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incompatibles avec la neutralité et qui ne sont cependant pas tels que leur gouvernement soit tenu de les interdire. Quelques-uns de ces actes sont sans importance, mais d'autres ressemblent beaucoup à une participation à la guerre sans enrôlement préalable dans les forces armées de l'un des belligérants. Au surplus, les conditions de la guerre moderne augmentent rapidement le nombre de ces actes, surtout en matière navale.1 Aucune flotte ne peut aujourd'hui tenir la mer sans une longue suite de vaisseaux auxiliaires, et les neutres s'engagent souvent à fournir du combustible, à exécuter des opérations de radoub, à poser des câbles, et à rendre beaucoup d'autres services qu'on ne soupçonnait même pas il y a un demi-siècle. Jadis l'assistance hostile consistait surtout dans le transport des dépêches, qui n'engage plus guère la responsabilité des transporteurs depuis que la Conférence de La Haye de 1907 a rendu inviolables les correspondances postales.2 Le transport de passagers individuels incorporés dans la force armée de l'ennemi était une autre infraction importante. Elle reste telle, mais se trouve très modifiée par le fait du service obligatoire, des facilités de l'émigration et du nombre considérable de passagers qu'on trouve sur les grands paquebots. Les anciennes infractions. étaient peu nombreuses et les règles admises à leur sujet non seulement étaient peu compréhensives, mais ne correspondaient plus aux besoins modernes. Il fallait dégager de ces règles des principes applicables aux conditions actuelles et les exprimer en termes tels qu'ils pourraient s'appliquer aux espèces nouvelles qu'on peut s'attendre à voir surgir avec une grande fréquence. La Conférence navale de 19081909 s'est parfaitement acquittée de cette tâche. Elle a commencé par distinguer entre les cas très sérieux et ceux qui le sont moins, et elle a ensuite élaboré pour les uns et les autres les règles que nous allons exposer.

1 Discours de M. Eyre Crowe à la quatrième séance de la Conférence navale; v. British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 5 (1909), p. 166.

2 V. § 183.

§ 261

Les formes les moins graves de

hostile.

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La Déclaration de Londres traite d'abord des formes de l'assistance hostile dont la gravité est considérée comme la plus légère. Elles suffisent à rendre le navire et les marchandises appartenant à son propriétaire passibles de confiscation, les mettant dans le même cas qu'un navire neutre sujet à confiscation pour contrebande de guerre. Cette sanction est encourue par un navire: 1° lorsqu'il voyage spécialement en vue du transport de passagers individuels incorporés dans la force armée de l'ennemi, ou en vue de la transmission de nouvelles dans l'intérêt de l'ennemi; 2o lorsqu'à la connaissance, soit du propriétaire, soit de celui qui a affrété le navire en totalité, soit du capitaine, il transporte un détachement militaire de l'ennemi ou une ou plusieurs personnes qui, pendant le voyage, prêtent une assistance directe aux opérations de l'ennemi.'1 Il faut noter que, dans le premier cas, il s'agit de passagers individuels, mais non de passagers embarqués en vertu du contrat de transport habituel : c'est spécialement, sinon exclusivement, pour eux que voyage le navire; ils sont incorporés dans la force armée de l'ennemi. De l'avis unanime de la Conférence de Londres, la condition de l'incorporation n'est pas remplie par le simple fait que des particuliers, résidant à l'étranger, reviennent dans leur pays en réponse à un appel de l'autorité militaire, s'ils n'ont pas encore rejoint le corps auquel ils doivent appartenir.2 Ceci est important en raison du grand nombre de réservistes ayant émigré qui seront rappelés sous les drapeaux dès le début des hostilités. La transmission des nouvelles consistera plutôt, à l'avenir, dans la transmission de signaux ou de radiotélégrammes que dans le port de dépêches, mais, de toute manière, pour que les règles qui ne punissent que les moindres fautes lui soient applicables, il

1 Déclaration de Londres, art. 45.

2 Rapport du Comité de Rédaction; British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 4 (1909), p. 53.

faut que le navire ne soit pas exclusivement affecté à cette transmission. Dans le second cas, on exige qu'un détachement militaire de l'ennemi ait été embarqué, ou qu'en tous cas on ait embarqué une ou plusieurs personnes qui, pendant le voyage, prêtent une assistance directe aux opérations de l'ennemi', par exemple, en faisant des signaux ou par tout autre procédé qu'on puisse surprendre sur le fait. Mais alors, puisque des soldats ou des marins peuvent voyager en costume civil, et qu'il peut y avoir des transmissions secrètes de signaux, il faut que la circonstance soit connue du propriétaire, de l'affréteur ou du capitaine.

