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limites géographiques du blocus, ainsi qu'aux cas où le blocus est volontairement levé et à ceux où il est rétabli après avoir été levé par un moyen quelconque. Nous pouvons ajouter que le commandant de la force bloquante doit appliquer sa consigne 'impartialement aux divers pavillons', y compris le sien. S'il est partial pour un pavillon quelconque, les neutres peuvent se plaindre, et, en dernier ressort, refuser de considérer le blocus comme obligatoire. Il peut, cependant, 'accorder à des navires de guerre la permission d'entrer dans le port bloqué et d'en sortir ultérieurement,' mais il n'y est pas obligé. En cas de détresse' — et il est seul juge de cette circonstance - 'il est obligé de permettre à tout vaisseau neutre de pénétrer dans la localité bloquée et d'en sortir ultérieurement, à la condition de n'y avoir laissé ni pris aucun chargement'.1

Le blocus prend fin avec la guerre ou lorsque la Puissance qui l'a établi retire les navires chargés de la maintenir et encore lorsqu'il cesse d'être effectif à tel point que les neutres ne veulent plus s'y soumettre. Il cesse également lorsque l'escadre bloquante est battue ou délogée par l'ennemi, ou se déplace elle-même pour des opérations de poursuite ou de combat. Sauf si la paix est déclarée, le blocus peut être rétabli par les mêmes formalités que la première fois, pourvu qu'une force suffisante reparaisse pour le maintenir, mais il n'est pas considéré comme levé si, par suite du mauvais temps, les forces bloquantes se sont momentanément éloignées 2.2 Il est maintenant acquis que l'occupation par le vainqueur d'un port qu'une autre fraction de ses forces est en train de bloquer fait immédiatement cesser le rôle des forces bloquantes et rend, dès lors, illégale toute capture que feraient celles-ci de navires neutres. La doctrine contraire avait été énoncée par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire du Circassian,3 navire anglais qui fut saisi et confisqué pour avoir essayé de forcer le blocus

2 V. art. 4.

1 V. art. 5-7. 3 Wallace, Reports of the United States Supreme Court, vol. ii, p: 135.

De la connaissance du blocus par celui

de la Nouvelle-Orléans après la prise de cette ville par les États du Nord. Mais la Commission mixte, désignée en vertu de l'art. xii du traité de Washington, accorda aux propriétaires du navire une indemnité pour saisie arbitraire.1 Il est évident qu'un droit qui ne peut être exercé que contre des localités ennemies cesse dès que la localité bloquée n'est plus au pouvoir de l'ennemi. Si un belligérant qui a réussi à occuper un port appartenant à son adversaire veut le fermer au commerce neutre, il doit recourir à une mesure de police intérieure et non à un blocus international. Seulement l'occupation doit être complète et non partielle, ainsi que l'a démontré l'affaire de l'Adula, navire anglais capturé au moment où il essayait de forcer le blocus du port cubain de Guantanamo, pendant la guerre hispano-américaine de 1898. La Cour suprême déclara ce navire de bonne prise pour cette raison, entre autres, que lors de la saisie la ville était encore aux mains des troupes espagnoles, quoique l'entrée du port fût déjà occupée par la flotte américaine.2

§ 250

Notre subdivision suivante concerne l'intention présumée du coupable, et nous discuterons celle-ci en cherchant une qui l'a violé, réponse à la question :

Comment prouve-t-on que ceux qu'on considère comme ayant
violé un blocus en connaissaient l'existence?

Il faut quelque chose de plus que l'établissement d'un blocus
effectif pour conférer à la Puissance bloquante le droit de
saisir les navires qui cherchent à entrer dans le port bloqué
ou à en sortir. Il est nécessaire que l'existence du blocus
ait été connue de ceux qu'on accuse de l'avoir violé. Cette
connaissance est tantôt réelle et tantôt présumée. Elle est
réelle quand on peut en rapporter la preuve en ce qui con-
cerne le capitaine intéressé. Elle est présumée lorsque les
1 Wharton, International Law of the United States, § 359.
2 Scott, loc. cit., pp. 626-635.

