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qui réclame du charbon pour les besoins normaux de la navigation.

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Enfin il faut signaler que les Puissances neutres ont le devoir d'empêcher l'usage d'une partie quelconque de leur territoire comme station de renseignements. Ce devoir a été reconnu par la deuxième Conférence de La Haye lorsque, dans sa Convention concernant la neutralité en cas de guerre sur terre, elle a défendu aux belligérants: (a) d'installer sur le territoire d'une Puissance neutre une station radio-télégraphique ou tout appareil destiné à servir comme moyen de communication avec des forces belligérantes sur terre ou sur mer; (b) d'utiliser toute installation de ce genre établie par eux avant la guerre sur le territoire de la Puissance neutre dans un but exclusivement militaire, et qui n'a pas été ouverte au service de la correspondance publique.'1 La Convention concernant la neutralité en cas de guerre maritime a appliqué aux ports et aux eaux territoriales des neutres l'interdiction relative à l'installation des stations radiotélégraphiques ou de tout autre appareil destiné à servir comme moyen de communication avec des forces belligérantes sur terre ou sur mer '.2 Les deux Conventions spécifient que les neutres ne doivent 'tolérer sur leur territoire' aucune infraction à ces prohibitions,3 mais la première de ces Conventions a permis aux neutres d'autoriser l'usage, par les belligérants, des câbles télégraphiques ou téléphoniques, ainsi que des appareils de télégraphie sans fil, qui sont, soit sa propriété, soit celle de compagnies ou de particuliers'. Si le neutre arrête des mesures restrictives ou prohibitives, celles-ci doivent être appliquées uniformément aux belligérants. L'effet de ces dispositions, lorsqu'on les prend dans leur ensemble, est d'établir une distinction marquée entre les moyens de communication qu'un belligérant possède ou peut contrôler en territoire neutre ou dans les eaux neutres, et les moyens de communication dont la propriété ou le

1 V. l'art. 3.
3 V. l'art. 5.

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2 V. respectivement les art. 5 et 25.
4 V. les art. 8 et 9.

contrôle appartiennent à l'État neutre, ou à des compagnies ou des particuliers sous sa juridiction. Les gouvernements neutres sont tenus d'empêcher l'installation des premiers pendant la guerre, ou leur emploi s'ils ont été installés avant la guerre, sans avoir été ouverts au service de la correspondance publique. Quant aux seconds, les gouvernements neutres peuvent en réglementer l'usage comme ils l'entendent, sous la seule condition de traiter uniformément tous les belligérants. Deux exemples récents montrent la portée de cette distinction. En 1904, pendant le siège de Port-Arthur, les Russes installèrent une station radio-télégraphique dans le port neutre de Tché-Fou, et se mirent ainsi en communication avec la place assiégée.1 Un tel acte serait aujourd'hui expressément interdit, et le gouvernement neutre aurait le devoir de l'empêcher. En 1898, pendant la guerre hispanoaméricaine, les câbles reliés aux côtes neutres contribuèrent beaucoup à fournir les renseignements que les navires-éclaireurs ne parvenaient pas à recueillir. Ceci nous est dit par les Américains,2 et montre nettement que les neutres feront bien d'user du pouvoir discrétionnaire que leur a conféré la deuxième Conférence de La Haye pour prendre toutes les mesures restrictives ou prohibitives qu'ils pourront. Il serait certainement possible d'empêcher le libre usage des communications télégraphiques ou radio-télégraphiques, mais ce serait sans doute œuvre vaine que d'essayer d'empêcher qu'on expédie des renseignements militaires libellés sous la forme de communications inoffensives. Dans sa déclaration de neutralité de 1904, la France a interdit aux navires belligérants, mouillés dans ses ports, de s'enquérir de la force, de la position ou des ressources de leur ennemi, et il serait intéressant de savoir jusqu'à quel point on a estimé que ces termes étaient applicables aux communications télégraphiques ou radio-télégraphiques. En 1898 le Portugal

1 Lawrence, War and Neutrality in the Far East, 2o éd., pp. 218, 220. 2 United States Naval War College, International Law Situations, 1904, p. 99.

3o Le devoir d'acquiesce

ment.

interrompit ceux de ses services qui concernaient la description des navires de guerre de toutes nationalités et l'avis de leur arrivée ou de leur départ.1 Sans aller jusque-là, les États neutres pourraient s'opposer au moins à ce que leurs propres moyens de communication fussent utilisés dans l'intérêt de la guerre.

§ 237

Il faut maintenant fixer notre attention sur

Le devoir d'acquiescement.