L'ignorance de l'ouverture des hostilités ou l'impossibilité de débarquer les personnes transportées, une fois les hostilités connues, assurent l'immunité du navire qui tomberait sous l'un ou l'autre des deux cas précités. La confiscation d'un tel navire n'est pas permise.1 Le capteur peut cependant, même alors, faire prisonnier de guerre tout individu incorporé dans la force armée de l'ennemi qu'il trouve à bord. La règle générale du droit international, c'est que personne ne puisse être fait prisonnier par un navire de guerre sur un navire neutre qui est lui-même insaisissable. Mais ici l'on a fait exception à cette règle afin que les grands paquebots qui naviguent sous pavillon neutre puissent être à l'abri de la coûteuse et inopportune éventualité de leur mise sous séquestre, peut-être prolongée, jusqu'à la décision de la juridiction des prises, sous prétexte que quelques passagers individuels incorporés dans la force armée de l'ennemi, et dont ni le propriétaire du navire ni le capitaine n'ont soupçonné l'état militaire, se sont trouvés à bord 2.3 L'ignorance de la guerre, de la part du capitaine neutre, ne doit cependant pas être trop facilement présumée. Il est réputé connaître l'état de guerre 'lorsqu'il a quitté un port ennemi après l'ouverture des hostilités ou un port neutre postérieurement

1 Déclaration de Londres, art. 45.

2 Ibid., art. 47.

3 Rapport de la Délégation anglaise à la Conférence navale; British Parliamentary Papers, Miscellaneous, No. 4 (1909), p. 98.

Les formes

plus graves de l'assis

à la notification en temps utile de l'ouverture des hostilités à la Puissance dont relève ce port'. Bien entendu, il est possible qu'un capitaine neutre connaisse l'état de guerre sans pourtant savoir qu'il a à bord des officiers ou des hommes de troupe de l'un des belligérants.

Il y a un grand sens à attacher à l'assimilation du navire, dans les deux cas précités, à un navire neutre sujet à confiscation pour contrebande de guerre'. La partie de son chargement qui ne constitue pas de la contrebande serait indemne, à moins qu'elle n'appartînt au propriétaire du navire ou qu'elle ne représentât pas la moitié du chargement. Sa saisissabilité prend fin avec son voyage, et, comme navire neutre, il ne peut être détruit en mer, à moins que sa conservation ne compromette la sécurité du capteur ou le succès des opérations militaires de celui-ci. En outre, le navire a droit d'en appeler à la Cour internationale des prises de toute décision de la juridiction nationale à laquelle il a pu être déféré.

§ 262

Suivant la Déclaration de Londres, l'assistance hostile, sous ses formes plus graves, expose le navire neutre à être contance hostile. fisqué, corps et biens, et le rend passible du même traitement qu'un navire de commerce ennemi. Les actes qui exposent le navire neutre à ces sanctions sont de diverses natures.

Le premier cas se présente lorsque le navire neutre ' prend une part directe aux hostilités'.3 La formule est large et vague afin de pouvoir s'étendre à beaucoup d'éventualités. On peut prendre part aux hostilités sans tirer un coup de fusil. Un bateau de pêche neutre peut indiquer le bon passage à une flotte qui avance pour attaquer l'escadre de l'adversaire; il peut poser des mines ou en lever, ou se prêter aux manœuvres des torpilleurs, ou faire des reconnaissances pour l'ennemi, ou intercepter, dans l'intérêt de celui-ci, des

1 Déclaration de Londres, art. 45.
3 Déclaration de Londres, art. 46.

2 V. § 191.

radiotélégrammes. S'il agissait ainsi sous le feu de l'ennemi et qu'il subissait des avaries ou était même détruit, il aurait richement mérité son sort. En se conduisant comme un ennemi, il aurait perdu tout droit à être traité comme un neutre. En vérité, on peut se demander si le traitement du navire de commerce ennemi ne constitue pas une sanction trop douce dans certaines hypothèses. Ne devraiton pas, notamment, détenir comme prisonniers, sinon passer par les armes, tout l'équipage d'un bateau de pêche arrêté au moment où il pose des mines pour l'ennemi? Cet équipage n'a pas pu ignorer qu'il se livrait à un acte d'hostilité déclaré, susceptible de rendre au belligérant dans l'intérêt duquel il a été accompli plus de services qu'aucune action d'éclat dans le cours d'un combat.

Le second cas se présente lorsqu'un navire neutre 'se trouve sous les ordres ou sous le contrôle d'un agent placé à bord par le gouvernement ennemi'. La preuve est alors faite, d'une manière irréfutable, que le navire a, pour un temps, passé à l'ennemi. On doit donc le traiter comme ennemi tant que dure le contrôle sous lequel il s'est placé.

Le troisième cas est celui d'un navire 'affrété en totalité par le gouvernement ennemi'. Il peut s'agir d'un bâtimentcharbonnier ou d'un navire de radoub qui accompagne la flotte ennemie. Tant que durent ses services, il y aura un contrat de fret entre le propriétaire de ce navire et l'amirauté du belligérant, et, si ce contrat est trouvé à bord sous la forme habituelle d'une charte-partie, ce serait la meilleure preuve de l'infraction. Toute autre preuve suffira si elle est concluante, mais il faut qu'il y ait un affrètement total.

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Le quatrième cas est celui d'un navire neutre actuellement et exclusivement affecté, soit au transport de troupes ennemies, soit à la transmission de nouvelles dans l'intérêt de l'ennemi'. Ici encore il est nécessaire que l'engagement soit exclusif. Ce sera généralement une charte-partie qui le

1 Déclaration de Londres, art. 46.

2 Ibid.

3 Ibid.

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