circonstances sont telles qu'on établit qu'il serait impossible, ou à peu près impossible, que le capitaine n'ait pas été informé. La France, et le groupe d'États qui adoptaient son opinion, soutenaient naguère qu'avant de pouvoir condamner un navire pour violation de blocus il fallait que ce navire eût été directement informé du blocus par un des officiers de la force bloquante, c'est-à-dire qu'on tenait à la preuve de la connaissance réelle dans tous les cas. En sens inverse, la Grande-Bretagne, et les Puissances qui la suivaient, soutenaient que la connaissance doit être présumée lorsqu'il y a eu notification diplomatique du blocus, ou lorsque celui-ci est notoire, tout en permettant au capitaine de prouver, s'il le pouvait, qu'il n'était pas au courant. Ce n'est que quand le capitaine n'avait manifestement pas pu être informé qu'on le faisait bénéficier d'un avis individuel, couché sur les papiers de bord. Dans la Déclaration de Londres, on voit que la France a renoncé à sa théorie de l'avis individuel dans tous les cas, et cette concession peut être mise en regard de celle par laquelle les Anglais ont renoncé à leur prétention de pouvoir effectuer les captures à tout instant du voyage d'arrivée ou de départ. Les règles finalement convenues sont raisonnables et justes et assureront la sécurité de tous ceux dont l'ignorance est de bonne foi, sans compromettre l'efficacité du blocus. La connaissance réelle expose le navire à la saisie et à la confiscation dès l'instant qu'il y a un blocus effectif que ce navire a violé de quelque manière. La connaissance est présumée lorsque le navire a quitté un port neutre postérieurement à la notification, en temps utile, du blocus à la Puissance dont relève ce port'.1 Mais cette présomption n'est pas absolue. La preuve contraire est admise et la cour des prises doit décider si elle est concluante. Si, quand un navire approche d'un port bloqué, on ne peut prouver sa connaissance réelle, ni même présumée, du blocus, la notification doit être faite au navire même par un officier de l'un des bâtiments de la

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1 Déclaration de Londres, art. 15.

Violations de blocus.

force bloquante. Cette notification doit être portée sur le livre de bord avec indication de la date et de l'heure, ainsi que de la position géographique du navire à ce moment'.' On fait alors repartir le navire, et ce n'est qu'en cas d'une nouvelle tentative de sa part qu'on peut le capturer pour violation de blocus. Si un convoi de navires marchands neutres approche sans connaître le blocus, le commandant du convoi est averti, et c'est à lui de veiller à ce que la notification soit portée sur le livre de bord de chacun des navires qu'il escorte. Le système ainsi exposé fut élaboré par la Conférence navale de 1908-1909 et est incorporé dans la Déclaration de Londres de 1909, qui est probablement destinée à faire presque immédiatement partie du droit international, si ce résultat n'est déjà obtenu. Il contraste favorablement avec les complications de l'ancien régime anglais et la trop grande simplicité de l'ancien régime français.

§ 251

Il faut maintenant essayer de répondre à la question:

Quels sont les actes constitutifs de violation de blocus?

La réponse différera beaucoup de celle que nous aurions faite il y a quelques années. Il aurait fallu expliquer alors que, selon les idées françaises, il n'y avait pas de faute tant qu'il n'y avait pas tentative de forcer l'entrée du port bloqué, ou d'approcher de la côte bloquée, toute tentative de sortie étant traitée de même; qu'au contraire, la Grande-Bretagne et les États-Unis prétendaient avoir le droit de capturer tout vaisseau contre lequel on pouvait établir la preuve, soit de son intention de forcer le blocus, soit du fait de l'avoir forcée, pourvu qu'on saisît ce navire avant la fin de son voyage de retour, en un point quelconque où les opérations de guerre étaient légales. En termes concis, l'opinion du continent considérait que la violation du blocus

1 Déclaration de Londres, art. 16.

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dépendait du fait de traverser la ligne du blocus, et l'opinion anglaise la faisait dépendre d'une simple tentative d'atteindre la zone bloquée. Les points faibles de l'une et l'autre opinion furent habilement mis en évidence dans les instructions données aux délégués anglais à la Conférence navale.1 Ceux-ci furent également informés qu'on ne trouvait pas un seul exemple de navire condamné par un tribunal anglais pour violation de blocus autrement que pour avoir été tout près du port ou de la côte bloqués, ou pour s'en être directement approchés'. Il semble dès lors qu'il n'y ait pas eu grande concession de la part de la Grande-Bretagne, quand elle consentit, à la Conférence, à réduire ses principes aux proportions de sa pratique, en acceptant la règle que 'la saisie des navires neutres, pour violation de blocus, ne peut être effectuée que dans le rayon d'action des bâtiments de guerre chargés d'assurer l'effectivité du blocus'.2

Il fut bien compris que ce rayon d'action peut couvrir un grand espace de la mer si le port bloqué est habilement défendu et occupe une situation géographique qui en rend le blocus effectif impossible sans un grand nombre de navires. D'autre part, il peut suffire de très peu de navires si les circonstances favorisent le blocus.3 Ainsi Washington pourrait être bloqué par quelques navires de guerre croisant entre le cap Charles et le cap Henry, tandis que le blocus de New-York exigerait plusieurs cordons de navires s'étendant au loin dans l'Atlantique. En tout évènement, la nécessité pour le blocus d'être effectif l'empêcherait de s'étendre dans des mers lointaines. Le rayon d'action variera suivant les circonstances et pourra, en certains cas exceptionnels, s'étendre à plusieurs centaines de milles du centre de l'opération. Aucun effort pour fermer au com

1 British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 4 (1909), pp. 25–27. 2 Déclaration de Londres, art. 17.

3 General Report presented to the Naval Conference on behalf of its Drafting Committee. Voir British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 4 (1909), pp. 41, 42.

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