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mixte nommée en vertu du Traité anglo-américain de 1794. Elle alloua une indemnité aux victimes de diverses décisions des tribunaux de prises anglais qui, dépassant les droits extrêmes des belligérants, avaient condamné des navires américains chargés d'approvisionnements pour des ports français.1

§ 189

des cours

La juridiction des tribunaux de prises s'étend à toutes Juridiction les captures pratiquées en temps de guerre par les croiseurs de prises. de leur pays, à toutes les captures faites sur terre par des forces navales agissant seules ou avec l'appui des forces de terre, et à toutes les captures faites sur mer par l'effet d'opérations combinées de ces deux forces. Elle s'étend aussi à toutes les reprises, aux rançons, aux traités de rançon, et à toutes les questions connexes qui peuvent surgir à propos de la capture, comme celles du fret et des dommages et intérêts. Autrefois, lorsque les États opéraient des captures sur mer par anticipation d'une guerre non encore déclarée, les litiges qui en résultaient étaient déférés aux tribunaux de prises. En termes généraux, nous pouvons poser comme un principe que les tribunaux des neutres n'ont pas à connaître des captures des belligérants. Mais à cette règle, aussi, il y a des exceptions. Ces tribunaux neutres deviennent compétents lorsque la capture a eu lieu dans les eaux territoriales de l'État dont ils relèvent, ou lorsqu'un navire, précédemment armé dans le rayon de leur juridiction, ou dont l'armement a été augmenté dans le même rayon, exerce une capture et amène sa prise dans les eaux de l'État dont la neutralité a été violée, pendant le cours du voyage où il a été illégalement armé. Dans ces deux cas, la neutralité d'un État s'est trouvée violée par l'un des belligérants, et comme cet État est exposé, de ce fait, à des réclamations de la part de l'autre belligérant, on donne pouvoir à ses

1 Treaties of the United States, pp. 384, 385, 1322-1324; Moore, International Law Digest, vol. ii, pp. 448-449.

La procédure des tribunaux de prises.

tribunaux compétents pour le protéger, afin qu'il puisse insister auprès d'eux pour la restitution aux ayants droit de la propriété illégalement capturée.1

§ 190

Il n'y a pas beaucoup de points communs entre un procès ordinaire et un procès devant un tribunal des prises. Dans un procès ordinaire deux parties discutent leurs droits. Devant une cour des prises, on voit un État qui procède, comme disait Dana,2 à une enquête pour savoir si une capture a été illégale ou non, exactement comme s'il s'agissait de l'information qu'ouvre un officier de police anglais pour savoir si la mort d'une personne provient ou non de causes naturelles. La procédure commence lorsque le vaisseau capturé a été amené dans un port sur lequel s'exerce la juridiction du tribunal des prises par un officier du navire qui a opéré la capture. Cet officier présente requête en vue d'obtenir que la juridiction ouvre une enquête, et, à l'appui de sa requête, il produit les affidavit nécessaires, les papiers du navire saisi et tous autres documents utiles. On donne alors avis que toute personne ayant un intérêt dans la prise peut se présenter pour faire valoir une revendication totale ou partielle. Aucune personne ennemie ne peut se présenter, mais des nationaux, des alliés ou des neutres le peuvent. Ensuite, que des revendiquants apparaissent ou non, le tribunal procède à l'examen personnel du navire capturé, de ses papiers et de sa cargaison et procède à l'interrogatoire des personnes trouvées à bord. Dans cette phase de la procédure on n'entend pas les capteurs, et on ne leur permet pas non plus d'entendre les revendiquants ou les personnes arrêtées. Lorsque le tribunal a recueilli ses preuves, les conseils des parties intéréssées examinent les pièces de son enquête et en déduisent leurs arguments. Le fardeau de la preuve incombe aux

1 V. l'espèce de la Santissima Trinitad (Scott, loc. cit., pp. 701-705). 2 Note 186 de l'International Law de Wheaton.

revendiquants, car le fait que le navire ait été amené dans le port sous le contrôle des capteurs crée une présomption en faveur de ceux-ci. Si l'enquête ci-dessus décrite, qui s'appelle, de son nom technique, l'enquête préparatoire, est considérée par le tribunal comme suffisamment probante, la décision est rendue. Sinon, une information supplémentaire est ordonnée et la procédure ressemble alors davantage à celle d'un procès entre particuliers. Les capteurs et les revendiquants produisent leurs preuves, leurs conseils sont entendus et finalement on rend le jugement.1

§ 191

des prises

en mer.

