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IV

Bref du pape aux évêques de Bavière sur les mariages mixtes, commençant par ces mots : Summo jugiter.

Vénérables frères,

Salut et bénédiction apostolique. Le siége apostolique a de tout temps veillé avec le plus grand soin au maintien exact des canons de l'Église, qui défendent rigoureusement les mariages des catholiques avec les hérétiques. Quoiqu'il ait été quelquefois nécessaire de les tolérer en quelques lieux pour éviter un plus grand scandale, les pontifes romains n'ont cependant jamais manqué d'employer tous les moyens qui étaient en leur pouvoir pour qu'on y fit comprendre au peuple fidèle tout ce qu'il y a de difforme et de dangereux pour le salut dans ces sortes d'union, et de quel crime se rend coupable l'homme ou la femme catholiques qui osent enfreindre ies saintes lois de l'Église sur cette matière. S'ils ont consenti quelquefois à dispenser dans quelques cas particuliers de cette sainte et canonique défense, ce n'a jamais été que contre leur gré, et pour des motifs graves; mais en accordant cette grâce, ils ont eu pour coutume d'exiger comme condition

préalable au mariage que, non-seulement la partie catholique ne fût point exposée au danger d'être pervertie par l'autre, qu'elle s'engageât plutôt à faire tout ce qui dépendrait d'elle pour faire rentrer celle-ci dans le sein de l'Église, mais encore que les enfants de l'un et de l'autre sexe fussent élevés dans les principes de notre sainte religion.

C'est pourquoi, nous, que la divine providence a élevé, malgré notre indignité, sur la chaire suprême de saint Pierre, considérant la très-sainte conduite de nos prédécesseurs à cet égard, n'avons pu sans être profondément affligé apprendre, par des rapports exacts et en grand nombre, que dans vos diocèses et dans plusieurs autres lieux, il se trouve quelques personnes qui s'efforcent, par tous les moyens possibles, de propager parmi les peuples qui vous sont confiés une entière liberté de contracter des mariages mixtes, et avancent, pour les mieux autoriser, des opinions contraires à la vérité catholique.

En effet, nous sommes informé qu'ils osent affirmer que les catholiques peuvent, librement et licitement, former de telles unions, non-seulement sans aucune dispense préalable du saint-siége (laquelle, selon les canons, doit être demandée pour chaque cas particulier), mais encore sans remplir les conditions précédentes requises, surtout celle qui concerne l'éducation des enfants dans les principes de la religion catholique. Ils en sont venus même jusqu'à prétendre qu'on doit approuver ces sortes de mariages, lorsque la partie hérétique a été séparée, par le divorce, de sa femme ou de son mari encore vivant. De plus, ils s'efforcent d'effrayer les pasteurs des âmes, en les menaçant de les faire poursuivre s'ils refusent d'annoncer au prône les mariages mixtes, et ensuite d'assister à leur célébration, ou au moins de délivrer aux futurs contractants des lettres dimissoriales, comme ils les appellent. Enfin, il s'en trouve parmi eux qui cherchent à

se persuader et à faire croire aux autres que ce n'est pas seulement dans le sein de la religion catholique qu'on peut se sauver; que les hérétiques qui vivent et meurent dans l'hérésie peuvent aussi obtenir la vie éternelle.

Ce qui nous console toutefois dans notre affliction, vénérables frères, c'est d'abord le constant attachement que montre la plus grande partie du peuple de Bavière aux vrais principes de la foi catholique, et sa sincérité obéissante à l'autorité ecclésiastique, ensuite la conduite de presque tout le clergé du royaume, qui, dans l'exercice de ses fonctions, est demeuré ferme dans l'observation des canons; mais surtout cette preuve évidente que vous nous donnez, vénérables frères, de l'ardent désir que vous avez de remplir dignement les devoirs de votre charge: car, quoique vous ne soyez pas tous d'accord sur les règles à suivre dans cette affaire des mariages mixtes, ou sur quelques points qui la concernent, vous avez cependant pris unanimement la résolution de vous adresser au siége apostolique, de le prendre pour guide dans la conduite des ouailles qui vous sont confiées, et d'affronter même les périls, s'il y avait lieu, pour assurer leur salut.

