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Reconnais

dissante du

fait que le droit international

repose sur

ment des nations.

aux hommes et aux bêtes en source de droit.1 Ignorant cette théorie, les juristes philosophes de l'ancienne Rome identifièrent le ius naturale et le ius gentium. Mais Grotius ne fit rien de pareil. Pour lui, le droit de nature était un droit à part, dont la réception dépendait des lumières de la raison humaine, au lieu que le droit des gens puisait sa force obligatoire dans l'autorité de la volonté humaine. Son ius gentium était une loi positive, établie par le consentement de toutes les nations, ou du moins des plus avancées d'entre elles, pour s'appliquer aux questions qui s'élevaient entre elles dans la société dont elles étaient membres. Le ius gentium romain était une portion du droit positif de l'Empire romain, obligeant les individus, sinon exclusivement, du moins avant tout autre, et tirant son autorité, non du consentement des nations prises comme unités politiques, mais de l'accord de tous les individus civilisés et raisonnables du monde alors connu.

§ 29

Nous ne devons pas oublier que dans le grand ouvrage de Hugo sance gran- Grotius le ius gentium ne représentait qu'une partie des règles qu'il élaborait pour la conduite des affaires de la société des nations. Mais ses successeurs employèrent bientôt les mêmes le consente- mots pour la totalité des règles. Et, dans le cours des temps, ils furent contraints à d'étranges expédients afin de concilier la croyance à une loi de nature, sacro-sainte et obligatoire pour tous, avec leur perception grandissante de la vérité que le corps des règles, lentement développées, que les États civilisés tenaient pour obligatoires dans leurs rapports mutuels, reposait réellement sur leur consentement général. Ceci ressort de l'opposition des vues de deux des plus influents de ces juristes, Samuel Pufendorff, dont la réputation fut grande immédiatement après Grotius, et Emerich de Vattel, qui écrivit au milieu du siècle suivant. Le premier développa et critiqua le système de Grotius dans une série d'ouvrages publiés entre 1661 et 1694. Il professait que le droit des gens est cette partie de la loi de

Digeste, liv. I, tit. i, 3, 4.

nature qui a trait aux relations mutuelles des États, et il identifiait la loi de la nature avec la loi de Dieu, en tant du moins que la raison peut l'induire de la tendance des actes à procurer à la société le bonheur. Mais il exprimait nettement son refus de croire à un droit des gens positif et volontaire, bien qu'on puisse estimer que sa reconnaissance du principe d'utilité ménageât au consentement général une porte d'entrée parmi les sources du droit.1 Le second, qui publia son grand ouvrage en 1758, enseignait que le droit des gens se découvrait par une application judicieuse et rationnelle des principes de la loi naturelle aux affaires et à la conduite des nations et des souverains. Il adopta l'assertion de Pufendorff et de Hobbes 2 que le droit des gens était la loi de nature appliquée aux nations. Mais il en vint à expliquer que, bien que ce fût là, pour lui, le droit des gens nécessaire, toujours obligatoire au tribunal de la conscience, pourtant il existait de plus un droit des gens positif, basé sur le consentement présumé, exprès ou tacite, des nations, et que ce droit, positif et consensuel, devait être observé tant qu'il ne violait pas les préceptes du droit naturel ou nécessaire.3

Ici nous avons une classification rendue obscure et peu scientifique par une manière confuse de penser qui jongle inconsciemment avec le mot 'loi'. La loi est, à un moment, une règle généralement observée parmi les hommes, à un autre moment une règle dont l'observation est jugée hautement désirable. Ce qu'on juge bon est estimé aussi impérieusement obligatoire que ce qu'on a l'ordre de faire; ce qui doit être est considéré comme l'équivalent de ce qui est. Mais, si l'on traduit le langage de Vattel dans les termes employés par la plupart des écrivains modernes de langue anglaise qui ont traité de la science à la formation de laquelle il a contribué, cela se ramène à peu près à ce qui suit. Certaines

1 Pufendorff, De Iure Naturae et Gentium, liv. I, ch. ii, 6, et liv. II, ch. iii, 20-3.

2 Hobbes De Cive, ch. xiv, 4.

* Vattel, Droit des Gens, Préliminaires, §§ 6-9, 27-28.

règles de conduite des États dans leurs rapports mutuels sont arrivées graduellement à maturité et maintenant trouvent l'assentiment général. C'est pourquoi tout membre de la grande société des nations civilisées est obligé de leur obéir, de même que tout homme qui fait partie d'un club est tenu d'en observer le règlement et de se conformer à l'étiquette qui règle les relations entre ses membres. Mais la raison éclairée voit que bien des perfectionnements pourraient s'introduire dans le code international et même dans le caractère de la société qu'il gouverne: elle offre un idéal à nos efforts, et nous encourage à nous élever vers lui.

