Page images
PDF
EPUB

sous la forme d'armes, de matériel de guerre, de moyens affectés sur terre, sur mer et dans les airs à la transmission des nouvelles et au transport des personnes et des choses. Même en pareil cas, les objets devront être restitués et les indemnités seront réglées à la paix'. Il faut comprendre dans l'énumération précitée les appareils radiotélégraphiques, les aéroplanes, les ballons dirigeables et le matériel roulant des chemins de fer, quand ils appartiennent à des individus ou à des compagnies particulières. En insérant dans le texte des Règlements une mention relative aux moyens affectés sur mer' on a visé les navires qu'on peut saisir dans les ports ou en cours de navigation fluviale, car alors ils tombent sous l'application des lois de la guerre sur terre. Le cas habituel des prises maritimes est exclu par la parenthèse en dehors des cas régis par le droit maritime'. On n'a pas réglé la question de savoir d'où proviendraient les indemnités payables à la paix pour l'usage temporaire des articles saisis. Sans doute, comme l'observe le professeur Holland, c'est 'le traité de paix qui doit déterminer à qui incombe la charge des indemnités '.2 La Conférence de 1907 a considéré un cas qui tient la limite entre le droit de la guerre sur terre et le droit de la guerre sur mer, lorsqu'elle a proclamé que les câbles sous-marins, reliant un territoire occupé à un territoire neutre, ne seront détruits que dans le cas d'une nécessité absolue. Ils devront également être restitués et les indemnités seront réglées à la paix '. Ce texte a été admis à la demande du Danemark qui en avait fait discuter le principe dans les diverses conférences internationales depuis celle de Bruxelles en 1874. Que l'on coupe ou détruise le câble en cas de nécessité absolue, on ne peut le faire qu'à l'extrémité qui touche au rivage ennemi. La destruction sur un autre point concerne les règles de la guerre sur mer. L'article 19 de la Convention concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre dispose V. l'art. 53. 2 The Laws of War on Land, p. 57.

3

3 V. l'art. 54.

Sens particulier des

butions et

que le matériel des chemins de fer provenant du territoire des Puissances neutres, qu'il appartienne à ces Puissances ou à des sociétés ou personnes privées, et reconnaissable comme tel, ne pourra être réquisitionné et utilisé par un belligérant que dans le cas et la mesure où l'exige une impérieuse nécessité. Il sera renvoyé aussitôt que possible dans le pays d'origine'. Celui-ci a le droit corrélatif de retenir et utiliser, jusqu'à due concurrence, le matériel provenant du territoire de la Puissance belligérante'. Il y a donc une balance à établir, de part et d'autre, ‘en proportion du matériel utilisé et de la durée de l'utilisation', et une indemnité doit être payée par la partie la plus avantagée à l'autre. Ces règles montrent que le principe de l'immunité des biens mobiliers est jalousement sauvegardé et que, lorsqu'une urgente nécessité le fait méconnaître, l'exception qu'on y a apportée est compensée par une indemnité. Ajoutons que cette immunité, pareille à d'autres immunités déjà spécifiées, dépend d'une attitude paisible et régulière de la partie qui doit en bénéficier, et l'occupant est juge de cette attitude. La saisie et la destruction des biens peuvent être la suite de toute infraction aux décisions de l'occupant, si l'on renseigne les autorités destituées, si l'on donne asile à leurs agents, ou si l'on attaque leurs éclaireurs ou leurs sentinelles. En outre, les biens mobiliers sont soumis à des prestations rigoureuses, quoique réglementaires, que nous allons maintenant envisager!

§ 180

Les termes techniques par lesquels on désigne les diverses réquisitions, prestations auxquelles nous allons nous référer sont ceux des contri- de Réquisitions, de Contributions et d'Amendes. En droit des amendes. strict, les réquisitions portent sur des objets d'usage quotidien que l'occupant prélève sur la population du territoire occupé. Les contributions sont des sommes d'argent qu'il 1 Higgins, loc. cit., p. 286.

[ocr errors]

exige en outre des impôts, et les amendes sont des peines pécuniaires infligées à un territoire en raison d'une faute qui y a été commise au préjudice de l'occupant. Les deux premiers de ces termes sont employés indifféremment pour désigner, dans le langage populaire, les divers services, en monnaie ou en nature, que l'occupant se fait rendre par les habitants du territoire occupé.