Aussi nous empressons-nous de remplir envers vous, vénérables frères, le devoir de notre ministère apostolique, et de vous raffermir par les présentes, afin que vous continuïez d'enseigner sur cette matière les principes invariables de la foi catholique, que vous veilliez avec plus de sollicitude que jamais au maintien des saints canons, et qu'informés de notre jugement sur cette affaire, vous soyez désormais plus parfaitement d'accord entre vous et avec le saintsiége.

Mais, avant d'entrer en matière, nous ne pouvons nous empêcher de vous dire que nous avons sujet d'espérer que notre très-cher fils en Jésus-Christ, Louis, illustre roi de Ba

vière, dès qu'il aura été informé du parfait accord qui existe entre vous et nous sur le véritable état de la question présente, nous appuiera de son autorité avec ce dévouement aux intérêts de la sainte Église catholique qu'il a hérité de ses augustes ancêtres; que, pour écarter les maux dont elle est menacée à cette occasion, il vous couvrira de sa protection; qu'ainsi l'Église catholique sera conservée dans son intégrité par tout le royaume de Bavière, les évêques et les autres ministres des autels jouiront d'une pleine liberté dans l'exercice de leurs fonctions, comme il a été stipulé dans le concordat fait avec le saint-siége en 1817.

Pour traiter maintenant de l'affaire qui nous occupe, il convient avant tout que nous considérions ce que nous enseigne à cet égard la foi, sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu, et qui est en péril, comme nous l'avons déjà remarqué dans le système de ceux qui veulent étendre au delà de certaines bornes la liberté des mariages mixtes; car, enfin, vous savez comme nous, vénérables frères, avec quelle énergie, avec quelle constance nos pères se sont appliqués à inculquer cet article de foi que ces novateurs osent nier, la nécessité de la foi et de l'unité catholique pour obtenir le salut. C'est ce qu'enseignait un des plus célèbres disciples des apôtres, saint Ignace, martyr, dans son Épître aux Philadelphiens. << Ne vous trompez pas, leur mandait-il, celui qui adhère à l'auteur d'un schisme n'obtiendra pas le royaume de Dieu. » Saint Augustin et les autres évêques d'Afrique, réunis en 412 dans le concile de Cirte, s'exprimait ainsi à ce sujet : « Quiconque est hors du sein de l'Église catholique, quelque louable que lui paraisse d'ailleurs sa conduite, ne jouira point de la vie éternelle, et la colère de Dieu demeurera sur lui à cause du crime dont il est coupable en vivant séparé de l'unité de JésusChrist. » Et sans rapporter ici les témoignages presque innombrables d'autres anciens Pères, nous nous bornerons à

citer celui de notre glorieux prédécesseur, saint Grégoire le Grand, qui atteste expressément que telle est la doctrine de l'Église catholique sur cette matière. « La sainte Église universelle, dit-il, enseigne que Dieu ne peut être véritablement adoré que dans son sein: elle affirme que tous ceux qui en sont séparés ne seront point sauvés. » Il est également déclaré dans le décret sur la foi, publié par un autre de nos prédécesseurs, Innocent III, de concert avec le concile œcuménique, quatrième de Latran : « qu'il n'y a qu'une seule Église universelle, hors de laquelle nul absolument ne sera sauvé. » Enfin le même dogme est exprimé dans les professions de foi qui ont été proposées par le siége apostolique, dans celle qui est à l'usage de toutes les Églises latines, comme dans les deux autres, dont l'une est tenue par les Grecs, et la dernière par tous les autres catholiques de l'Orient.

Nous ne vous avons pas cité ces autorités parmi tant d'autres que nous aurions pu y ajouter, dans l'intention de vous enseigner un article de foi, comme si vous aviez pu l'ignorer. Loin de nous, vénérables frères, un soupçon aussi absurde et aussi injurieux pour vous! Mais l'étrange audace avec laquelle certains novateurs ont osé attaquer un de nos dogmes les plus importants et les plus évidents, a fait sur nous une impression si douloureuse, que nous n'avons pu nous empêcher de nous étendre un peu sur ce point.

Courage donc, vénérables frères, prenez en main le glaive de l'Esprit, qui est la parole de Dieu, et n'épargnez aucun effort pour déraciner cette funeste erreur qui se répand aujourd'hui de plus en plus. Faites en sorte vous-mêmes, et que, d'après vos exhortations, les pasteurs des âmes qui sont soumis à votre autorité agissent de manière que le peuple fidèle du royaume de Bavière soit porté avec plus d'ardeur que jamais à garder la foi et l'unité catholique comme l'unique

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