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Le traitement des

d'extermination d'une garnison. Et lorsqu'il s'est agi de rédiger les lois de la guerre sous la forme d'une convention internationale, pas une voix ne s'est prononcée en faveur d'un retour aux rigueurs d'autrefois. L'obligation d'accorder quartier a été, au contraire, reconnue dans les termes les plus généraux.

§ 164

Nous devons examiner maintenant la condition de ceux prisonniers qui se sont rendus et ont obtenu quartier. Les règles qui leur sont applicables peuvent se résumer en ces termes :

de guerre.

Les prisonniers de guerre sont soignés et traités avec humanité. C'était autrefois la coutume de tuer les prisonniers de guerre. Certaines tribus allaient jusqu'à les torturer et à les manger. L'esclavage fut un adoucissement à leur sort. On justifiait l'esclavage, dans la théorie romaine du droit, en faisant précisément valoir qu'il était une faveur consentie par le vainqueur qui renonçait à la faculté qu'il aurait eue de tuer ses prisonniers.1 La réduction en esclavage a été pratiquée longtemps après que le massacre fut abandonné. Lorsque la vente des prisonniers de guerre, comme bétail humain, au plus offrant, n'a plus été pratiquée, il a subsisté une forme de servitude publique, consistant à envoyer les prisonniers aux galères, comme l'ont fait les Espagnols jusqu'au XVIIe siècle. Grotius déclara que les chrétiens devraient se contenter d'une rançon et ne pas se réduire mutuellement en esclavage. D'après les règles du Moyen Âge, on permettait aux prisonniers riches ou titrés de se racheter; mais le vulgaire, à qui les fonds manquaient, subissait des brutalités et parfois la mort. On considéra ensuite que c'était, pour chaque État, un devoir de racheter ses propres sujets, et nous trouvons, au XVIIe siècle, des conventions internationales fixant le tarif des rachats. La dernière de ces conventions fut souscrite entre la France et

1 Justinien, Institutes, liv. I, tit. iii, 3.

2 De Iure Belli ac Pacis, liv. III, ch. vii, 9.

l'Angleterre, en 1780. Elle permettait l'échange d'un maréchal ou d'un amiral contre soixante hommes ou soixante livres sterling. Avec les temps modernes, l'échange est devenu de règle, mais, en dernier lieu, on y a rarement eu recours et les prisonniers sont restés retenus, de part et d'autre, jusqu'au rétablissement de la paix. Souvent on a relâché des officiers sur parole, c'est-à-dire sur engagement d'honneur de ne pas reprendre de service, pendant la durée de la guerre, contre le capteur ou ses alliés. Parfois le bénéfice de cette pratique a été étendu aux hommes de troupe. Selon le droit moderne, la détention des prisonniers doit cesser avec la guerre. De part et d'autre, on doit prendre des mesures pour leur rapatriement. Jusqu'à la Paix de Westphalie, en 1648, il fallait des stipulations spéciales pour obtenir ce rapatriement sans rançon, et, à défaut de tout arrangement, les prisonniers restaient en captivité.

Le sort des prisonniers est fixé actuellement par le Règlement de La Haye de 1907. Ce qui suit va être l'exposé de ce Règlement avec quelques explications et additions. Les combattants ennemis ne sont pas seuls à pouvoir être faits prisonniers. Ceux qui suivent l'armée sans lui appartenir, tels que les vivandiers et les correspondants de journaux, peuvent être détenus, si l'adversaire le juge utile. En ce cas, ils ont droit au traitement des prisonniers de guerre, sur production d'un certificat de légitimation de l'autorité militaire de l'armée qu'ils accompagnaient. On ne nous dit pas ce qui doit leur arriver s'ils n'ont pas ce certificat et qu'on les détienne néanmoins. Certainement on doit les traiter avec humanité. En fait, il ne peut y avoir de choix qu'entre deux procédés: un renvoi plus ou moins brutal, et les privilèges des prisonniers de guerre. Les membres de la famille royale, les ministres d'État et les agents diplomatiques seraient assurément faits prisonniers si on les trouvait sur le terrain des hostilités. On avait autrefois la coutume de faire prisonniers les équipages des navires marchands ennemis 1 Manning, Law of Nations, liv. IV, ch. viii.

qu'on saisissait comme prises, mais la onzième Convention de 1907 les a affranchis de ce risque, à condition qu'ils s'engagent par écrit à ne prendre, pendant la durée des hostilités, aucun service ayant rapport avec les opérations de la guerre'. Ceci s'applique aux sujets ennemis. Les neutres sont remis en liberté sans condition, si ce sont de simples marins. Le capitaine et les officiers doivent promettre formellement par écrit de ne pas servir sur un navire ennemi pendant la durée de la guerre'1 La situation des aumôniers et des médecins était autrefois douteuse, mais la Convention de Genève de 1864 les a mis à l'abri de la capture, ainsi que tout le corps des infirmiers, tant qu'il se livre à son œuvre d'humanité, et la Convention revisée de 1906 déclare expressément que s'ils tombent entre les mains de l'ennemi, ils ne seront pas traités comme prisonniers de guerre'. La dixième Convention de 1907 applique la même règle au personnel religieux, médical et hospitalier de tout navire capturé.2