Dans notre exposé de la procédure des prises nous avons Destruction supposé le cas d'un navire amené dans un port et livré à un tribunal de prises. Ce cas est celui que réclament les principes, car la procédure est une procédure in rem et le navire lui-même, avec ses papiers et son équipage, constitue la meilleure preuve qu'on puisse mettre sous les yeux des juges. Mais, si ce cas est le cas normal, il peut s'en présenter d'autres. On peut faire statuer sur la propriété d'un navire amarré dans le port d'un allié, ou dans un port étranger militairement occupé par le pays du capteur, ou même dans un port neutre. Les États neutres ont le droit d'ouvrir leurs ports aux prises qu'y amènent les croiseurs des belligérants. Il y a eu, dans les temps modernes, une tendance contraire; mais il est impossible de dire qu'on viole le droit international lorsqu'on donne accès à ces prises, pourvu qu'on accorde impartialement la même faculté aux croiseurs des deux belligérants. Et si, en vertu de cette faculté, la prise est amarrée dans des eaux neutres, les tribunaux des grandes nations maritimes n'hésiteront pas à en connaître quand même. Parfois un capteur vend sa prise avant le jugement. De graves nécessités excuseront,

1 Wheaton, International Law (éd. Dana), pp. 480-483, note; Holland, Manual of Naval Prize Law, ch. xxii; Naval Prize Aet de 1864, §§ 16-33. K k

1569.5

dit-on, un tel acte, mais il faut alors commencer sans délai la procédure pour l'attribution du produit de la vente. L'irrégularité n'en serait pas moins telle que nous espérons qu'on n'en verra plus d'exemple. La capture fût-elle jugée illégale, les propriétaires neutres auraient beau sujet de se plaindre lorsqu'on leur offrirait le produit d'une vente forcée du navire, au lieu du navire lui-même.1

Les cas les plus sujets à controverse surgissent lorsqu'un croiseur détruit sa prise en pleine mer au lieu de l'amener dans un port. Il faut distinguer entre la destruction des prises ennemies et celle des prises neutres. En ce qui concerne les prises ennemies, Hall donne un excellent sommaire des opinions exprimées par diverses autorités et l'accompagne de pénétrantes remarques. Il paraît généralement admis que lorsque le navire et la cargaison pris sont propriété ennemie il n'y a pas de raison pour se plaindre de la destruction de la prise, pourvu que le navire ne fût plus en état de naviguer ou que l'approche de l'ennemi, ou toute autre cause, empêchât le capteur de détacher une partie de son équipage. Le simple fait de s'être emparé de la prise confère à l'État capteur des droits de propriété et il importe peu au sujet ennemi qui s'est trouvé dépouillé de ces droits que le vaisseau capturé soit au fond de la mer ou qu'il soit adjugé par l'autorité compétente à ceux qui le lui ont arraché des mains. Les tribunaux des prises anglais et français ont admis le principe de la destruction des prises en cas de nécessité. En 1812-1813 les ÉtatsUnis allèrent plus loin, et donnèrent des instructions à leurs officiers de marine, au début de la guerre contre l'Angleterre, pour détruire tous les navires de commerce qu'ils captureraient, à moins qu'ils ne fussent d'un grand prix, et voisins d'un port ami'.3 On faisait de l'exception une

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1 Wheaton, International Law (éd. Dana), p. 486, note.

2 International Law, 5o éd., pp. 457–460 et notes.

3 Cité par Sir A. Cockburn dans ses Reasons for Dissenting from the Award of the Tribunal of Arbitration; v. British Parliamentary Papers, America, No. 2 (1873), p. 93.

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règle et de la règle une exception. Ce fut peut-être en vertu d'une réaction naturelle contre cette extrême rigueur que Woolsey déclara toutes les destructions barbares', ajoutant qu'il fallait les faire disparaître de l'histoire des nations'.1 Il n'y a pas, pour le moment, aucun signe de leur disparition. Les États du Sud incendièrent ou coulèrent leurs prises pendant la Guerre de Sécession, sous prétexte que le blocus effectif de leurs ports par les escadres des États du Nord les mettait dans l'impossibilité d'y amener leurs prises pour les faire juger. En 1870 les Français brûlèrent deux navires allemands, quoiqu'ils eussent des marchandises neutres à bord. En 1877 les Russes détruisirent quelques-unes de leurs prises dans la mer Noire, parce que l'accès de leurs ports était rendu difficile par le blocus des Turcs, et, en 1904-1905, ils coulèrent plusieurs navires de commerce ennemis dans la mer du Japon sans avoir essayé de les conduire devant la Cour des prises de Vladivostock. Un navire de guerre moderne ne peut se passer que d'une bien faible partie de son équipage pour la mettre à bord d'une prise. Il est impossible de faire du devoir qu'on a de conduire les navires de commerce ennemis dans un port, pour les faire juger, une obligation universelle et absolue; mais la nécessité qui justifie certaines destructions devrait être entendue beaucoup moins largement qu'on ne l'a fait dans certaines circonstances récentes.

Une grande distinction doit être faite entre la destruction de la propriété ennemie et celle de la propriété neutre. La propriété ennemie a changé de titulaire dès l'instant de la capture; l'autre n'appartient aux capteurs que lorsque l'autorité compétente a déclaré qu'elle est de bonne prise, aux termes du droit international. Ses propriétaires ont donc le droit d'insister pour qu'on n'y touche pas autrement avant qu'il n'ait été statué sur leurs réclamations. Si ce droit est méconnu, leur gouvernement peut introduire une demande de dommages et intérêts. Il est infiniment

1 International Law, § 148.

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