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Peaux-Rouges dans les guerres du Nord de l'Amérique. Les Anglais lâchèrent des Peaux-Rouges sur leurs colonies en révolte, et celles-ci cherchèrent à retourner les Peaux-Rouges contre la Grande-Bretagne. Les Russes ont fait marcher, en 1848, des Circassiens contre la Hongrie, et les Turcs ont inondé la Bulgarie de Bachi-Bouzoucks pendant la Guerre de 1877. Pourtant, pendant la Guerre du Transvaal, en 1899– 1902, on s'est abstenu, de part et d'autre, d'envoyer des indigènes sur le champ de bataille comme combattants. Les nécessités du conflit les firent cependant, utiliser pour des travaux qui ne se distinguaient guère de ceux des soldats. Les Anglais les employèrent comme conducteurs, comme guides, et parfois comme espions. Les Boers, qui leur firent creuser des tranchées, fusillèrent fréquemment ceux d'entre eux qui avaient rendu à l'ennemi des services qu'ils considéraient comme des services de guerre. Les Anglais armèrent alors leurs Cafres pour leur propre défense, et, dans la dernière période de la guerre, les employèrent comme veilleurs de nuit pour les lignes de block-houses et les voies ferrées.1 Peut-être pouvons-nous espérer que la force d'une opinion plus éclairée obligera, d'ici peu, les principaux membres de la famille des nations à s'abstenir de mettre en campagne des sauvages ou des demi-sauvages, à moins que leurs adversaires ne soient eux-mêmes des barbares. Dans ce dernier cas l'usage des alliés sauvages subsistera, sans doute, jusqu'à ce que le sentiment de la fraternité humaine soit devenu beaucoup plus fort qu'aujourd'hui.

Il ne peut y avoir aucun doute sur la légitimité du recrutement de soldats appartenant à des races barbares ou inférieures pour en former des troupes ou des régiments. Si on les soumet à la discipline militaire, les organise comme l'armée d'un État civilisé et les fait commander par des officiers civilisés, on peut les employer sans infraction aux lois de la guerre. Les États-Unis possèdent leur cavalerie nègre qu'ils ont employée dans la Guerre de 1898 contre

1 Times History of the War in South Africa, vol. v, pp. 249–251, 255.

l'Espagne; les Français ont leurs brigades de Turcos; les Anglais ont leurs régiments de Ghoorkas. Il n'y a guère de pays possédant un empire colonial, ou commandant à des races guerrières, qui n'enrôle pas les indigènes. Le droit international n'interdit pas ce recrutement et ne lui impose aucune limite. Mais il serait certainement plus humain de réserver ces troupes pour la défense des frontières coloniales ou pour la guerre contre des populations ayant le même degré de développement.

§ 199

Des espions.

Il nous faut maintenant examiner la légitimité des

Espions.

L'art. 29 du Règlement de La Haye dispose que: 'Ne peut être considéré comme espion que l'individu qui, agissant clandestinement ou sous de faux prétextes, recueille ou cherche à recueillir des informations dans la zone d'opérations d'un belligérant, avec l'intention de les communiquer à la partie adverse.' Cela équivaut à déclarer que les militaires non déguisés qui ont pénétré dans la zone de l'armée ennemie pour recueillir des informations ne doivent pas être considérés comme des espions; non plus que les militaires et les non-militaires qui accomplissent ouvertement une mission consistant à transmettre des dépêches, soit à leur propre armée, soit à celle de l'ennemi. Cette définition exclut aussi les 'individus envoyés en ballon pour transmettre les dépêches ou s'acquitter d'autres services'. L'art. 30 dispose que l'espion pris sur le fait ne pourra être puni sans jugement préalable', et l'art. 31 ajoute que le traitement de prisonnier de guerre doit être accordé à l'espion qui, ayant rejoint l'armée à laquelle il appartient, est capturé plus tard par l'ennemi'. Ces règles consacrent les meilleures coutumes des temps modernes et les dépassent même en exigeant le jugement préalable de l'espion capturé qui a souvent été

1 Roosevelt, Rough-Riders, p. 73.

fusillé ou pendu sur place sans autre forme de procès. Elles marquent, au surplus, l'abandon définitif de l'étrange théorie, suivie par les Allemands, pendant le siège de Paris en 18701871, qui considérait comme coupables d'espionnage et passibles de mort ceux qui faisaient des reconnaissances en ballon. La théorie encore plus étrange de l'amiral Alexeieff, formulée pendant la Guerre russo-japonaise, et d'après laquelle les correspondants de journaux qui expédiaient des dépêches radiotélégraphiques de vaisseaux neutres devaient être traités comme des espions, paraît avoir été étouffée dès sa naissance.1

