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dessein qu'elles soient universelles. Avant de prendre ce nom, il doit s'assurer la soumission à des lois des plus grandes Puissances, et chercher à l'obtenir de toutes. Un délai raisonnable doit être accordé; mais s'il ne réussit pas finalement à gagner l'adhésion, expresse ou tacite, de la grande majorité des États civilisés, la simple généralité de son but ne suffira pas à l'élever à la dignité d'une loi internationale. Par exemple, le Traité de Washington de 1871 ne peut être rangé parmi les traités-lois, quoique les Puissances contractantes, la Grande-Bretagne et les États-Unis d'Amérique, convinssent non seulement d'observer entre elles les trois règles renfermées dans son sixième article, mais encore de les notifier aux autres Puissances dans la pensée d'en obtenir la réception générale. Cela n'eut jamais lieu, partie parce que les deux gouvernements n'arrivèrent pas à interpréter les règles de la même manière, partie parce qu'on savait que des États importants auraient décliné de les accepter.1 Lorsque toutes les clauses d'un traité sont faites pour obliger le corps entier des États civilisés, c'est un pur traité-loi. Quand les unes seulement sont de cette nature, pendant que les autres se rapportent à des questions spéciales et particulières, une revision de frontières, le règlement d'un différend de pêche, par exemple, c'est un traité-loi, mais non un pur traité-loi. Tel est le cas du Traité de Berlin de 1878. Il mit la Serbie et la Roumanie au nombre des États indépendants qui composaient la famille des nations. Mais il était plein de clauses relatives à des questions mineures, n'intéressant que les Puissances qui s'y trouvaient immédiatement impliquées.

§ 31

ment d'un

Les purs traités-lois constituent un Code du droit des gens. DéveloppeLe premier de tous est la Déclaration de Paris de 1856. Il Code du établit quatre règles pour la conduite des États engagés dans Droit des

1 Moore, International Arbitrations, vol. i, pp. 667–678.

Gens.

une guerre sur mer; il fut négocié par les Puissances représentées à la grande Conférence de Paris, qui régla pour un temps la question d'Orient et termina la Guerre de Crimée par le Traité de Paris de 1856. Elles étaient au nombre de sept; mais cinq sur sept étaient de Grandes Puissances. De plus, la Déclaration visait à l'universalité en réclamant l'adhésion des États non représentés à la Conférence. La grande majorité signa immédiatement. D'autres l'ont fait depuis. A ce jour il manque seulement cinq signatures. De plus, les Puissances qui s'abstenaient de signer ont agi, quand elles ont été belligérantes, comme si elles avaient signé, et ont reçu, quand elles étaient neutres, le même traitement que les Puissances signataires. Ainsi la Déclaration a pour elle le consentement exprès de presque tous les États civilisés et le consentement tacite des autres. Rien ne lui manque pour faire autorité. C'est une loi internationale. D'autres sont venues ensuite.

La Convention de Genève de 1864 pour l'amélioration de la condition des malades et blessés dans la guerre sur terre, bien que signée et ratifiée à l'origine par dix Puissances seulement, devint promptement d'application générale par l'adhésion de presque toutes les autres. Elle fut revisée en 1906 par une Conférence réunie à Genève, et, dans cette forme améliorée, a reçu la ratification de nombreux États. D'autres suivront sans doute leur exemple; et il ne faut pas oublier qu'en attendant toutes les Puissances non adhérentes, sauf des exceptions insignifiantes, sont liées par la première Convention. On peut donc dire avec vérité que la Convention de Genève, dans l'une ou dans l'autre forme, est un statut international.

Un autre exemple en est la Déclaration de Saint-Pétersbourg conclue en 1868 dans le but d'interdire l'usage des balles explosives en temps de guerre. Elle fut l'œuvre d'une com2 V. § 113.

1 V. § 243.

3 Whittuck, International Documents, pp. 5, 82, et notes.

mission des représentants de dix-huit États, comprenant les Grandes Puissances d'Europe. Deux États y ont adhéré depuis ; et presque tous les autres se sont engagés indirectement à l'observer par leur acceptation des Règles de La Haye de 1899 et 1907 relatives aux lois et coutumes de la guerre sur terre. L'art. 23 de ces Règles défend différents actes 'en outre des prohibitions établies par des Conventions spéciales'. Or, la Déclaration de Saint-Pétersbourg est une de ces Conventions; et par conséquent les Puissances qui se sont engagées à obéir aux Règles de La Haye se sont engagées ipso facto à se soumettre à la restriction arrêtée dans la Déclaration de Saint-Pétersbourg.1

