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certificats d'immatriculation anglais ou américains. De plus, un navire allemand doit porter un rôle de son équipage, un journal de navigation, un état de sa cargaison, les connaissements, et, le cas échéant, la charte-partie. La loi française prescrit l'acte de propriété du navire, l'acte de francisation, le rôle d'équipage, les connaissements et chartesparties, les procès-verbaux de visite et les acquits de paiement ou à caution des douanes. Ces quatre listes peuvent être considérées comme typiques: il est évident qu'elles prévoient toutes la démonstration des mêmes faits essentiels, malgré de légères différences dans leurs énumérations. Ces renseignements correspondent aux vœux du droit international. Celui-ci laisse seulement à chaque État maritime le soin de décider comment et sous quelles formes les renseignements voulus seront fournis par ses propres navires.

Le fait de n'être pas muni des papiers réglementaires ou d'en présenter avec des irrégularités grossières, des lacunes ou des contradictions, justifierait de la part du croiseur belligérant la saisie du navire, tout aussi bien que si celui-ci produisait de faux papiers. On appelle, en langage technique, spoliation des papiers, leur destruction volontaire, par exemple en les jetant par-dessus bord au moment où l'on est poursuivi, ou de toute autre manière. En Angleterre et en Amérique on considère qu'un fait de spoliation de papiers justifie la capture, mais pas nécessairement la condamnation du navire. On y trouve une forte présomption de culpabilité, mais cette présomption est susceptible d'être combattue par la preuve contraire. Ce point de vue paraît se généraliser aujourd'hui parmi les nations maritimes.1

1 Halleck, loc. cit., vol. ii, p. 301; General Report presented to the Naval Conference of London, ch. ix; se trouve dans les British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 4 (1909), p. 65.

§ 188

nature des

bilité qui

leurs

Entre belligérants, la force se sert de titre à elle-même. De la Si la propriété ennemie est capturée sur mer dans des con- tribunaux ditions qui la rendent passible de saisie et de confiscation, de prise aux termes des lois de la guerre, les droits des propriétaires responsaprimitifs disparaissent, quoique le ius postliminii puisse les résulte, pour faire revivre, comme nous l'avons vu, en cas de reprise. Il l'Etat, de y a, cependant, parfois un doute sur le point de savoir si décisions. certains biens appartenaient réellement à un propriétaire ennemi, ou si la capture en a été opérée en un lieu où les actes de guerre étaient réguliers. Il est, d'autre part, nécessaire de déterminer l'exacte mesure dans laquelle les droits de propriété sont dévolus aux capteurs. Pour trancher ces divers points l'intervention d'une juridiction est hautement désirable, même dans les cas où la propriété d'un belligérant, réelle ou présumée telle, se trouve seule en cause. Mais cette juridiction devient indispensable dès que les droits des neutres ou les réclamations des neutres sont en cause. Ce n'est pas le simple verdict de la force qui peut régler les rapports des belligérants avec les sujets d'États qui n'ont pas pris part à la guerre. Ceux-ci peuvent se trouver condamnés à perdre leurs droits, mais cette perte ne saurait résulter du simple fait qu'un belligérant s'est emparé de ce qui leur appartient et en a conservé la possession. Ce n'est qu'un débat judiciaire qui peut déterminer si le belligérant a le droit de conserver cette possession. C'est pourquoi tous les États civilisés établissent des tribunaux de prises pour protéger les sujets des États neutres et juger les prétentions des capteurs. Quand les marins d'un État se saisissent de la propriété ennemie en mer, ils s'en emparent, stricto iure, pour le compte de leur pays et non pour eux-mêmes. Cependant les lois nationales, dans tous les pays sauf un seul, abandonnent le produit des prises aux capteurs, en tout ou en partie, suivant un taux de rémunération fixé par les autorités publiques. Le

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pays qui fait exception est les États-Unis où les parts de prise ont été supprimées par le Congrès en 1903.1 En 1864 le Parlement britannique a statué sur ce sujet dans le Naval Prize Act qui déclare expressément que les capteurs continueront à ne recevoir que les parts de prises qui pourront, de temps à autre, leur être allouées par la Couronne'. Mais ce fut, au cours des temps modernes, et c'est encore, une règle invariable, de la part de la Couronne, d'accorder le produit entier de la prise aux officiers et aux marins qui ont participé à la capture. La pratique courante des tribunaux de prises est d'ordonner, après leur condamnation, la vente du navire et de sa cargaison, et la somme ainsi obtenue est partagée entre les capteurs.

