Page images
PDF
EPUB

et pour un but déterminé, tel que l'inhumation des morts, s'appelle habituellement une suspension d'armes, mais on lui donne aussi, et à bon droit, le nom d'armistice; c'est l'expression employée en Angleterre.1 Une convention du même genre, mais appliquée à une période prolongée et s'étendant à tout le champ des opérations, porte fréquemment le nom de trève; elle équivaut en somme à la paix, sauf qu'elle ne repose pas sur un traité. Les interruptions d'hostilités très prolongées sont inconnues dans la guerre moderne, mais il y a souvent des interruptions de courte durée pour permettre aux belligérants de négocier entre eux, soit en vue d'une paix définitive, soit en vue d'une reddition particulière; ces éclaircies dans le sombre horizon de la guerre portent indistinctement le nom de trèves ou d'armistices. La principale, sinon la seule distinction entre ces deux termes paraît tenir à ce que le premier est de plus ancienne date que le second, lequel n'est guère d'un usage général que depuis environ 150 ans. Chaque commandant a qualité pour conclure un armistice spécial, partiel ou local, en ce qui concerne les places et les troupes dont il a le commandement immédiat, mais un armistice général, s'étendant à tout le champ de la guerre, ne peut être conclu que par le général en chef ou les agents diplomatiques et doit être ratifié par l'autorité suprême de l'État. A la fin de la guerre russo-japonaise, en 1905, l'armistice général qui précéda la paix fut rédigé et signé par les plénipotentiaires chargés de négocier le traité principal. Après avoir posé quelques conditions qui devaient être appliquées partout, ils admirent le principe d'armistices particuliers pour les différents points du théâtre de la guerre. Conformément à cette stipulation, des conventions distinctes, respectivement négociées, sur chaque point, par les généraux ou amiraux compétents, furent conclues pour les troupes de la Mandchourie et pour les forces navales. Les délégués chargés

1 Discours des généraux Voigts-Rhetz, de Schönfeld et Horsford à la Conférence de Bruxelles de 1874; v. British State Papers, Miscellaneous, No. 1 (1875), p. 209; Holland, The Laws of War on Land, p. 50.

du cas des unités qui se faisaient face au nord de la Corée ne purent s'entendre, et les choses traînèrent en longueur, heureusement sans effusion de sang, jusqu'au jour où la ratification du Traité de Portsmouth rendit superflue toute convention temporaire.1

Les conventions à fin d'armistice doivent se prononcer clairement sur tous les points au sujet desquels les intentions des parties pourraient être douteuses à défaut de déclarations formelles. Il faut préciser notamment le jour et l'heure du commencement et de la fin de l'armistice - les exceptions, s'il en est, que pourrait comporter le principe que tout acte hostile est suspendu tant que dure l'armistice, les limites exactes de la zone neutre qu'on interpose habituellement entre les deux armées, les préparatifs de guerre qu'on a le droit de poursuivre pour le cas où les hostilités recommenceraient. Les termes employés ne sauraient être trop précis, si l'on veut éviter de dangereuses discussions à défaut de stipulations précises. Il y a certaines règles qui se dégagent des principes généraux du droit international. Les dispositions des textes législatifs ne tranchent cependant pas toutes les questions: elles ont besoin d'être interprétées d'après les usages qui sont eux-mêmes trop souvent indécis. Le Règlement de La Haye 2 pose le principe que l'armistice doit être notifié officiellement' aussitôt qu'il est conclu, et qu'à défaut de terme fixé les hostilités sont suspendues immédiatement après la notification'. Si la durée d'un armistice n'a pas été déterminée les parties belligérantes peuvent reprendre en tout temps les opérations, pourvu toutefois que l'ennemi soit averti en temps convenu'. La question, si difficile, de la nature et de l'étendue des rapports qui pourraient avoir lieu, soit entre les envahisseurs et les populations du théâtre de la guerre, soit entre ces populations et celles des territoires non occupés contigus, 'doit être tranchée dans les clauses de l'armistice'. Quand l'une des parties

1 Takahashi, loc. cit., pp. 219–224; Ariga, loc. cit., pp. 548–562.
2 V. les art. 36-41.

viole gravement l'armistice, l'autre a 'le droit de le dénoncer et même, en cas d'urgence, de reprendre immédiatement les hostilités'. Si, toutefois, cette violation est le fait de 'particuliers agissant de leur propre initiative', elle confère simplement à la partie lésée le droit de réclamer la punition des coupables, et, s'il y a lieu, une indemnité pour les pertes éprouvées'.

