Page images
PDF
EPUB

prélevant des contributions pour les besoins de l'armée'. Le principe napoléonien d'après lequel la guerre doit se suffire à elle-même pourrait recevoir ainsi des applications rigoureuses, sans que la lettre du Règlement élaboré aux Conférences de 1899 et de 1907 soit violé. Dans ce cas particulier, le Règlement protège les habitants des territoires occupés contre des contributions en argent qui ne seraient perçues que pour enrichir l'État ou les particuliers, et c'est certainement là un grand profit. Mais, littéralement parlant, il n'empêche pas un pays de faire supporter la plus grande partie de ses dépenses de guerre par les infortunés habitants des territoires qu'occupe son armée. En tous cas la perception doit se faire autant que possible, d'après les règles de l'assiette et de la répartition en vigueur', et un reçu sera délivré aux contribuables'.1 Il n'y a cependant pas de dispositions prévues pour le remboursement, sur lequel les contribuables ne peuvent compter que si leur gouvernement, pour égaliser les charges, les indemnise, après la guerre, aux frais du pays tout entier, comme la France le fit, en 1871, pour ceux qui avaient subi les exactions allemandes.

[ocr errors]
[ocr errors]

En ce qui concerne la guerre sur mer, l'art. 4 de la Convention de 1907 sur le bombardement par des forces navales interdit 'le bombardement, pour le non-paiement des contributions en argent, des ports, villes, villages, habitations ou bâtiments non défendus'. C'est ainsi que les hommes civilisés ont enfin mis à néant un des projets les plus chers d'une certaine classe d'officiers de marine tant en Angleterre que sur le continent européen. Personne ne peut douter qu'aujourd'hui il n'est plus légal de bombarder des villes de la côte, riches mais sans défense, si elles refusent de payer leur rançon.2 Après une longue controverse, ce principe d'humanité a enfin reçu la consécration de l'assentiment public, et quoiqu'il soit incorporé dans une Convention concernant la guerre sur mer, nous l'avons invoqué 2 Higgins, loc. cit., pp. 348, 352–354.

1 V. les art. 48, 49, 51.

ici parce que sa protection s'étend nécessairement à des villes et à des bâtiments en pleine terre.

Les amendes, il faut se le rappeler, sont des peines pécuniaires infligées à des localités ou à des territoires qui se sont montrés incapables de découvrir et de déférer à la justice les auteurs d'infractions commises contre la sécurité des occupants. L'art. 50 du Règlement de La Haye déclare qu'aucune peine collective, pécuniaire ou autre, ne pourra être édictée contre les populations à raison de faits individuels dont elles ne pourraient être considérées comme solidairement responsables'. A première vue, ces mots semblent interdire toute rigueur contre les autorités locales ou contre les populations dans leur ensemble; mais la fin de la phrase indique une exception à cette règle, car, si les peines collectives sont interdites lorsqu'il n'y a pas de responsabilité solidaire, elles sont implicitement autorisées quand la responsabilité solidaire est établie. Si un détachement, occupant un village, était massacré de nuit, pendant son sommeil, on n'oserait guère soutenir que la population échappe à toute responsabilité collective si la conspiration du silence déjouait tous les efforts faits pour identifier les coupables. D'autre part, si un train déraillait de nuit, en traversant un ravin désert, loin de toute habitation, qui est-ce qui admettrait que toute la population, sur des kilomètres carrés alentour, a dû participer, directement ou indirectement, au déraillement? Le problème se ramène à une question de preuve, quoique la preuve admise doive toujours avoir ce caractère grossier et sommaire dont on se contente en temps de guerre. Lorsque la complicité de la population est évidente, soit en raison des preuves directes, soit à cause des circonstances de l'espèce, la population ne sera pas protégée par l'art. 50 et l'on ne concevrait pas de sanction plus bénigne qu'une peine pécuniaire. Les Allemands, pendant la Guerre de 1870, et les Anglais, pendant celle du Transvaal, ont édicté des peines de ce genre dans des cas où la responsabilité solidaire était plutôt présumée

