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ainsi aux peines et aux misères qu'elles causent. Sous le nouveau régime, les côtes pourront encore être bloquées, la contrebande de guerre pourra être saisie, les vaisseaux de transport capturés. Et si, de toute autre manière, on trouvait encore un moyen de diminuer les forces navales lorsque le devoir de protéger le commerce ne leur incombera plus, les nations qui plient sous le fardeau des armements ne pourraient que s'en réjouir. Épargner la destruction de marchandises innocentes et utiles, et, en même temps, diminuer le fardeau que la guerre fait peser sur l'industrie, serait une noble tâche. Espérons que la prochaine Conférence de La Haye l'accomplira.

Les agents

de la guerre.

CHAPITRE VI

LES AGENTS, LES INSTRUMENTS ET LES PROCÉDÉS

DE LA GUERRE

§ 195

En

De nombreuses discussions se sont élevées au sujet des agents, des instruments et des procédés de la guerre. ce qui concerne les agents de la guerre, nous pouvons affirmer que les soldats et les marins des troupes régulières de terre ou de mer, y compris les réserves et les services auxiliaires de celles-ci, sont de légitimes combattants.

La seule exception à faire à cette règle se présente lorsqu'un belligérant trouve quelques-uns de ses propres sujets dans les rangs de l'ennemi. Dans ce cas, il peut les passer par les armes, s'ils tombent en son pouvoir. Les sujets neutres peuvent, cependant, s'enrôler dans l'armée d'un belligérant sans avoir à redouter autre chose que les risques habituels de la guerre. D'une part, ils ne peuvent être l'objet d'aucune rigueur spéciale, mais, d'autre part, ils ne peuvent pas exciper de la neutralité à laquelle ils ont renoncé. Ils ne sont rien de plus ou de moins que des combattants ordinaires.1 Si des bureaux d'enrôlement ont été établis sur territoire neutre, ou si des flots ininterrompus de recrues découlent du territoire neutre vers l'armée ou la marine d'un belligérant, l'adversaire aura un grief sérieux contre le neutre pour ce manque d'impartialité. Mais son ressentiment ne peut pas s'exercer aux dépens des combattants de nationalité neutre. On s'est posé parfois la question de savoir si des sujets neutres, résidant en territoire belligérant, peuvent être incorporés de force dans l'armée. La question doit être résolue par la négative, sauf, peut-être, dans les rares cas d'invasion par des sauvages 2 V. IVe partie, ch. iii.

1 Convention V de la Haye, art. 17.

cruels ou de rébellion de la part des ennemis de l'ordre social.1

Si l'on dépasse ce principe que les membres dûment enrôlés des armées de terre et de mer sont de légitimes combattants, on entre dans le domaine des doutes et des difficultés. Quelques agents de guerre sont réputés agir légitimement dans certaines circonstances et dans certaines conditions, mais non dans des circonstances et des conditions différentes. D'autres sont réputés agir illégitimement par certains auteurs, tandis que d'autres les acceptent sous certaines réserves. La seule solution à adopter, pour parvenir à un résultat satisfaisant, est d'envisager séparément chacune de ces difficultés.

§ 196

Nous aborderons d'abord la question de savoir s'il est Les corps de licite d'employer des

Corps de volontaires

et, dans ce cas, quels en doivent être le commandement, l'organisation et l'armement. On peut donner ce nom aux bandes de partisans qui n'appartiennent pas à l'armée régulière. et ne sont pas strictement soumises à sa discipline, mais qui opèrent néanmoins sur le champ de bataille et se consacrent entièrement et continuellement aux œuvres de guerre, sans s'interrompre pour vaquer aux travaux paisibles de la paix. Souvent ces volontaires rendent d'appréciables services en attaquant des convois d'armes ou d'approvisionnements destinés à l'ennemi, en lui coupant les communications, en faisant sauter les ponts et les chemins de fer susceptibles de lui servir, en interceptant ses dépêches, en le harcelant par tous les procédés que peut imaginer un patriotisme inventif et que peut réaliser une troupe qui se déplace facilement. La connaissance du pays, le calme et l'audace, sont les conditions de succès pour un corps de

