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Des exemples du même genre, sinon plus révoltants encore, pour tout homme d'honneur, pourraient être pris dans l'histoire non encore écrite des persécutions exercées dans notre patrie pendant les douze dernières années.

Nous joignons respectueusement à cette pétition des certificats et des extraits de protocoles constatant que dans la seule prévôté de Norra Helsingland, de 1851 à 1854, le juge du bailliage de Bergsjo et Forsa a condamné 427 individus à une amende de 8498 rixdales de banque (18 000 fr.), pour avoir reçu la cène de la main d'un individu non ordonné prêtre; or, la grande majorité de ces condamnés étant pauvres, ils durent ou se dépouiller de tout ce qu'ils avaient et se réduire à la plus profonde misère, ou subir la peine de la prison au pain et à l'eau.

Le résumé ci-joint des procès-verbaux des condamnations portées dans les districts d'Orsa, d'Elfdal et Sœrna, prouve que dans le cours des années 1852, 1853, 1854 seulement, près de 200 individus ont été condamnés, dans ces trois paroisses, pour crimes semblables ou pour réunions ayant pour objet des exercices de piété.

Nous aurions pu tirer un grand nombre de pareils exemples des archives des tribunaux, si nous n'avions pas craint de blesser par là le cœur tendre et paternel de Votre Majesté Royale. Nous avons voulu cependant citer quelques exemples à l'appui de ce que nous avons dit, savoir que le besoin d'un changement dans notre législation religieuse est urgent. Il l'est d'autant plus, qu'un grand nombre de citoyens suédois, dont les pétitionnaires font partie, sont résolus de sacrifier tous les avantages temporels plutôt que de consentir à ce que, dans leurs affaires religieuses, il soit porté atteinte à leur conscience.

4 La liberté de religion et de conscience a été reconnue depuis plus d'un demi-siècle dans les Pays-Bas et en Angle

terre, et y a porté de riches fruits de soumission à la loi, d'économie, de civilisation et de crainte de Dieu, en un mot, des fruits de bien-être spirituel et temporel. A l'exception de la Suède et de la Russie, cette liberté a trouvé accès et a été mise en pratique dans la plupart des pays de l'Europe; il y a plus de soixante ans qu'elle a été reconnue par la grande et puissante nation qui a donné le jour aux aïeux de notre bien-aimé souverain. En 1815, elle fut reconnue par la Confédération germanique; par les constitutions des années 1837 et 1838, elle fut consacrée pour les deux royaumes de la péninsule pyrénéenne; elle est actuellement reconnue dans les États autrichiens et la Turquie d'Europe. En demandant donc que la liberté de conscience soit également mise en pratique chez nous, nous ne demandons pas l'introduction de théories nouvelles et non soumises à l'expérience, nous demandons seulement qu'on reconnaisse un principe de droit, que notre constitution proclame et qui est reconnu et mis en pratique, on peut le dire, par toutes les nations civilisées du monde. Nous osons, par conséquent, espérer que Votre Majesté Royale daignera donner son approbation gracieuse à la pétition que nous lui présentons en toute soumission, et dans les sentiments d'obéissance, de fidélité et de dévouement avec lesquels nous sommes, etc.

Projet de loi touchant une liberté de religion
plus étendue.

1o Le paragraphe 3, chap. rer du Code pénal, et le dernier point du paragraphe 2, chap. 1er de la loi ecclésiastique touchant les peines statuées pour apostasie de notre véritable doctrine évangélique, et la profession d'une autre confession de foi, sont

révoqués, et par suite le paragraphe 4, chap. vir du Code civil (relativement aux successions), cesse également d'être en vigueur.

Dans le cas même où un membre de l'Église suédoise voudrait se séparer de cette Église, s'il ne se laisse pas dissuader de ce projet par les exhortations et les instructions du pasteur de la paroisse à laquelle il appartient, ledit pasteur doit lui en faire la déclaration pour être inscrite dans les registres de la paroisse; mais jusqu'au jour où cette déclaration aura été faite, celui qui veut se séparer demeure tenu de se soumettre, sous le rapport religieux, aux règlements en vigueur pour les membres de l'Église suédoise.

