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qui, comme on se le rappelle, fut tournée, à propos de la Cour internationale des Prises, de la plus ingénieuse manière.1 La Cour des Prises entrera, très probablement, en existence dans un délai rapproché grâce à l'heureuse solution de plusieurs points contestés de la théorie des prises par la Conférence navale de 1908-1909, et si elle pouvait, en outre de la tâche qui lui a été primitivement assignée, remplir les fonctions réservées à la Cour de Justice arbitrale, un redoutable obstacle se trouverait écarté. Il y a de graves objections à l'idée de doubler le rôle de cette juridiction, et il se peut qu'elles amènent les Grandes Puissances à s'opposer à la proposition américaine. Dans ce cas, la question devra, sans doute, être réservée pour la prochaine Conférence de La Haye qui sera éclairée par toutes les discussions qui se sont · produites depuis la précédente. Entre temps l'opinion publique devrait être poussée à exiger un arrangement. L'orgueil démesuré de quelques États qu'on ne saurait ranger parmi les Grandes Puissances, ni au point de vue de leur civilisation, ni au point de vue de leurs richesses, se dissiperait sans doute sous la pression de l'opinion. Sinon, on pourrait créer, sans ces États, le tribunal voulu. En aucun cas, ces États ne devraient avoir la faculté d'empêcher un résultat aussi considérable que l'établissement d'une Cour suprême chargée d'appliquer le droit des gens aux conflits internationaux, et d'élaborer un système de jurisprudence arbitrale sur les bases de la justice collective du monde civilisé.2

Le développement de l'arbitrage international, depuis 1899, est l'un des signes des temps les plus merveilleux. Un énorme progrès a été réalisé malgré l'incapacité où se sont trouvées les Conférences de La Haye d'instituer ce qu'on a appelé, par erreur, l'arbitrage obligatoire, quoiqu'il s'agisse

1 V. § 192.

Pour le texte de la première Convention de La Haye, et du Projet de Convention de 1907, concernant l'établissement d'une Cour de Justice arbitrale, voir Higgins, loc. cit., pp. 100–179, 498–517; Scott, loc. cit., vol. ii, pp. 82-109; Whittuck, International Documents, pp. 17-26, 90-115, 220-228; Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, pp. 43–81.

simplement d'un accord par lequel les Puissances s'engageraient à déférer toujours à l'arbitrage certaines catégories de conflits strictement définies par l'accord lui-même. Quoiqu'un traité général dans ce sens n'ait pas été possible, on a négocié, par séries, des traités liant deux ou plusieurs États. On a calculé que, dans les onze dernières années, il en a été signé près de 150.1 Les Grandes Puissances du monde ont mené le mouvement, et les autres États s'y sont joints avec empressement et bonne volonté. En général, ces traités ne sont pas limités à quelques cas déterminés. Quelques-uns d'entre eux contiennent l'engagement mutuel de déférer tous les conflits à l'arbitrage, mais la grande majorité font exception pour les conflits qui concernent les intérêts vitaux, l'indépendance et l'honneur des parties contractantes. Ces formules sont vagues et mal définies et fournissent une échappatoire à tout homme d'État qui veut en venir aux dernières extrémités. Un intérêt devient vital lorsqu'un gouvernement décide de le considérer comme tel et il n'y a pas de critérium précis de l'honneur national. De telles réserves sont probablement utiles aujourd'hui où l'arbitrage général est encore une nouveauté qu'on n'a pas eu le temps de voir à l'œuvre. Mais nous pouvons espérer qu'elles disparaîtront graduellement au fur et à mesure que la jurisprudence arbitrale se développera et qu'on constituera des tribunaux d'arbitrage qui s'imposeront au respect universel. D'ici là nous pouvons mentionner que, dans le Traité de Carlstadt, passé en 1905 entre la Suède et la Norvège, les parties, après avoir convenu de déférer à la Cour de La Haye tous les conflits que leurs diplomates n'auraient pu résoudre, à l'exception seulement de ceux qui concerneraient des intérêts vitaux, ont laissé à la Cour le soin de décider si les intérêts sur le caractère desquels ils diffèrent d'avis sont ou non d'ordre vital. C'est ainsi que les seules questions soustraites à la compétence judiciaire sont celles que les

