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par les rois et princes mêmes, ou par les papes à leur poursuite et pour très-grandes et importantes considérations, depuis débattues et soutenues ès conciles de Constance et de Bâle, dont furent dès lors publiés quelques mémoires. Tant y a qu'on peut dire avec vérité pour ce regard, que nul monastère, église, collége, ou autre corps ecclésiastique, ne peut être exempté de son ordinaire, pour se dire dépendre immédiatement du saint-siége, sans licence et permission du roi.

ART. 72. Je ne puis aussi omettre en ce lieu ce que le pape Alexandre III, en une sienne épître décrétale, remarque pour une coutume ancienne de l'Église gallicane, de pouvoir tenir ensemble plusieurs bénéfices : ce qu'il dit toutefois être contre les anciennes règles ecclésiastiques, notamment pour le regard des bénéfices qui ont charge d'âme et requièrent résidence personnelle et actuelle.

ART. 73. Et néanmoins on peut dire avec vérité, que la même Église gallicane a tenu, et la cour de France jugé, que le pape ne peut conférer à une même personne plusieurs bénéfices, sub eodem tecto, soit à vie ou à certain temps, même quand ils sont uniformes, comme deux chanoinies, prébendes, ou dignités en même église cathédrale ou collégiale; et a modifié les facultés d'aucuns légats pour ce regard.

ART. 74. J'oserai encore mettre entre les priviléges, mais non ecclésiastiques, le droit de tenir dîmes en fiefs par gens purs laïcs, ce qu'on ne peut nier avoir pris son origine d'une licence et abus commencés sous Charles Martel, maire du palais, et continués principalement sous les rois de sa race, et néanmoins tolérés par aucunes considérations; mais avec tel tempérament sous les derniers, que le laïc peut rendre ou donner tels fiefs à l'Église, et l'Église les recevoir et retenir sans permission du prince; et qu'étant retournés en main

ecclésiastique, ils ne sont sujets à retrait de personne laïque, sous prétexte de lignage, feudalité, ni autrement; et dès lors en appartient la connaissance au juge ecclésiastique pour le regard du pétitoire.

ART. 75. Or, pour la conservation de ces libertés et priviléges (que nos rois très-chrétiens, qui portent la couronne de franchise sur tous autres, jurent solennellement à leur sacre et couronnement de garder et faire garder inviolables) se peuvent remarquer plusieurs et divers moyens sagement pratiqués par nos ancêtres, selon les occurrences et les temps.

ART. 76. Premièrement, par conférences amiables avec le saint-père, ou en personne, ou par ambassadeurs. Et à cet effet se trouve que les anciens rois de France (même ceux de la race de Pepin), qui ont eu plus de sujet de communication avec le saint-siége que leurs prédécesseurs, avaient comme pour marche commune la ville de Grenoble, où encore le roi Hugues, père de Robert, invita le pape par forme d'usance et coutume, par une épître écrite par Gerbert, lors archevêque de Reims, depuis pape, sur le différend de l'archevêché de Reims.

ART. 77. Secondement, observant soigneusement que toutes bulles et expéditions venant de cour de Rome fussent visitées, pour savoir si en icelles y avait aucune chose qui portât préjudice, en quelque manière que ce fût, aux droits et libertés de l'Église gallicane et à l'autorité du roi, dont se trouve encore ordonnance expresse du roi Louis onzième, suivie par les prédécesseurs de l'empereur Charles cinquième, lors vassaux de la couronne de France, et par lui-même en un sien édit fait à Madrid en l'an mil cinq cent quarante-trois, et pratiqué en Espagne et autres pays de son obéissance, avec plus de rigueur et moins de respect qu'en ce royaume.

ART. 78. Tiercement, par appellations interjetées au futur

concile, dont se trouvent plusieurs exemples, même ès derniers temps de celles interjetées par l'Université de Paris, des papes Boniface huitième, Benoît onzième, Pie deuxième, Léon dixième et autres, qui fut aussi le moyen que maître Jean de Nanterre, procureur général du roi, pratiqua contre les bulles du cardinal de Balue, appelant d'icelles «< ad papam melius informatum, aut ad eos ad quos pertinebat. » Et pareillement maître Jean de S. Romain contre certaines censures, avec protestations de nullité et de recours « ad illum seu ad illos ad quem, seu ad quos, etc. »

ART. 79. Quartement, par appellations précises comme d'abus, que nos pères ont dit être quand il y a entreprise de juridiction, ou attentat contre les saints décrets et canons reçus en ce royaume, droits, franchises, libertés et priviléges de l'Église gallicane, concordats, édits et ordonnances du roi, arrêts de son parlement: bref, contre ce qui est nonseulement de droit commun, divin ou naturel; mais aussi des prérogatives de ce royaume et de l'Église d'icelui.