Les États neutres sont tenus de supporter patiemment de la part des belligérants beaucoup d'actes qui ne seraient pas tolérés en temps de paix, mais qui sont néanmoins légaux en temps de guerre, si gênants qu'ils puissent être pour les sujets neutres et pour leurs gouvernements. Il faut, par exemple, acquiescer à des préjudices occasionnellement encourus pendant des opérations de guerre légales. Des biens appartenant à des neutres peuvent se trouver détruits par les obus au cours d'une bataille ou d'un siège, un voyageur neutre peut être victime d'une attaque dirigée contre un train transportant des soldats en même temps que lui. Ni ces biens ni ce voyageur n'auraient juridiquement droit à une indemnité, quoiqu'il se puisse qu'ils fussent l'objet d'un dédommagement de la part d'un belligérant préoccupé de rester en bons termes avec le pays dont ils dépendent. Les gouvernements neutres sont surtout appelés à remplir leur devoir d'acquiescement lorsqu'il s'agit de l'exercice du droit de visite ou de capture en mer. Ces droits ont toujours été préjudiciables au commerce des neutres et peuvent devenir onéreux. Perdre ses chances de profit, subir même au contraire de grosses pertes, provoque chez ceux qui en sont victimes un ressentiment puissant qui s'exprime bruyamment. Il en

1 United States Naval War College, International Law Situations, 1904, pp. 101, 102.

résulte une forte pression qui s'exerce sur les gouvernements neutres. Ceux-ci ont le devoir de résister à cette pression si le droit incontestable que possède le belligérant d'arrêter en mer les navires marchands sous pavillon neutre, afin de vérifier la nature et la destination de leur cargaison, a été exercé avec circonspection. Si l'exercice de ce droit aboutit à la saisie et éventuellement à la confiscation d'un navire, de sa cargaison, ou de l'un et de l'autre, l'acquiescement reste un devoir, pourvu que les règles du droit international aient été complètement observées. Tant que le fait de forcer un blocus, de transporter de la contrebande, de rendre service à un belligérant, constituera une faute, et tant que la capture de la propriété privée ennemie sera consacrée par le droit maritime, aucune protestation ne sera possible contre les prises effectuées en vertu de ce droit. Mais si ce droit est outrepassé dans un détail quelconque, bien plus, s'il est ouvertement violé, un gouvernement neutre vigilant interviendra de suite pour exiger des réparations en faveur de ses sujets lésés. Ces réparations prendront habituellement la forme de compensations pécuniaires, car les décisions d'un tribunal des prises régulièrement constitué tranchent habituellement la question de propriété en ce qui concerne le navire ou les biens. Si toute réparation était refusée, la Puissance neutre aurait à apprécier si le cas est assez grave pour comporter une déclaration de guerre. Les conflits les plus graves nés, entre neutres et belligérants, au sujet de captures, ont souvent eu pour cause non pas la violation intentionnelle de principes reçus, mais les différences d'interprétation desdits principes. C'est particulièrement le cas des difficultés relatives à la contrebande ou au blocus. Pourtant le droit paraît avoir été tranché, sur ces deux points, par la Déclaration de Londres de 1909, et les deux Conférences de La Haye ont déblayé beaucoup d'autres questions. En outre, nous sommes à la veille de voir fonctionner la Cour internationale des prises dont la jurisprudence fixera souverainement le droit de l'avenir sur

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de nombreux points. De graves controverses, relatives aux règles applicables à des cas particuliers, diminueront ainsi d'importance autant que de nombre. Les neutres connaîtront les limites exactes de leur devoir d'acquiescement, et les belligérants de bonne foi n'exigeront pas que l'on acquiesce à plus que n'autorise le droit.

§ 238

4o Le devoir de restitu

tion.

Il faut maintenant discuter le

Devoir de restitution.

L'occasion s'en présente lorsqu'au mépris du droit un belli-
gérant a méconnu la souveraineté d'un neutre aux dépens
de son adversaire. Si, par exemple, il a opéré une capture
dans des eaux neutres, sa faute est double. La Puissance
dont l'autorité a été mise à néant et celle dont le navire
a été pris sont toutes deux lésées. Le belligérant lésé adresse
ses réclamations au neutre dans la juridiction duquel l'acte
illégal a été commis, et le neutre a une action récursoire
contre le belligérant coupable pour avoir, malgré la paix
entre eux maintenue, méconnu sa souveraineté. La vraie
réparation, ou, du moins, la partie la plus importante de la
réparation due, consiste à ramener la prise à l'endroit où
elle a été illégalement saisie. Et lorsqu'elle a été restituée
à la Puissance qui était lésée du fait de sa saisie, cette
Puissance doit la restituer, à son tour, à ceux à la garde
desquels elle a été ravie. En réalité, le devoir de restitution
va plus loin encore. Le neutre doit faire tous les efforts
possibles pour
obtenir que
le navire soit rendu. Il doit avoir
recours aux moyens diplomatiques, mais il n'est pas tenu
de se borner à ceux-ci. Si le navire est encore dans sa juri-
diction, il peut employer la force pour l'arracher à ceux qui
s'en sont illégalement emparés. La Convention de La Haye
relative à l'établissement d'une Cour internationale des prises
ajoute aux moyens diplomatiques et à l'emploi de la force

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