comptent presque
que
toujours, parmi les habitants de leurs territoires respectifs,
des neutres et parfois même des sujets de l'adversaire. Ces
habitants contribuent à leurs ressources par les impôts qu'ils
paient et par l'accroissement de richesses que détermine leur
activité économique. Il s'ensuit, semble-t-il, que si la région
où ils vivent vient à être envahie par l'autre belligérant,
celui-ci doit pouvoir leur imposer les mêmes charges et les
mêmes réquisitions qu'aux nationaux, en se conformant aux
règlements qui permettent d'exiger des habitants des ter-
ritoires occupés des contributions en espèces ou en nature,
ainsi que des prestations personnelles, exclusion faite de tout
acte de pillage ou de violence envers les personnes.2

Ici, cependant, nous nous heurtons à la doctrine moderne d'après laquelle c'est la nationalité, plutôt que le domicile, 2 V. § 180.

1 V. § 164.

des territoires occupés.

qui détermine le statut personnel, et, par voie de conséquence, le caractère ami ou ennemi de chacun, ainsi que ses obligations vis-à-vis des exigences militaires. A la Conférence de La Haye de 1907, l'Allemagne essaya de faire prévaloir les conséquences logiques de cette doctrine dans la Convention relative aux Droits et aux Devoirs des neutres en cas de guerre sur terre. Elle voulait faire exempter les sujets neutres, habitant les territoires occupés, de toute réquisition et de toute prestation. Les belligérants ne devaient pas, d'après elle, accepter le concours de personnes neutres, si ce n'est dans un but humanitaire, et les gouvernements neutres devaient interdire à leurs propres sujets de rendre des services défendus. Les États-Unis appuyèrent les propositions allemandes, mais un important groupe de Puissances, à la tête desquelles se trouvaient la Grande-Bretagne, la France, le Japon et la Russie, s'y opposa victorieusement.1 Dès lors, la vieille doctrine, d'après laquelle le statut personnel dépendrait du domicile, reste en vigueur pour ce qui concerne les règles de l'occupation militaire. Cette doctrine a pourtant grand' peine à se défendre, dans ce domaine comme ailleurs. Le fait que les plénipotentiaires réunis à La Haye ne l'ont pas considérée comme aboutissant à des conclusions satisfaisantes résulte du vœu unanimement exprimé dans l'Acte final en faveur de la réglementation 'par voie de conférences particulières, de la situation, au point de vue des charges militaires, des étrangers. . .' 2

Jusqu'ici nous avons envisagé le cas des habitants du territoire ennemi en tant qu'il peut être affecté par la guerre sur terre. Il faut maintenant considérer leur situation à l'égard de la guerre sur mer. La nationalité des navires est déterminée par leur pavillon. Mais, lorsqu'une cargaison 1 Deuxième Conférence internationale de la Paix, Actes et Documents, vol. i, pp. 148-159 et 176-179.

2 British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 6 (1908), p. 15; Whittuck, International Documents, p. 88; Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, p. 27; Higgins, The Hague Peace Conference, p. 69.

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