ART. 80. Lequel remède est réciproquement commun aux ecclésiastiques pour la conservation de leur autorité et juridiction; si que le promoteur ou autre ayant intérêt peut aussi appeler comme d'abus de l'entreprise ou attentat fait par le juge laïc, sur ce qui lui appartient.

ART. 81. Et est encore très-remarquable la singulière prudence de nos majeurs, en ce que telles appellations se jugent, non par personnes pures laïques seulement, mais par la grande chambre du parlement, qui est le lit et siége de justice du royaume, composé de nombre égal de personnes, tant ecclésiastiques que non ecclésiastiques, même pour les personnes des pairs de la couronne.

ART. 82. Qui est un fort sage tempérament, pour servir comme de lien et entretien commun des deux puissances, si que l'une et l'autre n'ont juste occasion de se plaindre, et

beaucoup moins que des inhibitions et autres moyens qui se pratiquent ailleurs, même par ceux qui se vantent d'extrême obéissance, plus de parole que de fait.

ART. 83. Au surplus, tous ceux qui jugent droitement des choses peuvent assez reconnaître de quelle importance a été et est encore autant et plus que jamais la bonne et entière intelligence d'entre notre saint-père le pape et le roi de France, lequel, pour très-justes causes et très-grands mérites, a emporté sur tous autres le titre de très-chrétien, et premier fils et protecteur de l'Église. Et pour ce doivent-ils en général et en particulier être d'autant plus soigneux d'entretenir les liens de cette concorde par les mêmes moyens qui l'ont fait durer jusqu'ici, supportant plutôt les imperfections qui y pourraient être, que s'efforçant de roidir outre mesure les cordes d'un nœud si franc et volontaire; de peur que par trop serrer et étreindre elles ne se relâchent ou (qui pis serait, ce que Dieu ne veuille permettre) rompent tout à fait au danger et dommage certain de toute la chrétienté, et particulièrement du saint-siége, duquel un de ses plus sages prélats a très-prudemment reconnu et témoigné par écrit, que la conservation des droits et prérogatives de la couronne de France était l'affermissement.

Déclaration du clergé de France dans l'assemblée
de 1682.

Plusieurs personnes s'efforcent de renier les décrets de l'Église gallicane et ses libertés que nos ancêtres ont soutenues avec tant de zèle, et de renverser leurs fondements qui sont appuyés sur les saints canons et sur la tradition des Pères; d'autres, sous prétexte de les défendre, ont la hardiesse

de donner atteinte à la primauté de saint Pierre et des pontifes romains, ses successeurs institués par Jésus-Christ, d'empêcher qu'on ne leur rende l'obéissance que tout le monde leur doit, et de diminuer la majesté du saint-siége apostolique qui est respectable à toutes les nations où l'on enseigne la vraie foi de l'Église et qui conservent son unité. Les hérétiques, de leur côté, mettent tout en œuvre pour faire paraître cette puissance, qui maintient la paix de l'Église, insupportable aux rois et aux peuples, et ils se servent de cet artifice pour séparer les âmes simples de la communion de l'Église. Voulant donc remédier à ces inconvénients, nous archevêques et évêques, assemblés à Paris par ordre du roi avec les autres ecclésiastiques députés qui représentons l'Église gallicane, avons jugé convenable, après une mûre délibération, de faire les déclarations et règlements qui suivent :

1. Que saint Pierre et ses successeurs, vicaires de JésusChrist, et que toute l'Église même n'ont reçu de puissance de Dieu que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut, et non point sur les choses temporelles et civiles, JésusChrist nous apprenant lui-même que « son royaume n'est point de ce monde, » et en un autre endroit, « qu'il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, » et qu'ainsi ce précepte de l'apôtre saint Paul ne peut en rien être altéré ou ébranlé : « que toute personne soit soumise aux puissances supérieures; car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c'est lui qui ordonne celles qui sont sur la terre celui donc qui s'oppose aux puissances résiste à l'ordre de Dieu. »

Nous déclarons en conséquence que les rois et souverains ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique par l'ordre de Dieu dans les choses temporelles; qu'ils ne peuvent être déposés directement ni indirectement par l'autorité des clefs de l'Église; que leurs sujets ne peuvent être dispensés de la

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