2

La Convention qui a pourvu à la neutralisation du Canal de Suez doit être comptée parmi les purs traités-lois. Après des négociations qui ont duré de 1887 à 1888, elle a été signée au mois d'octobre de cette dernière année par les six Grandes Puissances de l'Europe, et par la Hollande, l'Espagne et la Turquie, c'est-à-dire par tous les États les plus intéressés à ce dont elle traite. D'autres États l'ont acceptée tacitement, dont les navires se sont conformés à ses clauses lorsqu'ils ont passé par le canal. Nous pouvons par conséquent la considérer comme un statut international. Il est, pourtant, prématuré de placer le Traité Hay-Pauncefote de 1901 dans la même catégorie, quoiqu'il traite d'une façon presque identique un problème semblable. Mais la Grande-Bretagne et les États-Unis en sont les seules parties, et par conséquent les seules Puissances légalement soumises aux règles établies par lui pour la navigation du Canal de Panama, dès qu'il sera fait. Elles ne revendiquent pas le droit d'y poser des règles pour le reste du monde civilisé. Cependant, comme les règles admises dans le traité sont justes, et basées presque en tous les détails sur celles qui ont rallié l'acceptation universelle dans le cas parallèle du Canal de Suez, il est probable

1 Whittuck, International Documents, pp. 10, 11, 43, 135; Holland, Laws of War on Land, pp. 41, 121–123, 141.

2 V. § 90.

interna

tionale.

d'une

que l'adhésion tacite à ces règles des autres États suivra la jonction de l'Atlantique et du Pacifique par une route d'eau artificielle. Alors, le traité deviendra un pur traité-loi.

§ 32

Les rudi- Mais les meilleurs exemples de statuts internationaux se legislation trouvent dans les Conventions négociées par les Conférences de la Paix à La Haye en 1899 et 1907. Celles-ci diffèrent de toutes les autres en ce qu'elles sont l'œuvre de grandes assemblées internationales qui se réunirent dans le but exprès de chercher à faire des lois pour toute la famille des nations, non sur une question, mais sur plusieurs. Ce furent, de fait, des législatures rudimentaires; et il est remarquable que la première des deux prit cette position presque par hasard. Elle dut son origine à l'initiative humanitaire de l'Empereur de Russie, Nicolas II, qui, profondément touché au début de son règne des maux de la guerre et des pertes économiques de son incessante préparation, proposa, en conséquence, une grande conférence internationale dans le but d'arriver à un commun accord sur les moyens les plus efficaces d'assurer à tous les peuples les bienfaits d'une paix réelle et durable, et, surtout, de mettre fin au développement progressif des armements actuels'. La paix et le désarmement en étaient l'objectif. Mais la discussion diplomatique montra bientôt qu'il était plus pratique de réglementer la guerre que de l'abolir; le programme de la conférence, arrêté au commencement de 1899, comprit donc la revision des lois de la guerre sur terre et la réglementation de l'œuvre de la Croix-Rouge sur mer.2 Quand les délégués des Puissances s'assemblèrent à La Haye, en mai 1899, ils procédèrent à l'élaboration d'une Convention pour le règlement pacifique des différends internationaux, d'une Convention relative aux Lois et Coutumes de la Guerre sur Terre, et d'une Convention pour adaptation à la guerre maritime des principes de la Conven

1 Rescrit du Tsar, 24 août 1898.

2 Circulaire du Comte Mouravieff, 11 janvier 1899. Lawrence, International Problems and Hague Conferences, pp. 39–41.

tion de Genève de 1864. De plus, trois déclarations furent adoptées: la première défendait, pour une durée de cinq ans, le lancement de projectiles et d'explosifs du haut des ballons; la seconde interdisait l'emploi des projectiles exclusivement destinés à répandre des gaz asphyxiants et délétères; et la troisième demandait qu'on s'abstînt d'employer des balles qui s'épanouissent ou s'aplatissent en pénétrant dans le corps humain. Les vingt-six Puissances représentées à la Conférence signèrent et ratifièrent, presque toutes, ces actes.1 Les abstentions ne furent pas assez nombreuses pour priver les accords du caractère de statuts internationaux. Mais leur existence marque une différence importante entre l'assemblée législative nouvelle et rudimentaire de la société des nations et les législatures parfaites des États particuliers qui la composent. L'individu est contraint par son gouvernement d'obéir aux lois faites en due forme, même s'il les désapprouve énergiquement. Mais l'État ne peut être contraint par un gouvernement supérieur de la société des États, vu qu'il n'existe aucune autorité centrale de ce genre. S'il refuse de donner son consentement à une loi, il n'est pas lié par elle. Il faut, cependant, ajouter qu'un consentement tacite est aussi efficace, quoique moins aisé à prouver, qu'un consentement exprès. Il peut arriver qu'un État, qui a refusé de signer une ou plusieurs des Conventions de La Haye, les suive néanmoins avec une telle constance qu'il y devienne lié par coutume, sans l'être par la Convention.

Peut-être le résultat le plus considérable de la première Conférence de La Haye en est-il un auquel on accorda sur le moment peu d'attention? Avant de se séparer, elle exprima plusieurs vœux, notamment trois, dont chacun demandait qu'une importante question, par lui proposée, fût examinée par une Conférence suivante. Ainsi, la Conférence attestait qu'elle n'entendait pas demeurer seule, comme une grande guerre ou une grande alliance, à lointains effets sans doute dans ses conséquences, mais en elle-même unique. Au contraire, elle désirait se reproduire avec toute la rapidité convenable. Les termes de 1 Whittuck, International Documents, pp. 13-71.

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