On discute le point de savoir si, pendant un armistice, un belligérant ne peut faire, sur le théâtre actuel de la guerre, que ce que l'ennemi n'aurait pu l'empêcher de faire au moment de la cessation des hostilités, ou s'il peut faire tout ce qui n'est pas expressément défendu, sauf, bien entendu, attaquer l'ennemi ou pénétrer plus avant sur son territoire. Les principaux auteurs se prononcent en faveur de la première solution, mais il y a de meilleures raisons en faveur de la seconde, qui a d'ailleurs reçu la décisive confirmation de la pratique récente.1 Abstraction faite des opérations de guerre, les parties peuvent se livrer, à leur gré, à tous les préparatifs possibles pour leur armée ou pour leur marine. Elles peuvent équiper des bateaux, mobiliser des troupes, recruter des armées, bref, se conduire comme si les hostilités continuaient encore. Il y a, cependant, désaccord au sujet du ravitaillement des places assiégées. C'est justement un point qu'il serait essentiel de faire fixer par un des articles de l'armistice. En général les assiégeants ont le beau rôle et peuvent imposer leurs conditions, comme le firent les Allemands en 1871, lorsqu'ils s'opposèrent à ce que Paris reçût aucun approvisionnement pendant la durée de l'armistice qui précéda sa reddition.

1 1 Oppenheim, International Law, vol. ii, pp. 248–249; Despagnet, Droit international public, § 564; Bonfils et Fauchille, loc. cit., §§ 1253-1256; Hall, International Law, 5o éd., pp. 545–548.

De la terminaison

d'une guerre.

CHAPITRE VIII

LA PAIX ET LES MOYENS DE LA MAINTENIR

§ 217

La guerre, entre États civilisés, s'achève presque toujours par un traité de paix. Il est parfois arrivé que les belligérants, ayant épuisé leurs propres forces, aient renoncé tacitement à la poursuite de leurs opérations, mais il n'y a pas d'exemple récent d'une pareille terminaison des hostilités, dans une lutte de quelque importance, exception faite pour le rappel des troupes françaises du Mexique, en 1867, à la demande des États-Unis. Les guerres peuvent s'achever par l'anéantissement d'un des belligérants, comme ce fut le cas pour la Pologne, lors de son troisième partage, et pour les États du Sud, après quatre ans de combats acharnés. Aucun traité n'est alors possible, puisqu'il ne reste plus d'État avec lequel le vainqueur puisse traiter. La Grande-Bretagne, cependant, a élargi la question en 1902, à cause des circonstances particulières de la guerre du Transvaal, et consentit à négocier avec les chefs des commandos Boers, qui étaient encore armés contre elle, quoique les gouvernements au nom desquels ils soutenaient la lutte eussent cessé de gouverner et ne détinssent plus aucune souveraineté sur un rayon déterminé de territoire.1 Mais, lorsque chacun des belligérants a conservé son identité politique après la guerre, on rédige un traité pour fixer les conditions de la paix. Parfois deux conventions sont nécessaires : l'une, qui fixe les préliminaires de la paix, et l'autre qu'on appelle traité définitif. Les actes hostiles cessent en général au moment de la signature du traité préliminaire dont les dispositions sont confirmées et développées par le traité définitif. Généralement ce second traité tranche tous les points en litige. Mais, parfois, les

1 Times History of the War in South Africa, ch. xxi.

difficultés d'un règlement du litige se trouvent insurmontables; les parties se bornent à rétablir alors la paix et l'amitié. C'est ce qui advint, en 1814, entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, lorsque le Traité de Gand mit fin à la guerre qui les divisait sans résoudre aucune des questions si délicates qui l'avaient provoquée. On ne voit pas souvent se combiner un désir aussi fort de terminer la lutte et une telle impossibilité de s'entendre sur le règlement des objets du désaccord. En général les causes du conflit sont élucidées dans l'acte qui rétablit la paix: il comprend en outre des stipulations relatives au nouveau régime qui doit suivre la fin des hostilités. Les droits des particuliers sont sauvegardés; des dispositions sont prises pour le rétablissement des rapports commerciaux et l'on accorde l'attention qui convient aux questions de droit d'un caractère international.

§ 218

Les consé

quences

ales du

Le rétablissement de la paix entraîne certaines conséquences que définit le droit des gens et qui sont indépendantes des stipulations du traité de paix, quoique celui-ci rétablissepuisse les modifier ou les exclure. Dès l'instant qu'un la paix.

traité de paix a été signé, les droits de la belligérance prennent fin. On ne doit plus se battre. L'armée d'occupation ne peut plus exercer de réquisitions ni lever de taxes, et ce qui reste dû des réquisitions antérieures cesse d'être exigible. Le droit de détenir les prisonniers de guerre n'existe plus, quoiqu'il convienne que ceux-ci soient gardés à vue jusqu'à leur rapatriement, qui doit s'effectuer dans le plus bref délai possible.1 Lorsque la scène des hostilités a été très étendue, que certains points sont trop éloignés pour qu'on puisse rapidement communiquer avec eux, il est d'usage de fixer, dans le traité, une date ultérieure pour la cessation des hostilités sur ces points-là. Mais, si l'avis officiel du rétablissement de la paix y parvient avant cette date, il paraît entendu

1 Règlement de La Haye, art. 20.

ment de

« PreviousContinue »