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merce une localité située sur une côte ouverte ne sera vrai ment effectif que s'il faut traverser de jour l'un des cordons du blocus, et comme, pendant une longue nuit d'hiver, un navire rapide peut parcourir 300 milles, il faudrait qu'il y eût au moins cette distance entre les deux cordons extérieur et intérieur. Ajoutons que le cordon intérieur doit être lui-même assez loin du rivage pour être à l'abri des torpilleurs et des sous-marins. Cela montre quelle formidable opération représente aujourd'hui un blocus étendu, et jusqu'à quelle distance ses éclaireurs peuvent rayonner en mer. La présence, dans le port, d'une escadre bien équipée et bien commandée, augmenterait encore les distances et rendrait nécessaire un plus grand nombre de navires bloquants. Certainement, la règle de la Déclaration de Londres ne limite pas à un petit rayon le droit des belligérants de faire des prises pour violation de blocus, quoiqu'elle évite aux neutres le risque de voir leurs navires saisis dans l'un hémisphère sous prétexte qu'ils se dirigent vers un port bloqué de l'autre hémisphère.

L'efficacité du blocus, aux mains d'une Puissance qui possède le commandement des mers, ne sera nullement compromise par la règle que nous venons de discuter. Lorsque le blocus sera établi au goulot d'un chenal, tous les navires qui en approcheront pourront être saisis. Dans les autres cas, les forces bloquantes entoureront, comme un filet, une multitude de navires. Et il faut se rappeler que tout forceur du blocus qui a essayé d'entrer dans le port bloqué, ou qui a réussi à en sortir, peut être capturé par un bâtiment des forces bloquantes, et être saisi tant que la poursuite se prolonge. Ce n'est pas le fait de s'être temporairement réfugié dans un port neutre qui peut mettre le navire à l'abri de la chasse. Celui qui le poursuit peut attendre au dehors, et reprendre la chasse à sa sortie. De plus, la chasse peut être commencée par l'un des bâtiments de la force bloquante et reprise par un autre, et encore par un troisième, pourvu que ceux-ci appartiennent également aux

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forces bloquantes. Seulement si la chasse en est abandonnée ou si le blocus est levé, la saisie n'en peut plus être pratiquée', et la violation du blocus est insuffisamment caractérisée pour autoriser la saisie du navire, lorsque celui-ci est actuellement dirigé vers un port non bloqué, quelle que soit la destination ultérieure du navire ou de son chargement. Si, toutefois, la destination innocente n'est qu'un prétexte et que, sans vouloir s'y arrêter, le navire se. dirige directement vers un port bloqué, il peut être saisi et sera sûrement confisqué. La règle est dirigée contre toute application aux blocus de la théorie des voyages continus,3 en vertu de laquelle, si on la prend dans sa forme dernière, on s'attachait à la destination ultérieure du chargement qui autorisait la confiscation, soit du navire, soit du chargement, soit de l'un et de l'autre, s'il pouvait être prouvé qu'après être entré dans un port neutre ouvert tout ou partie du chargement devait être dirigé sur un port bloqué, dans le même navire, ou dans un autre. D'après la Déclaration de Londres, les bâtiments des forces bloquantes doivent attendre que la deuxième phase du transport soit commencée, et que le navire cingle vers un port bloqué et ait pénétré dans la zone d'action pour pouvoir le saisir. Ils ne peuvent pas soumettre un port neutre à ce que nous avons appelé un blocus par interprétation.

L'entrée et la sortie constituent également des violations de blocus à moins qu'on ne soit encore dans le délai de faveur. Pour ce qui est des sorties, nous avons déjà vu que la concession d'un délai de sortie plus ou moins long aux navires mouillés dans le port au début du blocus est maintenant obligatoire. Il n'est pas sûr que ce délai de sortie s'étende au chargement. La pratique a varié depuis la permission de sortir sur lest, jusqu'à la permission de sortir avec un plein chargement, à condition qu'il ne s'y trouve pas d'article de contrebande. Pendant le blocus de Cuba,

