Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

suivant les circonstances, s'il convient de les garder, de les diriger sur un port de sa nation, sur un port neutre ou même sur un port de l'adversaire.' On ne peut pas les débarquer dans un port neutre sans le consentement de l'autorité locale qui s'entendra habituellement avec le belligérant pour leur assurer les soins voulus. A défaut d'arrangement spécial, l'État neutre doit les garder de manière qu'ils ne puissent pas de nouveau prendre part aux opérations de la guerre et leurs frais d'internement sont alors supportés par l'État dont ils relèvent. S'ils sont débarqués dans un port de leur propre pays, les hospitalisés ne doivent plus servir pendant la durée de la guerre. Les règles concernant la recherche des naufragés, des blessés et des malades, après chaque combat-l'accomplissement des rites funèbres l'échange, par les belligérants, des marques d'iden— tité trouvées sur les cadavres et des états nominatifs des malades et des blessés recueillis l'envoi réciproque des objets à usage personnel et des lettres retrouvées et la communication de tous les renseignements obtenus sur les internements, les entrées dans les hôpitaux et les décès survenus — sont identiques à celles de la Convention de Genève, sauf qu'on ajoute les naufragés aux blessés et aux malades dans l'énumération de ceux qui doivent être secourus. Les commandants en chef des flottes ont les mêmes devoirs que ceux des armées de terre et les Puissances signataires doivent instruire leurs marines des dispositions de la présente convention et porter aussi celles-ci à la connaissance des populations. La Turquie et la Perse ont ici, également, substitué l'une le Croissant rouge et l'autre le Lion et le Soleil rouge à la Croix de Genève. Ainsi a été résolue la difficulté qui avait troublé la Conférence de La Haye de 1899. Nous ne pouvons pas en rappeler ici tous les détails.1 Tout ce

1 On peut trouver ces détails dans Higgins, loc. cit., pp. 387, 390; Lawrence, War and Neutrality in the Far East, 2o éd., pp. 71–75; Rapport de M. Louis Renault à la deuxième Conférence internationale de la Paix, vol. i, p. 75; et Westlake, International Law, IIo partie, pp. 276, 278.

que nous pouvons faire est de noter la conclusion atteinte après une longue discussion aux deux Conférences de La Haye et dans la presse. Il faut se rappeler que la Convention que nous étudions proclame francs de toute prise les bateaux particuliers des neutres qui prennent à bord des combattants blessés, malades ou naufragés. Jusque-là, point d'objection. Mais vient ensuite la question du traitement applicable. D'un côté on soutenait qu'en passant sous le pavillon neutre les hospitalisés sont soustraits aux opérations de la guerre et que, dès lors, ils ne sauraient être rendus à l'adversaire comme prisonniers, ni à leur patrie pour qu'elle les enrôle à nouveau après guérison, mais qu'ils devraient rester internés en territoire neutre jusqu'à la fin de la guerre. De l'autre côté, on déclarait que le droit de visite que conservent les belligérants implique celui de faire prisonniers tous les blessés, malades ou naufragés de la flotte ennemie qu'on peut trouver à bord des vaisseaux neutres en les visitant. On a ajouté qu'il serait impossible d'empêcher les officiers de faire prisonnier un grand capitaine ennemi qu'ils trouveraient à bord d'un navire neutre et l'on a conclu qu'il fallait permettre.ce contre quoi il n'y a pas de remède. En dernier lieu, c'est cette seconde opinion qui a prévalu à la. Conférence de 1907, malgré l'opposition de la délégation anglaise. La Convention n'a pas seulement déclaré à cet égard qu'un vaisseau de guerre belligérant peut réclamer la remise des blessés ou naufragés qui sont à bord de bâtiments-hôpitaux militaires ou de bâtiments hospitaliers de sociétés de secours ou de particuliers', mais elle lui a donné le même pouvoir vis-à-vis des navires de commerce, yachts et embarcations', quelle que soit leur nationalité, sans égard pour le fait que ceux-ci ont répondu à l'appel fait à leur zèle charitable en soignant les victimes. Puisque les vaisseaux de guerre des neutres sont affranchis du droit de visite, la règle précitée ne leur est pas applicable. Il a toutefois été convenu que, si des blessés, des malades ou des naufragés sont pris à bord

d'un de ces navires de guerre, on ne doit pas leur permettre de reprendre aucune part à la guerre.1 La Grande-Bretagne a accepté l'article posant ce principe avec cette réserve qu'elle le comprend comme ne s'appliquant qu'au cas de combattants recueillis pendant ou après un engagement naval auquel ils ont participé'.2

§ 166

[ocr errors]

Le dernier fait à observer en ce qui concerne les combat- Interdiction tants c'est que

Certains procédés de destruction sont interdits.

