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§. II.

Combien la doctrine des Pharifiens touchant la pra tique de la vertu étoit corrompuë, & en quoi celle de Fefus-Chrift eft plus pure plus parfaite.

Ais que dit Jefus-Chrift entr'autres chofes ? (a),, Je vous dis que fi vôtre justice n'eft plus i pleine & plus parfaite que celle des Pharifiens, ,, vous n'entrerez point dans le Royaume du Ciel, Il eft bon de confidérer que Notre-Seigneur dans ces paroles compare la vertu & la justice dans laquelle les Chrétiens font obligez de vivre avec celle des Pharifiens & des Docteurs de la Loi, parce que ceux-ci paffoient pour les plus juftes & pour les plus vertueux d'entre les Juifs, & fe flâtoient de cette vaine opinion qu'ils avoient d'eux-mêmes, qu'ils étoient élevez à la perfection de la fainteté. C'est pourquoi il nous dit tacitement, que nous devons être encore meilleurs que ceux qui étoient en réputation d'être les plus faints & les plus parfaits. Et cette vertu plus grande que Jesus-Chrift demande de nous, confifte principalement en trois chofes, dans lesquelles il nous fait entendre que fa Morale excelle par-deffus celle de la Loi publiée par Moyfe, felon que les Docteurs & les Pharifiens l'expliquoient au peuple.

Premierement au bon réglement des actions, non-feulement extérieures, mais intérieures. Car c'eft la difference que les Peres mettent entre la vieille & la nouvelle Loi;cell: -là conduifoit la main, mais celle-ci régle le cœur. Le Pharifien croyoir être jufte devant Dieu, lorfqu'il prioit ainfi dans

(a) Matth, 5,

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le Temple;,, Je vous remercie, Seigneur, de ce ,, que je ne fuis pas comme les autres hommes ,, qui fent voleurs, adultéres, injuftes. Je jeûne deux fois la femaine, & j'ai foin de payer la dixme de tout ce que je poffede. " Mais JesusChrift ne fe contente pas de cette juftice aparente & pleine d'orgueil, celle qu'il demande eft l'intérieure, quieft la pureté des mœurs, le crucifiement des paffions vicieufes & des defirs charnels. C'eft pour cela qu'il dit dans l'Evangile ;,, Vous avez apris qu'il a été dit aux Anciens, vous ne tuerez point: Et moi je vous défends de vous mettre ,, en colere contre vôtre frere. Vous avez apris , qu'il a été dít aux Anciens, vous ne commettrez point d'adultére: Et moi je vous dis que quiconque regardera une femme avec un mauvais defir, il a déja commis l'adultére dans fon ,, cœur. Vous avez apris qu'il a été dit aux Anciens, vous aimerez votre prochain, & vous haïrez vôtre ennemi: (a) Et moi je vous ordonne d'aimer vos ennemis, & de faire du bien à ,, ceux qui vous haïffent, & de prier pour ceux qui vous calomient & qui vous perfecutent.

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Mais il faut ici écouter S. Gregoire de Nazianze, lorfqu'il reprefente cette premiere prérogative de la vertu Chrétienne, felon la doctrine de JefusChrift;,, (b) Tout ce que peuvent,dit-il, avancer les Philofophes & les Sçavants du fiécle aprochet'il de la Religion Chrétienne, & de la perfection de la Morale qui s'y enfeigne, puifque parmi nous chacun eft lui-même la régle & la loi de ,,l'amitié qu'il doit entretenir avec tout le mon de, étant obligé de fouhaiter & de procurer ,, fon prochain, autant qu'il lui eft poffible, le ,, même bien qu'à foi-même ; puifque c'eft un crime

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(a) Ibid.

(6) Greg. Naz, orat. 3. qua eft &. cont. Julian. inf.

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non-feulement d'être méchant, mais d'être en tel érat que peu s'en faut qu'on ne le foit, le de fir & la volonté de mal faire étant prefque, felon la Loi de Jefus Chrift, auffi puniffable que l'action; puifque nous avons tant d'amour pour la pudeur & pour la chafteté, que les yeux même font tenus en bride, de peur qu'ils ne fouillent l'ame par de mauvais regards, puifque nous fom,, mes fi éloignez de répandre le fang humain, ,, que la colére même & le reflentiment des injures " ne nous eft pas permis; puifque nous avons tant d'horreur le parjure, que de peur d'y tompour ber,tout jurement nous eft interdit? Quant à l'ar,,gent & aux richefles, qui d'entre nous en poffede ,, avec abondance?Que s'il s'en eft trouvé quelques,, uns, ils ne les ont poffedées que pour témoigner le mépris qu'ils en faifoient en les abandonnant ,, & en les diftribuant aux pauvres,eftimant que leur ,,plus grande richeffe étoit la pauvreté. Ce n'eft ,, pas au refte beaucoup louer les Chrétiens que de dire, qu'en laiffant au peuple charnel le foin du ,, ventre, ce maître cruel & déteftable, cet auteur de tous les maux, ils fe font fi grande violence, par leurs jeûnes & par l'austérité de leur vie,qu'ils ,, paroiffent n'avoir plus de chair, confumant ainfi la mortalité de leur corps par le defir & l'efpérance qu'ils ont de l'immortalité. Pour ce qui eft