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Aussitôt les prisonniers saisis, ils tombent sous l'autorité gouvernement ennemi, qui, seul, à l'exclusion des soldats. qui ont fait la capture, est responsable de leur traitement. Leurs effets personnels demeurent leur propriété, à l'exception des armes, des chevaux et des papiers militaires qui sont sujets à confiscation. Le gouvernement aux mains duquel ils sont tombés doit les nourrir et les vêtir, en les traitant, à cet égard, de la même manière que ses propres troupes. On peut les remettre en liberté sur parole, si leur loi nationale leur permet d'acheter la liberté au prix d'un engagement personnel, mais alors leur gouvernement ne doit ni exiger ni accepter d'eux aucun service incompatible avec la parole donnée. L'engagement d'honneur serait-il rompu, le défail

1 Higgins, The Hague Peace Conferences, pp. 397, 398; Whittuck, International Documents, pp. 185, 186; Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, pp. 170, 171.

2 Higgins, loc. cit., pp. 9, 23, 369; Whittuck, loc. cit., pp. 3, 75, 177; Supplement to the American Journal of International Law, vol. i, pp. 90, 203; vol. ii, p. 159.

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lant qui retomberait en captivité n'aurait plus aucun droit au traitement des prisonniers de guerre, mais pourrait être déféré à une cour martiale et y encourir la peine de mort, quoique le règlement de la guerre n'aille pas jusqu'à prévoir cette sanction. D'une manière générale, les prisonniers ne peuvent qu'être internés, c'est-à-dire concentrés, sous telle surveillance que de droit, dans une forteresse, dans un camp, ou dans une localité qui ne soit pas malsaine. On peut ⚫ même les enfermer par mesure de sûreté indispensable, mais seulement pendant la durée des circonstances qui nécessitent cette mesure'. Cette dernière restriction est due aux insistances des Sud-Américains; elle fut proposée à la Conférence de 1907 par le délégué de Cuba1 et votée à l'unanimité. Des mesures disciplinaires peuvent, bien entendu, être prises pour éviter l'évasion ou réprimer l'insubordination. Les prisonniers surpris en train de tenter une évasion peuvent être fusillés sur le fait, et, si on les reprend, sont passibles de peines disciplinaires, mais s'ils ne sont repris qu'après avoir pu rejoindre leur armée ou quitter le territoire occupé par l'ennemi qui les avait capturés' ils ne sont 'passibles d'aucune peine pour la fuite antérieure'. Les prisonniers qui peuvent gagner un territoire neutre et les prisonniers qu'on a pu faire sur territoire neutre doivent être laissés en liberté. Si toutefois un État neutre donne asile à des prisonniers évadés, il peut fixer leur résidence à son gré.2

Tant que les prisonniers restent aux mains du capteur, celui-ci peut employer les hommes de troupe, mais non les officiers, à des travaux en rapport avec leurs aptitudes et leur grade, pourvu que ces travaux ne soient pas excessifs et ne concernent en rien les opérations de guerre'. On peut se demander si ces derniers mots excluent les travaux de fortification et les ouvrages militaires construits à l'in

1 Higgins, loc. cit., pp. 261, 262.

2 Holland, The Laws of War on Land, p. 65; Cinquième Convention de 1907, art. 13.

térieur du pays, loin du théâtre de la guerre.1 Dans un sens, on peut soutenir que ces travaux ne seraient pas exécutés sans la guerre et qu'ils sont, dès lors, en rapport avec elle. En sens inverse, on objectera que les hostilités sont engagées à distance et que dès lors ils sont étrangers à l'objet de la guerre. Cette dernière interprétation est préférable, car il vaut mieux avoir une règle indulgente à laquelle on se conforme fidèlement, que des principes trop stricts qu'on se dispense d'observer. Les prisonniers peuvent être affectés à d'autres travaux publics que les ouvrages militaires, et même à des travaux particuliers. Dans tous les cas, ils doivent recevoir un salaire qui sera dépensé à améliorer leur position; le solde leur sera remis lors de leur libération, déduction faite de leurs frais d'entretien. Il arrive souvent que le traité de paix stipule le remboursement mutuel, ou, en tous cas, le remboursement par le vaincu au vainqueur, des sommes dépensées pour l'entretien des prisonniers de guerre. En ce cas, il n'y a rien à déduire des salaires des prisonniers. Il n'y a surtout rien à déduire dans un pays comme l'Angleterre qui ne prélève rien sur le gain des prisonniers pour leur entretien. Si c'est l'État qui est l'employeur, il doit donner aux prisonniers le même salaire qu'à ses propres soldats pour un travail similaire. Quand les prisonniers sont mis au service d'entreprises publiques ou de simples particuliers, le contrat de travail doit se conclure entre l'autorité militaire et l'employeur. Quoique les officiers ne puissent pas se voir imposer de travail par le capteur, on ne les laisse pas sans ressources. On leur doit la même solde qu'aux officiers de même rang du pays où ils sont captifs, et les avances faites de ce chef sont remboursables par leur propre gouvernement à la fin de la guerre. La liberté religieuse des prisonniers doit demeurer entière. Les dons et cadeaux en nature qui leur sont destinés doivent être admis en franchise et transportés gratuitement par les 1 Holland, The Laws of War on Land, pp. 21, 22.

2 Holland, loc. cit., p. 22.

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