Les coutumes concernant les espions permettent aux chefs militaires de les employer et de provoquer même leurs services par la promesse de récompenses. Mais trop souvent ces services sont indistinctement entachés de honte, alors que, parmi eux, il s'en trouve qui diffèrent autant que diamant et charbon. Ce point est clairement mis en évidence dans un passage du Peninsular War de Napier.2 L'auteur, indiquant combien Wellington était exactement informé, dit: ‘Il avait de nombreux espions. parmi les Espagnols qui vivaient en deçà des lignes françaises; un officier anglais, déguisé, visitait constamment les armées françaises en campagne; un conseiller d'État espagnol, attaché à l'état-major du 1er corps, fournissait des renseignements de ce côté, et un célèbre joueur de guitare, nommé Fuentes, qui allait fréquemment à Madrid, en rapportait des renseignements. Sauf l'espion officiel de l'état-major de Victor, qui, étant doublement traître, était noté d'infamie, toutes les personnes employées à l'espionnage avaient de grands mérites. La plupart étaient des Espagnols et c'étaient aussi les plus habiles... dédaignant les récompenses et les dangers, ceux-ci agissaient par pur patriotisme et doivent être également loués pour leur audace, leurs talents et leurs vertus.' De telles considérations doivent atténuer la sévérité des jugements qu'on formule en bloc contre les espions,

1 Lawrence, War and Neutrality in the Far East, 2o éd., pp. 83–92. 2 Vol. iv, liv. XIV, pp. 220–221.

Les instru

comme s'ils étaient tous pareils. Il est impossible d'arriver à une appréciation raisonnée à moins de distinguer, comme Napier, entre ceux qui poussent le dévouement et le patriotisme jusqu'à risquer froidement leur vie, sans même l'excitation du combat, afin d'aller recueillir, en deçà des lignes de l'ennemi, des renseignements de la plus haute importance pour leur pays, et ceux qui trahissent les intérêts de leur propre armée en vue d'obtenir une récompense de leurs ennemis. Les premiers sont des héros ; les seconds sont des traîtres et il serait profondément injuste d'appliquer aux uns et autres la même condamnation. Les intérêts militaires exigent qu'on maintienne le droit d'exécuter les espions quand ils sont pris; mais, à moins que des raisons de sécurité ne réclament le châtiment suprême, les généraux devraient commuer la peine de mort en prison. Il doit, d'autre part, être clairement reconnu que, dans beaucoup de cas, l'exécution, quoique nécessaire aux intérêts de ceux qui la pratiquent, n'est pas plus déshonorante qu'une blessure mortelle reçue sur le champ de bataille.

§ 200

Jusqu'ici, nous nous sommes occupés des agents de la ments et les guerre. Il faut maintenant étudier ses instruments et ses

procédés

Les cor

saires.

de la guerre. procédés, en nous attachant uniquement à ceux qui sont interdits ou qui ne sont tolérés que sous certaines conditions. En premier lieu se présentent

Les Corsaires.

On peut les définir comme des navires appartenant à des particuliers, et équipés par eux, mais pourvus d'une commission officielle dite lettres de marque leur permettant de se livrer à des hostilités sur mer. Les lois ont déclaré que cette commission était révocable pour mauvaise conduite de la part du corsaire; et d'autres moyens, tels que l'exercice du droit de visite de la part des vaisseaux de guerre du pays dont il porte le pavillon, ont été pris pour s'assurer qu'un corsaire ne viole pas les lois de la guerre. Mais, malgré

toutes les précautions, les corsaires furent toujours des auxiliaires fâcheux. Au début, le droit de s'armer en course contre le commerce était accordé aux sujets des pays neutres aussi bien qu'à ceux de l'État belligérant; le métier de corsaire devint lucratif pour tous les hommes aventureux et sans scrupules qui abondaient parmi les populations maritimes. Le scandale grandit si vite, avec le développement du commerce moderne, qu'au XVIII° siècle la plupart des États modernes se donnèrent des lois pour punir ceux de leurs sujets qui accepteraient des lettres de marque leur permettant de se livrer à des déprédations au préjudice du commerce d'un État avec lequel ils seraient en état de paix. Aux États-Unis, des dispositions analogues furent votées par le Congrès en 1797 et en 1816. Le résultat d'actes législatifs de cette nature, s'ajoutant aux préoccupations morales plus élevées dont ils étaient à la fois le symptôme et l'effet, fut de mettre un terme à la pratique de la course par des neutres. Mais on vit persister l'usage de corsaires appartenant à des particuliers d'un État belligérant qui les armait en vue de s'enrichir personnellement.

En Europe l'opinion se retourna contre ces corsaires pourtant plus excusables, et, malgré l'usage qui en fut fait dans la lutte entre l'Angleterre et la France, sous la Révolution et le Premier Empire, de grands marins dénoncèrent cette pratique et reprochèrent aux corsaires de hisser n'importe quel pavillon en vue de capturer les navires de commerce qui pouvaient se trouver sur leur route.1 Au commencement de la Guerre de Crimée, en 1854, l'Angleterre et la France annoncèrent leur décision de ne s'appuyer que sur leurs vaisseaux de guerre et de ne pas accorder de lettres de marque à des particuliers. Pendant la durée des hostilités les deux pays s'abstinrent de donner à des navires de particuliers l'autorisation d'aller en course contre le commerce, et, à la fin de la guerre, l'art. 1er de la Déclaration de Paris vint supprimer la course. Entre-temps, l'opinion s'était divisée en Amérique, 1 Napier, loc. cit., vol. iv, appendix, p. 497.

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