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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

Le Droit international peut être regardé comme un organisme vivant, qui croît en proportion de l'expérience, et qui, en dernière analyse, est formé par les idées et les aspirations courantes de l'humanité civilisée. Pour en décrire avec exactitude l'état présent, il faut esquisser son histoire passée et mesurer les forces qui, en ce moment même, exercent sur lui leur action, comprendre les phases par lesquelles il a atteint la forme sous laquelle il se présente aujourd'hui, et prédire les changements qu'il subira dans son développement futur. Le parfait publiciste doit regarder comme son domaine la philosophie, l'histoire et la diplomatie tout entières. Il doit peser, dans la balance de l'absolue impartialité, les actes des hommes d'État et les décisions des juges. Il doit enfin se familiariser à un égal degré avec les rudes plaisirs du camp et la pompeuse étiquette des cours. Je ne prétends pas posséder ces hautes qualifications. Je me suis tout simplement efforcé d'exposer le développement du Droit international de manière à montrer, d'un côté, son rapport avec quelques grands principes d'éthique, et, de l'autre, sa dépendance des faits brutaux de l'histoire. Le critique le plus sévère ne pourrait se rendre mieux que moi-même compte des lacunes de mon œuvre. Elles sont dues en partie à l'importance de la tâche, comparée aux moyens de l'ouvrier, en partie à un état de métamorphose et d'inquiétude continuelles qui en ont, d'un bout à l'autre, entravé le progrès. Je serai plus que satisfait si j'ai réussi à mettre à la disposition des étudiants des sciences politiques une esquisse claire et lisible de l'une des branches les plus importantes de leur sujet.

Ce livre se divise en quatre parties. La première traite de la nature et de l'histoire du Droit international; suivant

l'ordre de la pensée, elle précède les autres parties où sont exposées les règles observées parmi les États durant la paix, la guerre et la neutralité. Il sera sage cependant de n'aborder l'étude minutieuse des questions discutées dans les trois premiers chapitres qu'après s'être rendu maître du reste de l'œuvre. Une certaine connaissance des usages de la Société internationale est nécessaire à l'étudiant pour lui permettre d'apprécier les tendances des écoles opposées de publicistes. Aucun inconvénient d'ailleurs ne peut résulter de cette manière de procéder: rien de plus aisé que de revenir sur ses pas à la fin d'un livre et d'en relire, d'un œil exercé, les premières pages, dont les discussions relatives à la définition et à la méthode embarrassent l'intelligence non encore familiarisée avec le sujet dont elles traitent. Je me suis efforcé, autant que possible, d'éviter toute controverse superflue, et, toutes les fois que je me suis vu contraint d'aborder des problèmes de philosophie ou des rébus d'histoire, d'éviter le reproche de confondre l'obscurité avec la profondeur. Mais, d'autre part, j'ai compris que les difficultés ne se résolvaient pas en les éludant, et mon but a toujours été d'apporter à leur solution les ressources les plus complètes dont je disposais. Si, dans cette tentative, j'ai échoué, la faute en est due non à une vision imparfaite de la cible, mais dans le manque de force nécessaire pour la toucher.

Dans un ouvrage écrit en anglais, et destiné principalement au lecteur anglais et américain, il est naturel que la plupart des cas cités soient empruntés à l'histoire anglaise ou américaine. J'ai donc choisi les miens de propos délibéré. Plus les deux grands peuples de langue anglaise se connaîtront, plus les liens d'amitié se resserreront entre eux; et de leur amicale coopération naîtront les plus belles espérances pour l'avenir de l'humanité. Celui qui a, comme moi, enseigné des deux côtés de l'Atlantique, n'aura pas manqué d'observer que l'influence des anciens différends et des vieux malentendus ne s'est pas entièrement effacée, même dans les classes éclairées. J'aborde ces questions avec le sincère

désir de montrer, à chaque partie, le bien-fondé de la cause de l'autre, et, dans toute occasion, de faire impartiale justice. Si jamais j'ai fait pencher la balance trop fortement en faveur de mon propre pays, cette erreur est celle d'un Anglais qui, s'il ne l'était pas, n'aurait d'autre ambition que d'être Américain.

On trouvera dans le texte ce que j'avais à dire. Je n'ai pas relégué dans les notes les questions importantes, ni chargé mon livre de longues citations d'autres auteurs ou d'emprunts aux sources. J'ai préféré la tâche, beaucoup plus laborieuse, d'en extraire la substance et de l'exposer, à ma manière, dans le corps de mon ouvrage, qui, je l'espère, perdra ainsi en volume et gagnera en lisibilité. Mais j'ai pris soin de fournir au lecteur le moyen de contrôler mes assertions. On trouvera, au bas de presque chaque page, des renvois, qui permettront au professeur et à l'étudiant d'amplifier ou de corriger le texte, et aux hommes d'affaires de recueillir les informations détaillées dont ils pourraient avoir besoin pour des buts pratiques. Ces notes, que je me suis efforcé de rendre adéquates sans les charger de matière, seront, je l'espère, suffisantes. C'est ainsi que je me suis abstenu, lorsqu'il suffisait, pour appuyer ma démonstration, de quelques citations empruntées à des célébrités de la science, de renvoyer à un grand nombre d'écrivains de tout ordre, ou, lorsqu'un cas ou deux tout au plus étaient nécessaires, d'en citer une douzaine. J'ai pris soin également de présenter à mes lecteurs, dans les exemples cités au texte, plus qu'un simple nom. Presque toujours on trouvera la description matérielle des faits, de sorte que les points de droit pourront être discernés par rapport aux circonstances de l'espèce. Enfin, la table des matières est combinée de manière à donner l'analyse de l'ouvrage entier.

Tout auteur d'un nouveau traité de Droit international est redevable à ses prédécesseurs dans ce même domaine. On ne peut en trouver de meilleure reconnaissance que dans

les renvois et les citations. L'étendue de mes obligations envers d'autres pourra se mesurer par la fréquence avec laquelle leurs noms se retrouvent dans mes notes, mais il en est deux que je ne puis m'empêcher de mentionner spécialement. A chaque détour, j'ai trouvé l'assistance des robustes et tranchants arguments de M. R. H. Dana, du raisonnement juridique et de la connaissance encyclopédique de M. W. E. Hall. Tous deux ont rejoint la majorité, trop tôt, non pour la gloire, mais pour les espérances de ceux qui profitaient de leurs travaux. M. Hall nous a été enlevé à l'apogée de ses facultés; M. Dana avait recueilli les matériaux qui devaient former, j'ose le croire, le meilleur de tous les traités de Droit international. J'adresse, à leur double mémoire, mon humble tribut de respect et d'admiration.

T. J. LAWRENCE.

le 24 juillet 1895.

Ire PARTIE

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