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et des profits entre les associés d'une maison de commerce est indifférente pour ceux qui font des affaires avec elle. Pour les États unitaires il n'y a pas de difficulté. Quant aux États composés, tant qu'il existe, dans un cas donné, une autorité dont, en matière de relations extérieures, la parole lie le corps composé, le droit international n'a pas à demander si dans les arrangements intérieurs il forme un État ou vingt. Pour l'étude de la philosophie politique et du droit constitutionnel, ces questions sont excessivement importantes. Mais tout ce que le publiciste a besoin de savoir, c'est quelles espèces d'unions ne font de leurs membres qu'un État en ce qui touche la souveraineté extérieure, et quelles autres leur laissent l'existence internationale distincte en leur donnant une part dans la direction de leurs relations extérieures. Dans le premier groupe nous plaçons les unions incorporées, les unions réelles, et les unions fédérales, dans le second les unions personnelles et les confédérations. Mais il faut se rappeler qu'il y a de grandes différences d'opinion parmi les auteurs quant au sens exact de certains de ces termes et à la juste description de certains États composés.1 De fait, l'art de classification des juristes reste très en arrière du talent de construction des hommes d'État. Une constitution nouvelle est inaugurée parce qu'elle semble bonne à créer, sans tenir aucun compte du fait que, d'après le système de tous les manuels, c'est une anomalie. Mieux vaut dire franchement que la classification que nous sommes obligés d'employer ne peut pas prétendre à l'exactitude scientifique. Elle nous fournit des descriptions plutôt que des définitions, des types plutôt que des genres.

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Nous commencerons par indiquer très brièvement la nature des unions qui créent une nouvelle personne internationale à la place de deux ou plus. Ce sont, d'abord, les unions incorporées. Il en existe une quand un tout organique, unissant les affaires intérieures et extérieures sous

1 Voir, par exemple, Oppenheim, International Law, vol. i, pp. 125–157, et Westlake, International Law, part I, pp. 20-39.

gouvernement central, se forme d'unités qui peu de temps auparavant étaient des entités internationales distinctes. L'exemple durable est le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et Irlande, formé par l'incorporation de l'Angleterre et de l'Écosse en un royaume en 1707 et l'adjonction de l'Irlande en 1800. Ensuite viennent les unions

réelles. Ce sont des unions de deux ou plusieurs États distincts sous un seul monarque, de manière que chacun demeure souverain en tout ce qui concerne ses affaires intérieures, pendant que leurs affaires extérieures sont fondues et menées ensemble au nom du chef commun. L'État n'est à l'extérieur qu'une seule personne internationale, quoiqu'à l'intérieur il soit composé. C'est le cas de l'Autriche et de la Hongrie. Chaque membre de ce qu'on appelle la Double Monarchie possède une organisation séparée pour les fonctions législative et administrative; mais il y a des ministres communs pour les affaires étrangères et la guerre, et les autres Puissances n'ont de relations diplomatiques qu'avec une seule entité, à eux connue sous le nom d'Empire d'AutricheHongrie. La Suède et la Norvège ont été semblablement associées en 1814, et demeurèrent ainsi unies jusqu'à leur séparation pacifique par le Traité de Karlstad en 1905. Dans les unions fédérales il y a un corps central déterminé par la constitution et chargé de la direction exclusive des relations internationales de l'ensemble. Il y a aussi des États membres, qui ont un pouvoir plus ou moins grand sur leurs affaires intérieures, mais n'en ont absolument aucun sur les affaires extérieures. Le gouvernement fédéral représente l'ensemble du corps politique aux yeux des États étrangers, avec lesquels il fait la guerre et la paix et entretient les relations diplomatiques. C'est une personne internationale parlant au nom de l'union tout entière, dont les parties composantes n'ont pas de statut international. Les États-Unis d'Amérique sont le meilleur et le plus éminent exemple d'une Puissance de ce genre.