[ocr errors]

6

L'occupant a incontestablement un pouvoir discrétionnaire en matière de réquisitions, et il en a usé, dans la plupart des guerres modernes, avec plus ou moins de rigueur. Le Règlement de 1907 limite les réquisitions aux besoins de l'armée d'occupation', mais elles doivent être en rapport avec les ressources du pays et de telle nature qu'elles n'impliquent pas pour les populations l'obligation de prendre part aux opérations de la guerre contre leur patrie'. On ne peut les exercer 'qu'avec l'autorisation du commandant dans la localité occupée'. La perception ne peut en avoir lieu 'qu'en vertu d'un ordre écrit ', elle doit être constatée par un reçu. Cette précaution est utile comme preuve de ce qui a été pris, elle devient obligatoire dès qu'il s'agit d'une contribution qui n'est pas payée au comptant. On recommande de payer au comptant, mais il est manifeste que ce n'est pas toujours possible. Aucun commandant ne laisserait ses soldats souffrir de la faim, au milieu de l'abondance, uniquement parce que sa caisse est à sec, ou qu'elle n'a pu le suivre dans ses déplacements. Pour garantir aux populations leur paiement ultérieur le Règlement de 1907 ajoute, à la disposition qui exige des reçus lorsqu'il n'y a pas paiement au comptant, une autre disposition spécifiant que le paiement des sommes dues sera effectué le plus tôt possible'. Mais il ne précise pas de quelle source procédera le paiement. Il est naturel que le paiement incombe à celui qui a reçu les prestations, mais, si celui-ci est victorieux, il se peut qu'il fasse retomber sa dette sur le vaincu, comme l'une des conditions de la paix. Il se peut

1 V. l'art. 52.

aussi que le vaincu reste tellement appauvri, que le vainqueur n'ait de choix qu'entre laisser le pays en état de ruine complète ou payer lui-même les prestations faites de part et d'autre. La Grande-Bretagne s'est trouvée en présence de cette alternative lors de la guerre des Boers, en 1902, et elle en a choisi le second terme. Suivant l'art. 10 de la Paix de Vereeniging 'tous les reçus délivrés par les officiers aux ordres des Républiques Sud-africaines ou ayant commandé sur leur territoire' devaient être considérés comme preuve des pertes subies s'il était constant qu'on les eût délivrés en échange d'une prestation régulière', et, pour faire honneur à ces reçus, on vota un crédit de £3,000,000.1 Dans les guerres modernes les armées civilisées sont suivies par de grands trains régimentaires, chargés de provisions, et elles ne considèrent les réquisitions que comme des ressources supplémentaires. Mais, dans le tourbillon et la confusion de la lutte, il arrive que les services les mieux organisés font parfois défaut, par exemple après une marche forcée ou un engagement inattendu, et il faut bien alors prélever sur place ce qui est nécessaire pour les besoins des troupes. La perception s'opère, en général, par l'intermédiaire des autorités locales, et ce n'est que si celles-ci ont pris la fuite, ou si l'on n'a pas le temps nécessaire pour provoquer leur intervention, qu'on charge des soldats de recueillir ce qui est nécessaire. En Mandchourie, pendant la Guerre de 1904-1905, les Japonais employèrent une méthode nouvelle qui fait également honneur à leur humanité et à leur ingéniosité. Ils remettaient, en échange des fournitures ou des services, des chèques militaires susceptibles d'être remboursés en pièces d'argent, à certains moments et à certains endroits. Les prix se calculaient d'après les mercuriales locales, telles que celles-ci étaient fixées par les autorités japonaises et les chambres de commerce chinoises. On les affichait dans les villes et les villages, et l'on faisait savoir que tout ce qui serait requis serait payé d'après ce 1 London Times, 3 juin 1903.

tarif. Il en résulta qu'au bout de quelque temps les gens utilisèrent les chèques comme du papier-monnaie, sans demander d'argent en échange.1 Cette méthode, plus ou moins modifiée suivant les cas, pourrait se généraliser avec avantage. Beaucoup d'armées fixent leurs propres prix et ne les cotent certes pas trop haut. La Grande-Bretagne et les États-Unis se conforment aux mercuriales, mais laissent celles-ci subir l'influence de l'heure critique. Le système japonais évite les deux extrêmes, et, en outre, il résoud la difficulté provenant de la disparition de la monnaie au moment des hostilités.

[ocr errors]

A l'encontre des réquisitions, que le commandant peut exiger sur-le-champ, les contributions ne peuvent être perçues qu'en vertu d'un ordre écrit et sous la responsabilité d'un général en chef'. Le prélèvement peut en être fait pour les besoins de l'armée ou de l'administration de ce territoire'. On se rappellera que les impôts ordinaires sont perçus par les caisses de l'occupant qui doit pourvoir aux frais de l'administration du territoire occupé dans la mesure. où le gouvernement légal y était tenu'. Dès lors, à moins que le produit des sources habituelles du revenu ne soit exceptionnellement faible, il n'y aura aucun besoin de contributions pour les besoins habituels du maintien de l'ordre et de l'administration de la justice. La possibilité de percevoir des contributions ouvre cependant une large porte aux abus. Il est bien vrai qu'une contribution en espèces peut être parfois moins vexatoire qu'un service en nature, et peut être plus profitable si la somme perçue est employée à des achats avantageux ; mais il est également vrai qu'une province entière peut se trouver appauvrie par des contributions conformes à la lettre du Règlement de La Haye. Supposez, par exemple, qu'un Etat pauvre, mais guerrier, envahisse un territoire voisin et y ait de suite du succès. Il pourrait maintenir ses troupes et assurer leur équipement militaire longtemps encore, en 1 Takahashi, loc. cit., pp. 260, 261.

« PreviousContinue »