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Ainsi expliqué et transformé, le système correspond aux faits sociaux et moraux de la sphère des relations internationales. Le modèle éthique est la loi 'naturelle' de Grotius, le droit des gens nécessaire' de Vattel. Les règles du droit international, telles que nous les trouvons à un moment donné, sont le droit des gens établi' de Grotius, le droit des gens 'positif' de Vattel. Depuis le temps du dernier auteur, la distinction que nous avons essayé d'établir entre l'idéal et le réel s'est peu à peu dégagée. Les anciennes spéculations sur la loi et l'état de nature furent d'abord reléguées dans les préfaces et les chapitres d'introduction, puis tout à fait omises, tandis que les principes et les règles du droit des gens étaient exposés avec une abondance sans cesse croissante de précédents et d'accords. Pour obvier aux difficultés qui naissaient parfois de la variété des sens de ius gentium, droit des gens, law of nations, la locution droit international fut imaginée et généralement adoptée. Elle n'est nous l'avons vu, parfaite;1 mais elle réalise un grand progrès sur la précédente. Le Dr Westlake a bien montré que le vieil essai d'exprimer d'un seul mot ou d'une seule locution les deux idées de la justice idéale et de la justice établie se retrouve dans le français droit et l'allemand Recht. Mais le mot anglais law est exempt de cette ambiguïté, puisqu'on l'emploie pour signifier les règles de conduite établies, sanctionnées et observées parmi les hommes, qu'elles soient ou non, à notre estimation, justes et 1 V. §7. 2 Westlake, International Law, part I, pp. 9-11.

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pas,

bonnes. Nous devons avoir soin de conserver à l'expression son sens clair, tout en nous gardant avec un égal soin de l'erreur de croire que cette loi est nécessairement définitive. Il faut toujours la soumettre à l'épreuve des considérations éthiques et l'élever jusqu'à un idéal, qui monte de plus en plus haut à mesure que s'épanouissent les facultés morales et intellectuelles de l'homme.

§ 30

ment de la

La doctrine du droit de la nature rendit l'immense service Développed'assurer l'adhésion des nations à des règles de conduite bien théorie conplus justes et plus humaines que toutes celles qui se seraient sensuelle. succédé sans elle. Ayant atteint son but, elle avait terminé son œuvre; comme son caractère antihistorique et antiphilosophique devenait évident, elle pouvait être remplacée par le principe que le droit international reposait sur le consentement général, non seulement sans inconvénient, mais avec un avantage positif. Car, en même temps que la nouvelle théorie évitait la confusion d'idées qui viciait la précédente, en rendant manifeste l'importance souveraine du consentement commun, ses partisans appuyaient sur la nécessité de faire l'éducation de l'opinion publique, de façon qu'elle pût réclamer de temps en temps des améliorations dans la pratique et dans les règles qui s'en déduisent. Tout d'abord le seul mode d'assentiment général qu'on pût signaler fut l'assentiment tacite. Par exemple, au milieu du dix-huitième siècle, il apparut aux observateurs attentifs que la dévastation du pays et le massacre de la population pacifique s'étaient rencontrés très rarement dans les récentes guerres entre les Puissances civilisées, quoiqu'ils eussent été assez communs cent ans auparavant, durant la Guerre de Trente ans. Aussi trouvons-nous Vattel établissant en 1758 la règle que la dévastation était défendue par le droit international, à moins qu'elle n'eût pour but de punir des barbares cruels tels que les pirates d'Alger, ou de protéger la patrie

contre l'invasion.1 Nous avons ici un exemple d'une nouvelle règle basée sur ce que Grotius appelle 'la volonté de toutes les nations, ou de plusieurs. Il y eut, naturellement, des traités à foison, dont quelques-uns contenaient des règles auxquelles, par le seul fait de la signature, les Puissances signataires donnaient un consentement exprès. Mais ces règles ne liaient que les seules parties. Elles étaient particulières, non générales, et par conséquent ne pouvaient être regardées comme une portion du droit des gens. L'âge du consentement exprès à des règles générales approchait, sans être encore arrivé. Il vint quand des actes diplomatiques furent négociés dans le but de définir et de régler dans certaines circonstances la conduite du corps entier des États civilisés, ou, en tout cas, de tous ceux qui réellement comptaient quand ces circonstances survinrent.

Il est malaisé de déterminer avec une parfaite justesse la nature de ces traités-lois, comme on les a fort à propos nommés.3 Avant que ce nom majestueux puisse être donné en pleine exactitude à un instrument international, il faut que ses dispositions soient caractérisées par une certaine portée et une certaine ampleur. En un sens tout accord entre deux Puissances pour agir à l'avenir l'une à l'égard de l'autre d'une manière déterminée peut être nommé traité-loi, parce qu'il impose une loi aux parties immédiatement intéressées. Mais on peut difficilement proposer de qualifier ainsi les traités bilatéraux ordinaires qui se font presque chaque jour. Un groupe de Puissances doit, pour le moins, être intéressé au traité; et il semble mieux de dire qu'un accord diplomatique n'est un traité-loi que s'il vise à l'acceptation générale de ses décisions, soit qu'elles créent des règles nouvelles, soit qu'elles modifient des règles préexistantes. C'est en ce sens que l'épithète est employée ici. Nous appellerons traité-loi celui qui pose des règles de conduite internationale dans le

1 Droit des Gens, liv. III, ch. ix, § 167.

2 De Iure Belli ac Pacis, liv. I, ch. i, 14.

3 Oppenheim, International Law, vol. i, §§ 18, 492, 555–568.

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