Les tribunaux de prises sont des juridictions nationales instituées par les belligérants, soit sur leur propre territoire, soit sur le territoire qu'ils occupent militairement, soit sur un territoire appartenant à un de leurs alliés. Il faut, en ce dernier cas, que l'allié ait consenti à l'établissement du tribunal. Mais un neutre ne peut pas autoriser l'établissement d'un de ces tribunaux sur son territoire sans manquer gravement aux lois de la neutralité, et, si l'un des belligérants essaye d'établir un de ces tribunaux en territoire neutre, il serait coupable d'une grave atteinte à l'indépendance d'un État neutre, car on ne saurait exercer la souveraineté, sous sa forme la plus haute, sur le territoire d'une nation amie qui reste en état de paix. Cette atteinte se commettraitelle, l'État qui la subirait pourrait défendre sa neutralité les armes à la main, si ses représentations diplomatiques n'étaient pas écoutées. Si le gouvernement neutre ne protestait pas, il serait exposé à des réclamations, peut-être même à des actes hostiles, de la part de l'autre belligérant, qui souffrirait de sa complaisance. Washington le comprit parfaitement lorsqu'en 1793 Genet, ministre de la Répu

1 Moore, International Law Digest, vol. vii, p. 543.

2 Halleck, loc. cit., vol. ii, pp. 431-433. Voir aussi Oddy v. Bovill (Scott, loc. cit., pp. 924-925).

blique française, chercha à organiser sur le territoire des États-Unis des tribunaux de prises consulaires. Après avoir vainement adressé à cet agent diplomatique des représentations personnelles, il fallut demander son rappel à la France qui voulut bien, en y consentant, mettre un terme à ses pro-. cédés vexatoires.1

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Quoique les tribunaux des prises soient institués par le gouvernement d'un belligérant qui en nomme et en rémunère les juges, leur but est d'appliquer le droit international. En Amérique il a été jugé et rejugé que le droit international est partie intégrante du droit national, et l'on estime que chaque membre de la famille des nations doit se soumettre aux lois de la société dont il fait partie. En Angleterre, ce point de vue n'a été ni si clairement expliqué, ni si largement appliqué. Il représente néanmoins l'opinion dominante, et, sur le continent européen, serait généralement accepté, sans que cependant on consentît à le formuler dans les mêmes termes. Toutes les nations seraient, du moins, d'accord pour reconnaître que leurs tribunaux de prises sont tenus d'appliquer les règles du droit des gens aux espèces qui leur sont soumises, et, dans la plupart des cas, la pratique confirme sur ce point la doctrine. Cependant, tant que la nature humaine restera ce qu'elle est, les juges les plus honnêtes et les plus capables éprouveront l'impossibilité absolue de se dépouiller complètement de leurs sentiments patriotiques et de leurs plis professionnels. Ces inconvénients d'ordre subjectif peuvent cependant être réduits au minimum, et les grands jurisconsultes qui ont illustré les tribunaux internationaux ont brillé par leur impartialité autant que par leur science. Il y a, toutefois, un cas où le juge le plus honnête peut se sentir obligé à rendre un jugement qu'il sait être contraire aux principes reçus du droit international. Ce cas se présente lorsque 1 Moore, loc. cit., vol. iv, pp. 486, 487; Message de Washington du 5 décembre 1793.

2 Wharton, International Law of the United States, § 8. 3 Maine, International Law, pp. 35-47.

le souverain de son propre pays a promulgué des lois ou édicté des règles commandant ce que le droit des gens défend ou défendant ce qu'il commande. On en a eu un exemple lors des décrets de Berlin et de Milan, sous Napoléon Ier, et des Orders in Council que le Gouvernement anglais édicta par voie de représailles. Les tribunaux de chaque pays avaient l'obligation d'appliquer respectivement les textes promulgués par les autorités constituées qui les avaient établis. S'y seraient-ils refusé, ils se fussent placés dans un état de forfaiture et leurs membres eussent été promptement destitués. Chaque État est cependant responsable vis-à-vis des autres États du préjudice qu'il leur cause, à eux ou à leurs sujets, par des procédés qui excèdent ses pouvoirs de belligérant. Ses tribunaux de prises, si on les laissait juger par eux-mêmes, comme on doit le faire et comme on le fait habituellement, appliqueront le droit international: c'est une règle générale, malgré quelques célèbres exceptions. Mais si on leur impose une législation contraire au droit international, il faut bien qu'ils s'y soumettent. Les autres États, toutefois, échappent à cette obligation, et, si les neutres estiment qu'ils sont lésés par des décisions rendues spontanément ou en vertu de lois particulières, ils s'en plaindront au belligérant. L'effet des décisions des tribunaux de prises est de trancher tous les droits de propriété sur le navire ou sur sa cargaison. Le conflit entre capteurs et revendiquants prend fin lors de la décision rendue sur appel, et cette décision ne saurait être revisée par une cour d'un autre pays. Mais les neutres qui en éprouvent du préjudice peuvent réclamer des dommages et intérêts par l'organe de leur gouvernement.1 Chaque État est responsable des décisions de ses tribunaux de prises, et, si ceux-ci ont jugé injustement, il est tenu d'indemniser les parties lésées. L'histoire des rapports internationaux nous en fournit de nombreux exemples. Nous pouvons rappeler notamment la sentence de la Commission 1 Moore, International Arbitrations, vol. iii, pp. 3184–3191.

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