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est saisie dans des conditions qui autorisent la capture de la propriété ennemie, mais non pas celle de la propriété neutre, la question se pose de savoir si les propriétaires de la cargaison doivent être considérés comme des ennemis, s'ils résident sur le territoire ennemi, ou comme des neutres, du fait qu'ils sont de nationalité neutre. S'ils sont à la fois sujets de l'ennemi et habitants de son territoire, on ne peut que leur attribuer le caractère ennemi. Mais si leur résidence ne coïncide pas avec leur nationalité, quelle solution doiton adopter? La réponse de l'École qui domine sur le continent européen est simple et courte. Elle prend pour critérium la nationalité. Mais les pays de langue anglaise professent l'opinion inverse. Les juges d'Angleterre et d'Amérique ont laborieusement édifié une vaste jurisprudence qui a pour base ce point de fait qu'en habitant le territoire de l'ennemi on augmente, de toute l'étendue de ses propres ressources, le patrimoine collectif qui détermine sa puissance d'action, et qu'on doit être revêtu, dès lors, du caractère ennemi. Cette jurisprudence tranche, d'après la loi du domicile, les problèmes du droit de prise, et, tout en le faisant, s'est assouplie au point de donner satisfaction aux grands intérêts engagés. Il serait difficile de contester que cette jurisprudence atteint son but, quoiqu'on ne puisse alléguer que les règles qu'elle pose soient caractérisées par la même simplicité que la doctrine contraire. Les grandes lignes de cette jurisprudence seront exposées un peu plus loin.1 Qu'il suffise ici de répéter qu'elle repose sur la loi du domicile prise comme critérium du caractère ami ou ennemi.

Le conflit entre les deux systèmes, qu'on peut bien appeler, par abréviation, le système anglais et le système continental, apparut clairement à la Conférence navale de 1908-1909.2 Une des questions soumises à cette haute assemblée des représentants des principales Puissances maritimes du monde fut précisément la question de nationalité. On convint, de part et 1 V. § 154. 2 V. § 32.

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Personnes

des places

d'autre, que la nationalité du navire est, généralement parlant, réglée par son pavillon. Et l'on n'eut pas grand'peine, non plus, pour conclure à l'unanimité que le caractère neutre ou ennemi des marchandises trouvées à bord d'un navire ennemi est déterminé par le caractère neutre ou ennemi de leur propriétaire'. Mais, sur le point de savoir comment déterminer le caractère neutre ou ennemi du propriétaire, on se divisa d'une manière si marquée et si persistante qu'on ne put arriver à aucune décision. La question demeura ouverte, et il est probable qu'elle sera finalement tranchée par la cour internationale des prises. On a proposé un compromis qui consisterait à prendre la nationalité comme critérium général, et à lui substituer exceptionnellement le critérium du domicile lorsque le propriétaire n'a pas de nationalité, ou, lorsqu'il en a deux, en considérant les sociétés comme ennemies ou neutres suivant la situation de leur siège social. Cette solution semblerait équitable; mais comme elle n'a pas obtenu l'unanimité on ne s'y est pas arrêté.2

§ 152

La classe suivante des ennemis n'est entachée de caractère vivant dans hostile qu'à un très faible degré pour ceux qui admettent la théorie du domicile, et elle échappe même complètement occupées par à ce caractère si l'on admet la théorie de la nationalité.

militairement

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Personnes vivant dans des places que l'ennemi ne détient que comme occupant militaire.

Un État peut considérer ces personnes comme des ennemis en vue de soumettre à la capture les biens qui leur adviennent de ces places, encore qu'elles fassent partie de son propre territoire. Pendant la durée de l'occupation ennemie la possession de ces biens enrichit l'ennemi et accroit son trésor de guerre, tandis l'État dont ils relèvent n'en tire aucun que

1 British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 4 (1909), p. 88; Supplement to the American Journal of International Law, vol. iii,

p. 214. 2 British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 4 (1909), pp. 61, 100.

avantage. Ces biens sont donc sujets, tant que dure l'occupation, aux rigueurs de la guerre telles qu'elles peuvent s'exercer contre les sujets non-combattants de l'État ennemi. Mais si les occupants ennemis sont délogés de leurs positions, les habitants sont, évidemment, traités comme des citoyens et non comme des habitants du territoire ennemi. Pendant la guerre de Sécession les tribunaux regardèrent comme territoire ennemi les places dont s'étaient emparés les États confédérés du Sud, et ils traitèrent les propriétés des personnes qui y étaient domiciliées comme propriétés ennemies en tant qu'il s'agissait de l'application des règles de la capture.1 Mais il faut se rappeler qu'il y a des décisions des tribunaux anglais qui considèrent qu'il faut ou la cession ou l'achèvement de la conquête, et non pas simplement l'occupation militaire, pour que le territoire puisse être considéré comme revêtu à ce point du caractère ennemi que la capture et la confiscation consécutive des biens qui en procèdent soient légales.2

§ 153

En dernier lieu, si l'on accepte la loi du domicile, le caractère ennemi affecte, dans des proportions appréciables, la condition des biens des

Personnes neutres qui ont leurs maisons de commerce dans le
pays ennemi, quoiqu'elles n'y habitent pas.