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>> de la vertu, ils fe propofent cette feule loi de ne ,, fe laiffer vaincre, ni même furprendre par aucuns vices, non pas même par ceux dont la plupart ne font aucun état. Car certainement il n'y a rien de ,,plus grand & de plus admirable, qu'au lieu que les autres châtient felon les loix, les crimes déja ,, commis, nous en puniffions même les commen,, cemens, & en arrêtons le cours long-temps au,, paravant, comme un mal qui à peine pourroit s'arrêter. Mais où eft-ce, je vous prie, & parmi ,, quelles nations eft-il ordonné de benir ceux qui

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nous maudiffer lent, de prier pour ceux qui nous ,, calomnient.? Car fans doute ce n'eft pas le crime dont nous fommès accufez, mais la verité qui nous bleffe.) Que ceux qui font perfécutez cedent à leurs perfécuteurs; que ceux que l'on dépoüille donnent encore le refte de leurs vêtemens; & pour dire tout, en un mot, où est-il commandé de vaincre l'audace & l'infolence de nos ennemis ,, par la douceur & par la benignité, afin, s'il est poffible, de les rendre meilleurs, & de les convertir par nôtre patience? Je veux que les Philofophes tâchent de ruïner le vice par le fard & la belle aparence de leurs préceptes comment pourront-ils ateindre à la perfection de la Morale qui s'enfeigre parmi nous, qui mettons au nombre des vices de ne faire aucun progrès dans la vertu, mais de demeurer toûjours dans un même état. C'est pourquoi nôtre vie doit être tellement ré,, glée, que nous foyons toûjours actuellement dans la pratique de quelques vertus, & que nô,,tre defir nous porte en même-temps à en aquérir d'autres, & que nous y tendions de toutes ,, nos forces, jufqu'à ce que nous foyons parvenus à cette divine reflemblance pour laquelle nous fommes créez, & à laquelle nous courons & nous efforçons d'atteindre fi nous avons l'efprit ,, élevé, & portons nôtre efpérance à quelque chofe qui foit digne de la libéralité de Dieu. Voilà quel eft le premier avantage de la juftice Chrétienne fur celle de la Loi.

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En fecond lieu, cette vertu plus grande & plus parfaite à laquelle nous oblige Notre-Seigneur, eft le retranchement de certains abus & de certaines injuftices qui étoient tolérées & permifes far la loi de Moyfe, afin d'empêcher de plus grands maux. Par exemple, il étoit permis felon la Loi de demander en Juftice une vangeance égale à Pinjure que l'on avoit reçûë, foit en

fon

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corps,

permet

fen foir en fes biens; Nôtre Seigneur par fa Loi abolit cette permiffion, & dit: (a) Vous avez apris que la Loi a dit aux Anciens, œil pour œil, dent pour dent: Et moi je ,, vous dis de ne point réfifter à celui qui vous ,, traite mal, mais fi quelqu'un vous a donné un ,, foufflet fur la joue droite, prefentez-lui l'autre ; fi quelqu'un veut plaider contre vous pour vous ôter vôtre robe, laiffez-lui encore emporter vôtre manteau. "Ainfi parce que la Loi toit aux Juifs de prêter à ufure aux étrangers Jefus-Chrift défend aux Fidelles toutes fortes d'uLures & de gains illégitimes, difant. (b),, Donnez à celui qui vous demande, & ne rejettez point celui qui veut emprunter de vous; prêtez-lui, fans rien efpérer de furplus. " Moyfe de même aiant égard à la dureté de ce peuple, permit aux maris de quitter leurs femmes, pourvû qu'ils leur donnâffent un écrit par lequel ils déclaroient qu'ils les répudioient; & c'est ce que Jesus-Chrift défend par fa Loi, en rétabliffant le mariage tel qu'il étoit dans fa premiere inftitution:,,Cela, ditil, n'a pas été ainfi au commencement, & je vous déclare que quiconque quitte fa femme, fi ce ,, n'eft en cas d'adultére, & en époufe une autre, ,, comme un adultére, & que celui qui époufe cel-, le qu'un autre aura quittée, commet auffi un adultére.

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En troifiéme lieu, les Docteurs de la Loi & les Pharifiens, & à leur exemple tout le peuple Juif s'attachoient entierement à l'écorce de la lettre fans examiner quelle étoit l'intention du Légiflateur. Ils préféroient la Loi cérémoniale à celle des mœurs; au lieu de régler, comme ils devoient les cérémonies légales felon qu'elles étoient utiles,

(a) Matth. 5.

(b) Ibid. Tome I

&

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