1 Hall, International Law, 5o éd., pp. 207–209.

volontaires.

volontaires. Avec peu de moyens d'action, il peut infliger d'irréparables préjudices à l'adversaire; mais ceux qui s'y enrôlent sont affranchis de plusieurs des règles qui pèsent sur les combattants réguliers, et dès lors ils peuvent être souvent tentés par des occasions de violence et de pillage. Il est donc facile de comprendre l'avis défavorable que de grandes autorités militaires expriment au sujet des bandes de partisans.1 Lorsque les armées régulières se multiplièrent dans l'Europe occidentale, les soldats contestèrent les droits des combattants réguliers à quiconque n'appartenait pas à l'armée régulière de l'ennemi. Mais au cours du cycle de guerres qui commence avec la Révolution française, les États les plus puissants de l'Europe continentale trouvèrent de bonnes raisons pour compter sur le patriotisme de leurs populations. Les troupes irrégulières en vinrent donc à être considérées comme admissibles, même aux yeux des militaires qui s'employèrent souvent à organiser des levées populaires. Le principe qu'un pays peut être défendu par d'autres forces que l'armée régulière fut admis et l'on ne discuta plus que la mesure dans laquelle l'irrégularité peut être tolérée.

Pendant la Guerre de 1870 la France leva des troupes irrégulières de Francs-tireurs que les Prussiens refusèrent de considérer comme des combattants réguliers, à moins que chacun de leurs membres n'eût fait l'objet d'un appel individuel de la part de l'autorité établie, et ne portât un uniforme ou un emblème fixe susceptible d'être reconnu à distance. A la Conférence de Bruxelles, en 1874,2 la question fut complètement examinée à tous les points de vue. Les représentants des grandes Puissances militaires voulurent naturellement limiter le plus possible les mouvements spontanés, tandis que les délégués des États de second rang, dont la défense repose principalement sur le patriotisme de leurs populations, s'efforcèrent d'étendre le plus possible le droit de résistance contre l'envahisseur. 1 V. Halleck, International Law, ch. xviii, § 8. 2 V. le § 162.

Les différences d'opinion ainsi mises en évidence n'ont jamais pu être complètement réduites. Mais sur la question des corps de volontaires la Conférence aboutit à un accord qui fut suivi, en 1880, avec quelques modifications de pure forme, par l'Institut de Droit international1, et qui reçut la consécration de l'assentiment général lorsque les Conférences de La Haye de 1889 et de 1907 l'incorporèrent dans l'art. 1er de leur Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.2 Cet article peut être considéré désormais comme faisant partie du droit de la guerre du monde civilisé. Il a mis sur un pied d'égalité, en ce qui concerne les droits et les obligations, les armées régulières et les corps de volontaires réunissant les conditions suivantes :

1° D'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ;

2o D'avoir un signe distinctif et reconnaissable à distance;

3o De porter les armes ouvertement, et

4o De se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre.

Il faut espérer que la concession de la première de ces quatre conditions marque l'abandon définitif de la théorie d'après laquelle les membres des corps de volontaires doivent, individuellement et collectivement, avoir été appelés sous les armes par leur gouvernement et être rattachés directement à son organisation militaire. La seconde condition. est juste et raisonnable, si la distance requise n'est pas trop considérable. Ce qui importe réellement c'est que les volontaires soient reconnaissables à l'œil nu des simples citoyens. Un emblème qui pourrait être vu d'aussi loin que le très peu visible uniforme khaki serait tout à fait suffisant. Le point essentiel est que ce signe distinctif soit fixe. Un homme pas le moindre droit aux privilèges des combattants si,

n'a

1 Tableau général de l'Institut de Droit international, p. 173.

2 Higgins, loc. cit., p. 219; Whittuck, loc. cit., pp. 38, 129; Scott, The Hague Peace Conferences, vol. ii, pp. 117, 377; Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, Nos. 1 et 2, p. 97.

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