1 La liste des traités de 1902 à 1908 a paru dans l'American Journal of International Law, vol. ii, pp. 824–826.

deux parties considéreraient comme tellement fondamentales qu'elles ne voudraient pas les soumettre au jugement de tiers impartiaux. Un autre progrès significatif, qu'on ne saurait passer sous silence, s'est manifesté dans l'Amérique latine, ce laboratoire d'expériences politiques auquel l'Europe prête si peu d'attention. En 1907 s'est tenue à Washington une Conférence de la Paix de l'Amérique centrale où siégèrent les plénipotentiaires de Costa-Rica, du Guatemala, de Honduras, du Nicaragua et de Salvador. Des représentants des États-Unis assistèrent à leurs délibérations. Parmi les Conventions négociées à cette Conférence il y en eut une tendant à l'établissement d'une Cour de Justice pour l'Amérique centrale,1 et les cinq Puissances qui l'ont signée se sont engagées à soumettre à cette Cour tout conflit qui surgirait entre elles, quelle qu'en fût la nature, et quelle qu'en fût l'origine, dans le cas où leurs Chancelleries respectives ne seraient pas parvenues à se mettre d'accord. La Cour fut immédiatement constituée, et saisie de sa première affaire pendant l'été de 1908. Il est possible qu'elle devienne une institution périodique grâce aux soins diligents des États-Unis, mais, quelle qu'en soit la destinée finale, le fait de sa création est à la fois intéressant et important. C'est une preuve nouvelle du zèle pour l'arbitrage international qui a caractérisé la grande République américaine pendant tout le cours de son histoire. La Grande-Bretagne partage cet honorable attachement à une noble cause. A une époque où l'arbitrage n'était pas aussi populaire qu'il l'est devenu, les deux pays l'ont employé pour régler quelques-unes de leurs plus graves querelles. Ils sont aujourd'hui liés par un traité d'arbitrage conclu en 1908, et depuis lors on a cherché à leur faire ratifier une convention plus compréhensive soumettant à un règlement pacifique toutes les causes de conflit.2 Ces négociations datent de 1911, et d'autres nations ont témoigné le désir de conclure des traités semblables.

1 Supplement to the American Journal of International Law, vol. ii, pp. 231-243. 2 Ibid., vol. v, pp. 253-257.

Définition de la

neutralité.

Diversité des éléments

du droit

QUATRIÈME PARTIE

DE LA NEUTRALITE

CHAPITRE Ier

LA NATURE ET L'HISTOIRE DE LA NEUTRALITÉ

§ 222

On peut définir la neutralité comme la condition des Etats qui, en temps de guerre, ne prennent aucune part au conflit, mais continuent leurs relations pacifiques avec les constitutifs belligérants. Le droit des neutres correspond à quelquesdes neutres. uns des plus anciens, mais aussi à quelques-uns des plus nouveaux résultats du droit des gens. Quelques-uns des usages dont il procède datent de plusieurs siècles, d'autres sont tout modernes. Les uns sont confirmés par le temps écoulé, les autres restent encore incertains. Le droit des neutres repose sur des principes consacrés par le consentement général et aussi sur des principes qui sont tantôt défendus avec enthousiasme et tantôt âprement combattus. De hautes considérations d'éthique en ont formé certains points, d'autres résultent du choc des intérêts contraires. Partant d'origines modestes, la théorie de la neutralité s'est développée sous l'influence de cette idée que c'est la paix, non la guerre, qui est la condition normale de l'humanité, au point de constituer aujourd'hui le titre le plus important du droit international, sinon celui dont le sujet est le plus vaste. Celui qui l'étudie sincèrement y trouvera la preuve qu'en favorisant la neutralité, et en restreignant la guerre, les nations peuvent être conduites à suivre cette vraie route de la paix perpétuelle'1 où tous les amis de l'humanité voudraient les voir s'engager.

1 Whewell, Elements of Morality including Polity, p. 611.

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Dans un sens, la neutralité n'est que le prolongement d'un état de choses antérieur. En ouvrant les hostilités, les belligérants changent leur condition; mais les Puissances qui entendent rester neutres n'ont pas changé la leur. On peut donc légitimement penser que leurs droits internationaux vont rester les mêmes. Cela est si vrai que les présomptions légales sont en faveur de l'identité des situations: à moins qu'on ne fournisse la preuve du contraire, les États neutres et leurs sujets sont libres de faire, au cours d'une guerre entre d'autres États, tout ce qu'ils pouvaient faire en temps de paix. Mais le droit international attribue à l'état de neutralité des droits et des obligations que ne comporte pas l'état de paix. Par exemple, les gouvernements neutres peuvent réglementer la délivrance de certains objets aux croiseurs des belligérants stationnés dans leurs ports, et il y a d'autres articles dont ils sont tenus. d'interdire absolument la vente. Ils ont le droit d'exiger le respect de la neutralité de leurs eaux territoriales, et ne doivent pas permettre que leur territoire serve à recruter ni même à équiper des contingents destinés à l'un ou l'autre parti. Le commerce des sujets neutres avec les belligérants est également soumis à certaines restrictions qui n'existent pas en temps de paix, et, en cas d'infraction à ces règles, le commerçant neutre est exposé à des sanctions sévères de la part du belligérant, lésé de ce chef. Ceci n'est qu'un exemple du changement qu'opère la guerre dans la condition de ceux qui n'y participent pas. La théorie de la neutralité n'est pas autre chose que l'exposé de tous les changements de ce genre.

§ 223

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neutralité.

Les nations de l'antiquité n'avaient pas de terme équi- L'histoire valent au mot‘neutralité'. Les Romains parlaient des de la neutres sous les noms de medii, amici ou pacati, et leur vocabulaire demeura en usage pendant tout le cours du Moyen Âge. Dans l'unique et court chapitre qu'il consacre à ce

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