2o Est également changé et révoqué le paragraphe 4, chap. 1" du même Code, en ce qui est statué touchant la responsabilité (la peine de l'exil) pour propagation de doctrines erronées. Ce paragraphe sera rédigé ainsi qu'il suit :

a Quiconque expose publiquement, ailleurs que dans une église qui n'appartient pas à l'Église d'État, ou propage d'une autre manière des doctrines qui sont en opposition avec les vérités fondamentales de la pure doctrine évangélique, payera une amende de 100 à 500 daler (de 80 à 400 fr.), ou sera condamné de deux mois à un an de prison.

Les poursuites pour propagation de doctrines erronées ne pourront cependant avoir lieu qu'envers des membres du clergé de l'Église d'État, à moins que le chancelier de justice royal, après s'être enquis de la cause et de ses rapports, n'ait donné ordre de poursuivre. Si cette propagation s'est faite par des écrits imprimés, ce délit sera puni d'après la loi sur la presse. »

3o Quiconque cherche, par persuasion, menace, promesse d'avantages temporels ou tout autre moyen illicite, à provoquer l'apostasie de l'Église suédoise, sera condamné, si l'action n'est ailleurs prévue et punie d'une peine plus sévère,

à payer une amende de 100 à 300 riksdaler-riksmynt (150 à 450 fr. environ), et pour chaque récidive à subir la prison de deux mois à un an.

4o Les enfants de parents appartenant à l'Église suédoise sont considérés comme membres de cette Église, et doivent être élevés dans la pure doctrine évangélique, quand même leurs parents, après la naissance des enfants, auraient embrassé une autre confession de foi. Si, après avoir contracté mariage, l'un des deux époux seulement embrasse une autre religion, les enfants issus de ce mariage seront élevés comme il vient d'être dit (dans le luthéranisme).

Les conseillers de fabrique sont tenus de veiller à ce que lesdits enfants soient élevés, par leurs parents ou ceux qui en tiennent lieu, comme il vient d'être statué. Si le père ou la mère, ou les personnes chargées par eux d'élever et d'instruire des enfants qui appartiennent à l'Église suédoise se permettent, dans l'exercice de cette fonction, d'insinuer aux enfants une foi religieuse non conforme à la pure doctrine évangélique, ils seront punis comme il est dit au § 3 ci-dessus.

5o En tout ce qui n'est pas modifié par la présente loi, les ordonnances touchant les coreligionnaires étrangers restent dans toute leur vigueur, et elles seront également appliquées à tout Suédois qui se séparerait de l'Église d'État.

Personne ne pourra, par suite de sa confession religieuse, se croire affranchi de l'observation des lois en vigueur dans le royaume. Si quelqu'un prétendait que sa foi religieuse ne lui permet pas de prêter serment, lorsque cela est requis, et si, pour un cas particulier, rien n'a été statué spécialement, le roi décidera, après avoir pris l'avis du tribunal suprême.

6o Il est permis aux membres de l'Église suédoise de se réunir pour des exercices de piété particuliers autres que les

offices publics, pourvu que, dans de pareilles réunions, rien ne se fasse qui soit contre la loi ou la morale, ou qui trouble l'ordre public. En conséquence, l'ordonnance royale du 12 janvier 1726 contre les réunions religieuses particulières, ainsi que toutes les autres ordonnances rendues dans le même but, sont complétement révoquées.

Lorsque se tiendra une réunion ayant pour but des exercices religieux, dans le cas où elle ne serait pas présidée immédiatement par le clergé du lieu, quand même elle pourrait n'être considérée que comme exercice de piété de famille, l'entrée n'en saurait être refusée ni au clergé de la paroisse, ni aux fonctionnaires publics de la localité. Ces derniers auront le droit, en cas d'illégalité ou de désordre, de dissoudre la réunion s'ils le trouvent nécessaire. Des réunions du genre de celles dont il est question ici ne pourront, sans permission spéciale, avoir lieu simultanément avec l'office public, sous peine d'une amende de 50 à 100 riksdalers (70 à 140 fr.) pour celui ou ceux qui l'auront convoquée ou auraient ouvert leur maison à cet effet, et de 10 riksdalers (14 fr.) au plus, pour quiconque y aurait pris part.

Loi de Norvége'.

Les dissidents chrétiens jouissent du libre et public exercice de leur religion, dans les limites tracées par la morale et par la loi; ils peuvent se réunir sous la conduite de leurs prêtres ou ministres particuliers. Les prêtres et les ministres des cultes dissidents doivent, avant d'être reconnus tels, se présenter devant l'autorité locale, établir qu'ils

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1. Annuaire des Deux-Mondes, 1853-54.

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