• Il est maintenant acquis que le but des opérations de guerre n'est pas de tirer vengeance de l'ennemi ou d'exercer contre lui de l'animosité personnelle, mais de détruire son pouvoir de résistance et de l'amener à capituler le plus rapidement possible. Dès lors, tout emploi de la force qui cause plus de souffrance qu'il n'est nécessaire pour atteindre ce but est interdit par le droit des gens moderne. Ainsi un boulet ordinaire peut casser un bras et mettre le blessé hors de combat tout aussi bien qu'une balle explosive ou une balle qui s'épanouit ou qui s'aplatit dans le corps humain, causant une blessure très difficile à guérir. L'usage de pareils projectiles est donc interdit, et le principe qui les condamne trouve encore d'autres applications. Le mépris de la tromperie a inspiré d'autres prohibitions. Tous les moyens de destruction interdits seront examinés dans notre chapitre sur les agents et les instruments de guerre.

1 Pour le texte et le commentaire de la Convention de La Haye sur l'adaptation des principes de la Convention de Genève à la guerre maritime, v. Higgins, The Hague Peace Conferences, pp. 358-391. Pour le texte seul, v. Whittuck, International Documents, pp. 178-182; Scott, The Hague Peace Conferences, vol. ii, pp. 446-462; Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, pp. 153–167.

2 British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 6 (1908), p. 148.

de certains moyens de destruction.

§ 167

De l'amé

lioration

la condition des non

Il nous faut maintenant esquisser le droit de la guerre visgraduelle de à-vis de la personne des non-combattants. Nous avons déjà vu que, jusqu'à l'incorporation définitive, au XVIIe siècle, combattants. de la distinction entre combattants et non-combattants dans le droit de la guerre, les populations paisibles d'un territoire envahi étaient exposées à de honteux abus et quelquefois même à des massacres, quoique dans les pays chrétiens d'Europe on ne croyait pas qu'il fût juste de les réduire en esclavage. Il faut se rappeler que la réalisation de ce progrès ne s'est pas opérée dans l'espace d'un instant, sans certains signes avant-coureurs. L'évolution a été graduelle. Dès les guerres du Moyen Âge nous trouvons des exemples de procédés humains envers les belligérants, et le nombre en augmente avec le cours des années, quoique de temps à autre apparaisse une période de recul comme celle qui marqua la Guerre de Trente ans, à laquelle succédèrent, pourtant, soixante-dix ans de progrès rapides. Lorsque Henri V d'Angleterre envahit la France, en 1415, il défendit de faire violence aux populations paisibles et d'outrager les femmes, et il punit sévèrement ceux qui contrevinrent à cette prohibition, tandis que, moins d'un siècle auparavant, la marche des armées d'Édouard III avait été l'occasion continue d'incendies et de massacres. Le fameux chevalier Bayard fut d'une bonté remarquable pour les habitants des régions qu'il envahissait, et quant au Comte d'Essex, lorsqu'il prit Cadix en 1596, il permit aux habitants d'obtenir leur rançon collective et de s'embarquer sur des navires anglais avant l'heure du pillage. Ceux qui partaient n'avaient toutefois le droit d'emporter que les vêtements qu'ils avaient sur le dos, exception faite pour certaines dames de qualité à qui l'on permit de revêtir deux ou trois robes l'une par-dessus l'autre. Les habitants une fois partis, la ville fut mise à sac et détruite entièrement, sauf les églises et les établissements religieux. De tels procédés seraient aujourd'hui dénoncés comme bar

bares, mais à cette époque on loua les Anglais de leur ‘héroïque générosité'. Et certainement ils s'étaient montrés en avance sur les méthodes des expéditions côtières qu'on avait pratiquées jusque-là, alors que le fait de débarquer sur un rivage ennemi, d'en surprendre les ports et de les mettre à sac, de pendre les gens les plus paisibles sur le seuil de leur maison et de mettre ensuite le feu à la ville en la quittant, paraissait une forme normale des hostilités.1 Le commencement du XVIIIe siècle vit triompher le principe que les noncombattants devaient rester à l'abri de toute violence. Néanmoins bien des rigueurs injustifiables survécurent encore. Ainsi les habitants des territoires envahis étaient souvent obligés de jurer fidélité à l'envahisseur, quelquefois de renoncer à obéir à leur statut national et de fournir des recrues pour l'armée d'occupation. Le traitement consenti aux non-combattants sous l'empire du droit moderne peut être exposé suivant la classification des paragraphes suivants. La plupart des règles qui vont être rappelées se trouvent dans les actes des deux Conférences de La Haye et dans d'autres documents internationaux ayant force de loi. Quelques-unes pourtant ne sont issues que d'usages heureusement généralisés et sont, de ce chef, sujettes à contestation.

§ 168

La première règle à poser dans cette partie du sujet, c'est Les nonque

combattants

sont

exempts

violence personnelle.

Les non-combattants sont à l'abri de toute violence personnelle, de toute sauf dans la mesure des accidents que peut entraîner pour eux le cours légal de la guerre ou des punitions qui peuvent leur être infligées à raison de leurs manquements envers l'envahisseur. L'honneur des familles et la vie des particuliers doivent toujours être respectés. Cependant si des civils, voyageant dans un train qui transporte aussi des soldats, sont blessés au

1 Bernard, Growth of the Law of War dans les Oxford Essays for 1856, pp. 97-99, 130, 133.

« PreviousContinue »