Ces personnes sont réputées avoir acquis, au point de vue
de la guerre, un domicile commercial tout à fait indépen-
dant de leur résidence personnelle et susceptible d'exposer
les biens qui en dépendent au risque de capture, en vertu
de ce principe que le pays ennemi est enrichi par le com-
merce qui s'y pratique, alors même que le commerçant est
un neutre résidant en pays neutre. Les conséquences de
ces principes furent clairement déduites par Lord Stowell dans
1 Wheaton, International Law (éd. de Dana), note 160.
2 Wheaton, ibid., IIe partie, pp. 145–147.

Neutres qui maisons de

ont des

commerce

dans le pays ennemi.

De la théorie

anglo

du domicile dans ses rapports avec la

la capture.

l'affaire du Vigilantia, lorsqu'il invoqua, en l'approuvant, cette règle que si une personne établissait en temps de guerre une maison de commerce en pays ennemi, ou y poursuivait des relations commerciales, elle ne pouvait se mettre à l'abri des risques de guerre en résidant tout simplement en pays neutre '.1 La capture ne saurait s'étendre, toutefois, aux autres biens du même propriétaire qui ne dépendraient pas de l'établissement hostile.

§ 154

Nous voyons, par l'énumération antérieure de ceux qui sont juridiquement réputés ennemis, que la nationalité et américaine le domicile sont les deux principaux critériums du caractère hostile, mais que d'autres circonstances - telles que le fait d'être temporairement ou définitivement engagé au question de service de l'ennemi, ou de résider dans la région qu'il occupe, ou d'avoir une maison de commerce sur son territoire entrent en considération et affectent plus ou moins celui auquel elles se rapportent. Suivant la pratique anglaise et américaine, le domicile modifie considérablement les règles déduites de la nationalité. Il est donc nécessaire de rechercher quelle nature de résidence il faut pour être réputé domicilié, et jusqu'à quel point il en résulte qu'on est sujet aux rigueurs de la guerre. Heureusement il y a, à cet égard, de nombreuses décisions émanant des tribunaux de prises d'Angleterre et des États-Unis, et nous pouvons en dégager une doctrine claire et homogène. Le domicile est déterminé par l'intention des parties et par la durée de leur résidence. Si l'intention de se rendre dans un endroit et d'y vivre est nettement établie, le domicile se trouve déterminé en même temps que la résidence et au même moment. Si cette intention n'est pas évidente, la résidence prolongée déterminera le domicile, car l'intention de séjourner peu de temps et de repartir ensuite est démentie par le fait même

1 C. Robinson, Admiralty Reports, vol. i, p. 15.

de la prolongation du séjour et de l'installation à demeure. Chaque fois qu'un homme est citoyen d'un pays, mais a sa demeure dans un autre, c'est le fait de son domicile et non de sa nationalité qui expose les biens du lieu où il habite à la capture et aux autres risques de guerre. Si le pays où il est domicilié est neutre, il a lui-même un caractère neutre en tant qu'il s'agit de ceux de ses biens qui sont situés dans ce pays. Si ce pays est l'un des belligérants, il acquiert un caractère belligérant qui donne à ses biens un caractère ennemi au regard de l'adversaire. Tous les biens qu'il possède dans le pays dont il a la nationalité suivent la condition de ce pays, qu'il soit neutre ou belligérant. Bien plus. Un homme peut avoir, au point de vue du droit des prises maritimes, deux domiciles et même plus, dont l'un, au moins, ne coïncidera pas avec son lieu de résidence. Il peut vivre dans un pays et avoir une maison de commerce, ou une part dans une maison de commerce, dans un ou plusieurs autres pays. En pareil cas, les biens dépendant d'une maison de commerce située en pays ennemi seraient considérés comme entachés du caractère ennemi, et sujets dès lors à capture dans les hypothèses où la propriété privée peut être capturée.

6

L'effet de l'intention sur la fixation du domicile électif fut précisé par Lord Camden dans son jugement contre les non-Hollandais que l'amiral Rodney trouva établis dans l'île Saint-Eustache, lorsque l'Angleterre prit cette île à la Hollande en 1781. A l'égard des non-Hollandais qui voulurent prolonger leur séjour, Lord Camden jugea qu'il fallait les considérer comme sujets résidents' de la République des Pays-Bas, et il appliqua ce principe à M. Whitehill, qui était Anglais de naissance et n'était arrivé dans l'île que quelques heures avant l'attaque de la flotte anglaise, mais dont on savait l'intention de s'y fixer à demeure.1 Dans l'affaire de l'Harmony, l'influence du temps sur la fixation du domicile fut examinée à fond dans un jugement 1 Wheaton, International Law, § 321.

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