que prouvée. Mais il faut noter qu'il n'y avait pas encore de Règlement de La Haye en 1870, et que les Républiques Sud-africaines n'avaient pas été autorisées à participer à la Conférence de la Paix de 1899 dont les règles n'étaient applicables aux Puissances contractantes que dans les guerres qu'elles auraient entre elles. Ni dans l'un ni dans l'autre de ces cas, le Règlement de La Haye n'avait donc d'autorité. Eût-il été obligatoire, il est clair que les belligérants eussent dû s'abstenir non seulement d'édicter des peines pécuniaires dans des cas où on ne pouvait prouver la responsabilité solidaire des habitants, mais même d'user d'autres peines collectives dont on a fait parfois application dans des cas pareils. Nous songeons notamment à la destruction des maisons et des fermes et à l'obligation imposée à des notables de monter sur les locomotives des trains militaires parcourant certaines régions. De telles rigueurs peuvent se justifier, aux termes de l'art. 50, lorsqu'il est constant que la population entière sympathise avec les auteurs des délits dont on se plaint et qu'elle les protège contre toute arrestation, mais seulement dans ce cas. On ne peut demander à aucun général de rester coi tandis qu'on s'attaque à ses sentinelles et à ses éclaireurs et qu'on intercepte ses convois dans des régions qui, théoriquement, sont censées poursuivre, sous sa protection, les seuls travaux de la paix. Ce général doit cependant faire tous ses efforts pour découvrir les vrais coupables, et n'user des peines collectives telles que les amendes, les incendies ou les saisies d'otages, que lorsque la recherche des coupables a été entravée par le parti pris de la population en leur faveur. C'est le point de vue du Règlement de La Haye, qui considère les représailles comme une pénalité collective applicable quand il n'y a aucun doute sur la responsabilité solidaire, tandis qu'il les interdit autrement. Le professeur Oppenheim,1 ainsi que le professeur Holland, estiment au contraire que

1 International Law, vol. i, p. 175.

2 The Law of War on Land, p. 55.

l'art. 50 ne parle pas des représailles et ne vise que des cas qui leur sont étrangers. Si cette observation est exacte, le commandant des corps d'occupation serait libre de recourir à n'importe quelle mesure de rigueur sur le territoire qu'il occupe, pour peu qu'il sache se couvrir du prétexte d'une représaille à exercer à raison d'actes coupables commis par les habitants ou avec leur connivence. Un article aussi facile à tourner n'aurait guère valu la peine d'être édicté. Il vaut mieux déduire d'une règle les exceptions qu'elle comporte en en appliquant logiquement le principe que de l'éliminer complètement dans tous les cas qu'on prétend lui être étrangers.1

1 Higgins, loc. cit., pp. 244-253; Whittuck, loc. cit., pp. 139-142; Scott, The Hague Peace Conferences, vol. iii, pp. 394–401; Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, pp. 112–117.

Caractère

national

CHAPITRE V

LES LOIS DE LA GUERRE CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ

ENNEMIE SUR MER

§ 181

Les

Les navires appartenant à l'État et ceux qui appartiendes navires. nent à des particuliers de la même nationalité sont considérés comme ayant le même caractère national. navires de l'État sont généralement équipés et armés en guerre; mais chaque État maritime entretient des services marchands sur mer aussi bien que sur terre, et les navires dépendant de ces services ont un caractère national aussi certain que celui du vaisseau-amiral de la flotte. En réalité tout navire sur lequel l'État exerce un contrôle absolu, qui est commandé par des officiers de l'État, et que l'État emploie à son service, a un caractère national même si l'État n'en est pas propriétaire, mais l'a seulement loué pour un temps. La distinction que nous établissons toujours entre le caractère juridique des vaisseaux de guerre et celui des navires marchands devrait en réalité être faite entre les vaisseaux ayant le caractère de propriété publique et ceux qui ne sont que propriété privée.

C'est de la fonction d'un navire que dépend son caractère public ou privé. Le plus souvent son pavillon, son apparence extérieure et la parole de son capitaine en fournissent la preuve.1 Mais il faut se rappeler qu'en temps de guerre les navires de guerre des belligérants peuvent masquer leur nationalité et même arborer un pavillon neutre, pourvu qu'ils hissent leur propre pavillon avant d'avoir tiré le premier coup de feu. Il faut aussi retenir qu'il y a des différences d'opinion entre les États au sujet de la légalité des transformations

1 Perels, Seerecht, § 11.

« PreviousContinue »