1569.5

1 Déclaration de Londres, art. 20.

2 Ibid., art. 19.

3 A

3 V § 257.

en 1898, les tribunaux américains interprétèrent le délai de trente jours comme s'étendant aux marchandises chargées pendant ce délai, et le président MacKinley confirma cette interprétation par sa Proclamation du 27 juin 1898 qui étendit le blocus primitif à d'autres ports espagnols.1 La Déclaration de Londres n'impose aux belligérants aucune obligation de tolérer certaines entrées après le commencement du blocus, mais les belligérants se sont parfois prêtés à ces entrées par indulgence, et continueront sans doute à le faire dans des cas inévitables. Lors du blocus anglo-allemand d'une partie des côtes du Vénézuéla, en décembre 1902, l'entrée fut permise aux navires neutres qui étaient partis à destination des ports bloqués avant la notification du blocus, pendant un délai qui variait suivant la distance parcourue et suivant qu'il s'agissait d'un vapeur ou d'un voilier. Quant au fait de croiser devant un port bloqué en attendant l'occasion propice pour y pénétrer, ou pour recevoir des marchandises apportées par les petits bateaux qui ont réussi à en sortir, ou pour transborder des marchandises sur de petits bateaux capables d'y pénétrer il a été considéré, jusqu'ici, par beaucoup de Puissances, comme une violation du blocus, et l'on ne voit pas de raison pour que ce point de vue se modifie, pourvu, bien entendu, qu'il s'agisse d'actes accomplis dans la zone d'action.

§ 252

La dernière de nos quatre questions est celle-ci :

Quelles sont les sanctions de la violation de blocus? La Déclaration de Londres y répond en ces termes : 'Le navire reconnu coupable de violation de blocus est confisqué. Le chargement est également confisqué, à moins qu'il soit prouvé qu'au moment où la marchandise a été embarquée le chargeur n'a connu ni pu connaître l'intention de violer

1 Proclamations and Decrees during the War with Spain, pp. 76, 78.

le blocus.' Il est impossible de beaucoup ajouter à un texte aussi clair et aussi complet. Il peut être cependant opportun de montrer que la sanction prévue frappe d'abord le navire et qu'elle n'atteint qu'incidemment le chargement. Si navire et chargement ont le même propriétaire, on les confisque l'un et l'autre. Il en est de même si les propriétaires sont différents, à moins que le ou les propriétaires du chargement n'établissent qu'on ne peut équitablement les taxer d'avoir su que le port de destination était bloqué. C'est à eux qu'incombe la charge de faire la preuve, car on présume qu'ils ont dû connaître le blocus. Si le capitaine, ayant pris la mer à destination d'un port ouvert, a cinglé ensuite vers un port bloqué, on présume qu'il a agi ainsi dans l'intérêt du navire, puisqu'il est le préposé du maître de ce navire. Mais il n'est pas le préposé du propriétaire du chargement. Si donc navire et chargement ont des propriétaires différents, et que les propriétaires du chargement puissent prouver qu'au départ du navire ils ignoraient le blocus, leurs marchandises seront probablement relâchées.2 On l'a admis dès 1804, et il n'est pas probable que les tribunaux du xx siècle soient plus rigoureux que ceux de l'époque napoléonienne.3

1 V. art. 21.

2 The Adonis: Robinson, Admiralty Reports, vol. v, p. 257.

3 Pour le texte de la Déclaration de Londres, voir Higgins, loc. cit., pp. 540-566; Whittuck, loc. cit., Appendix, pp. 254-274; Supplement to the American Journal of International Law, vol. iii, pp. 136-220. On trouvera une discussion de tout ce qui intéresse le blocus dans Charles Dupuis, loc. cit., ch. vi.

Théorie de la contrebande.

CHAPITRE VI

LA CONTREBANDE DE GUERRE

§ 253

TOUT belligérant peut capturer les biens qui sont d'un usage direct et immédiat pour la guerre, s'il peut s'en emparer au moment de leur expédition à l'ennemi. La nature des choses semble vouloir qu'il ne puisse faire cette capture que sur mer, puisqu'il n'a le droit d'accomplir aucun acte d'hostilité en territoire neutre. S'il advient que des armes ou des munitions de guerre soient expédiées par un territoire n'appartenant à aucun État civilisé, leur saisie pourrait sans doute être opérée dans ce territoire. Mais cette éventualité est trop rare pour qu'on en fasse un exemple pratique. La capture des objets de contrebande doit être considérée comme une opération de la guerre maritime, et c'est toujours comme telle qu'on l'étudie. Les règles qui la gouvernent se sont graduellement développées. On en trouve le germe dans des déclarations et des traités du xvr® siècle, qui datent donc de cette époque où les belligérants regardaient parfois comme coupable tout commerce entre les neutres et leur ennemi. La prétention de saisir quelques objets seulement paraissait un adoucissement à cette rigueur. Dès le début, il y a eu deux courants d'opinion, dont l'un tendait à prohiber le commerce des armes et des munitions de guerre par les neutres, et dont l'autre allait jusqu'à vouloir interdire tous les approvisionnements susceptibles d'être d'un usage quelconque pour la guerre.1 Dans cette controverse il est curieux de constater que les deux opinions contraires se sont trouvées soutenues et développées principalement par les deux mêmes Puissances qui occupaient

1 Westlake, International Law, IIe partie, pp. 241–243.

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