Il faut distinguer les unions réelles des unions personnelles,

qui, à strictement parler, ne sont pas du tout des unions. On dit qu'elles se forment lorsque la même personne vient à porter la couronne de deux ou plusieurs royaumes. Mais chacun de ces royaumes garde intacts tous les attributs de la souveraineté; aucun des royaumes n'en est légalement affecté, à quelque degré, dans ses rapports avec les États étrangers; et, par suite, il est clair que l'union ainsi nommée n'a pas d'existence. Chacun des membres qui, diton, la forment, reste une personne internationale distincte, comme ce fut le cas de l'Angleterre et du Hanovre, de 1714 *à 1837, période durant laquelle le roi du premier État fut en même temps électeur du second. Des considérations du même genre s'appliquent aux unions fédérales et aux confédérations. Elles diffèrent en ce que les États unis en confédération retiennent pour eux le droit de traiter directement avec les Puissances étrangères, quoiqu'en certaines affaires extérieures l'autorité centrale agisse pour le corps entier; tandis que, comme nous l'avons déjà vu, la marque distinctive de 'l'union fédérale 'est que les États-membres sont totalement exclus du domaine des affaires étrangères. Chaque Puissance confédérée est donc une personne internationale, comme chacun des États unis par ce qu'on appelle l'union personnelle. Mais, à la différence de ces États, elle n'est pas une personne internationale dans la plénitude du sens, ce qui est également vrai du corps central. Nous discuterons leur situation en traitant des limitations de la souveraineté.1 Pour le moment, nous nous occupons de ces sujets du droit international qui sont les États pleinement souverains, et nous avons vu la raison de comprendre parmi eux, outre les États unitaires indépendants du type ordinaire, les unions incorporées, les unions réelles, les unions fédérales, et les États isolés qui sont à tort supposés joints en unions personnelles. La question de savoir si les Grandes Puissances occupent une prééminence légale sur les autres États souverains sera discutée dans la Partie II, chapitre iv.

1 V. § 40.

§ 38

souverains.

Nous avons à considérer maintenant les Etats qui ne sont États mipas pleinement souverains. En règle générale, le gouvernement interne d'une communauté politique exerce sur les membres de cette communauté tous les pouvoirs de la souveraineté. Mais, dans quelques cas exceptionnels, il n'en exerce qu'une partie, le reste étant attribué au gouvernement d'un autre pays, ou, dans les confédérations, à une autorité centrale. Si la division des pouvoirs donne les affaires intérieures au gouvernement du pays, tandis qu'une autorité extérieure a la direction entière des affaires étrangères, le droit international reconnaît seulement la Puissance qui traite avec les autres États au nom de la communauté en question. Il n'aura pas plus affaire aux chefs nationaux qu'il n'a affaire au maire d'une ville anglaise ou au gouverneur d'un État américain. Mais s'il y a partage des affaires extérieures, les unes assignées au gouvernement du pays, les autres dirigées par une autorité étrangère, le droit international doit reconnaître ces deux pouvoirs. Toutefois il est clair, en pareil cas, que le souverain local occupe une position très différente de celle du chef d'un État ordinaire indépendant et pleinement souverain. Son autorité est restreinte et conditionnée par celle de la Puissance étrangère qui partage avec lui la conduite des affaires extérieures. L'indépendance de cet État n'est pas entière, mais limitée. Il n'est pas souverain dans le sens où la Grande-Bretagne, la France ou l'Italie sont souveraines; et, cependant, il doit être regardé comme un sujet du droit international, puisque les affaires extérieures dirigées par son gouvernement personnel relèvent de ce droit : il a une personnalité internationale, quoique d'une espèce inférieure. Il y aurait de l'affectation à l'exclure de la famille des nations parce qu'il n'est pas entièrement souverain, tout comme il y aurait de la cruauté à exclure de la famille sociale

un demi-frère, ou une demi-sœur, par la raison qu'on entend généralement par famille un couple d'époux et sa progéniture. Les communautés du genre de celles que nous considérons sont, d'habitude, appelées États mi-souverains. Mais l'expression semble signifier un égal partage des pouvoirs de souveraineté entre les chefs locaux et les chefs étrangers. Nous emploierons donc, à sa place, l'expression d''États partiellement souverains ', qui dépeint exactement une classe de communautés chez lesquelles une portion des pouvoirs de la souveraineté extérieure, depuis presque tout jusqu'à presque rien, appartient au gouvernement local.

On peut définir les États partiellement souverains, positivement, des communautés où l'autorité locale ne possède qu'une portion des pouvoirs de souveraineté, le reste étant exercé par une autorité politique extérieure, ou négativement des Etats qui ne possèdent pas la maîtrise absolue de leur politique tout entière. Mais un tel État n'est un sujet du droit international que si la séparation des pouvoirs partage les affaires extérieures, assignant les unes au gouvernement du dedans, et les autres à l'autorité du dehors. Lorsqu'une communauté politique est obligée de se soumettre habituellement pour les affaires extérieures à l'autorité d'un autre État, elle se trouve,du point de vue international, sous le régime de la souveraineté partielle. Lorsque plusieurs communautés politiques s'unissent en confédération, chacun des États ainsi confédérés, et l'autorité centrale de la confédération, sont, au point de vue international, sous le régime de la souveraineté partielle. Nous avons ainsi deux catégories d'États partiellement souverains, qu'il sera bon d'examiner chacune à part. Mais, au préalable, il nous faut exclure absolument de notre classification des communautés telles

que les États indigènes de l'Inde et les tribus indiennes de l'Amérique du Nord. Les premières sont parfois qualifiées d'États indépendants; mais en réalité elles ne sont même pas partiellement souveraines dans le sens donné à cette expression par le droit international; car elles ne peuvent

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