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contiennent rien de contraire au pacte fédéral; qu'elles règlent l'exercice des droits politiques selon les formes du gouvernement représentatif ou démocratiqué; qu'elles n'accordent pas la jouissance de ces droits à telle classe de citoyens préférablement à telle autre, et qu'elles ne souffrent pas de rapport de sujétion entre deux parties d'un même canton ; enfin, que, par un article exprès, la révision de la constitution soit prévue. 4° Il est interdit aux cantons de conclure entre eux des alliances et des contrats particuliers d'un intérêt politique. 5° Aucun canton ne pourra, sans l'autorisation de la Confédération, tenir sur pied plus de 300 hommes de troupes permanentes, la gendarmerie non comprise. 6 Il y aura pour toute la Suisse une organisation militaire uniforme. La force armée de tous les cantons, tant pour le matériel que pour le personnel, será sous la dépendance immédiate et exclusive de l'autorité centrale; il sera pourvu à son entretien au moyen d'un fonds spécial, produit de contributions imposées aux divers cantons d'après l'échelle de leurs populations respectivés. 7° Les pouvoirs de la diète et ceux du vorort seront illimités dans les cas d'urgence. 8° Le siége du vorort ou conseil fédéral, ainsi que de la diète, au lieu d'alterner, comme par le passé, entre Zurich, Berné et Lucerne, sera désormais fixé perpétuellement à Lucerne. 9° Il y aura une haute cour fédérale siégeant à Berne, chargée de prononcer sur les différends des cantons entre eux, et sur les contestations qui pourraient s'élever entre le pouvoir fédéral et un canton, ou entre les gouvernemens cantonnaux et leurs ressortissans. 10° Tout Suisse sera admis à s'établir dans chacun des 29 états de la Confédération, en se conformant aux lois et coutumes locales. 11° La liberté de la presse est hautement reconnue. D'autres dispositions consacraient la liberté du commerce intérieur, du transit, d'importation et d'exportation; l'exclusion de tous péages autres que les droits des limites de Ja Confédération, les droits cantonnaux de chaussée, de

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pontonnage, de dépôt et de transport par eau; l'unité des monnaies, poids et mesures, d'après le système décimal français; la fabrication de la poudre par l'autorité fédérale. Cette autorité s'occuperait elle-même des postes et établirait les mêmes tarifs pour tous les cantons.

Il n'était rien innové en ce qui concerne la représentation des cantons à la diète,qui continuerait à être composée de 44 membres faisant 22 voix, sous la présidence du landammann de la Suisse. Par un progrès remarquable de l'esprit du temps, et que l'acte de médiation n'avait pas même songé à introduire, les séances de la diète seraient désormais publiques. Les députés ne cesseraient pas de voter d'après des instructions précises, sauf les cas d'urgence.

Le conseil fédéral suprême serait formé du landammann de la Suisse et de quatre conseillers fédéraux. Le landammann serait élu pour quatre ans par tous les cantons; les conseillers le seraient par la Diète entre tous les citoyens.

Ce projet, qui doit tant à l'acte de médiation, avait été approuvé par tous les membres de la commission, excepté M. de Chambrier, député de Neufchâtel, sur le rapport de M. le professeur Rossi (1). Ce n'est pas qu'ils n'eussent eu sur plusieurs points des vues discordantes; mais ils avaient cru devoir les sacrifier au bien général. D'ailleurs ils l'avouaient sans détour : c'est à une œuvre de transaction, de conciliation, qu'ils avaient travaillé, convaincus que les confédérations n'en comportent guère d'autres.

Quoi qu'il en soit, le nouveau pacte heurtait trop de coutumes, d'intérêts, de préjugés locaux, pour s'attendre à un accueil favorable. Il est à remarquer, avant tout, qu'il ne garantissait pas, comme celui du 7 août 1815, l'existence des couvens et des chapitres, ce qui fit que le clergé ca

(1) Il a été nommé depuis professeur d'économie politique au collège de France, et de droit constitutionnel à l'école de droit de Paris.

tholique commença par le combattre de toute son influence. Il avait aussi pour adversaire déclaré cette association des cinq cantons qui avait pris le nom de conférence ou ligue de Sarnen (voyez l'Annuaire de 1832, p. 423). On ne pouvait, au surplus, se dissimuler que le besoin d'ajouter à la force centrale de la Confédération n'eût été satisfait qu'aux dépens de la souveraineté de chaque canton, et qu'en mettant aux prises l'esprit fédéral avec l'esprit. cantonnal, le nouveau pacte rencontrerait une forte opposition dans les conseils cantonnaux dont il avait à subir l'examen.

On ne nia pas dans ces conseils que ce pacte n'offrit à la Suisse des avantages incontestables. La garantie des constitutions cantonnales beaucoup mieux expliquée, le droit de révision posé en principe, une augmentation de puissance et de dignité pour le pays, des dispositions qui laissaient moins d'espoir aux factions, une force répressive plus active et plus sûre, voilà tout autant de bienfaits. Cependant le projet contenait aussi des imperfections, des erreurs. Il présentait des choses que des états indépendans ne pouvaient point admettre. Il taillait trop au vif dans les mœurs, dans les habitudes de la Suisse. Son but était le bien, son but était l'unité et la force, mais la commission de Lucerne s'en était exagéré les moyens.

Le projet, et c'était là, suivant beaucoup d'orateurs, son vice dominant, paraissait avoir considéré la Suisse comme un état fédératif, c'est-à-dire comme un état où la souveraineté, constituée dans un pouvoir centrál, n'appartient plus que rarement aux provinces qui le composent. C'est le système opposé qu'il fallait établir. La Suisse devait être considérée comme une confédération d'états indépendans et souverains qui ont consenti à abandonner à l'autorité fédérale, mais seulement par exception, la partie du pouvoir nécessaire à son action. De cette erreur étaient venues les trop fréquentes atteintes à la souveraineté cantonnale qui se remarquaient dans le projet de Lucernc.

Plusieurs orateurs, s'ils n'avaient eu qu'à consulter leurs opinions personnelles, leurs désirs particuliers, et si la chose eût été possible, auraient voulu mieux qu'un 'état fédératif; ils auraient voulu un état unitaire, c'est-à-dire une république helvétique, une et indivisible. Mais pour peu qu'on examinât les moeurs, les besoins de la Suisse, son degré de civilisation, on acquérait aussitôt la conviction de l'impossibilité de réaliser ce système. La première chose qui frappe dans cet examen, 'c'est la diversité des langues en usage parmi les habitans: ici, le français; là l'italien; plus loin l'allemand; ailleurs enfin, une espèce de patois, débris de l'ancienne langue romane. Ensuite, quellé distance n'y avait-il pas, par exemple, entre Genève et une vallée reculée des Alpes! Un autre obstacle insurmontable à l'établissement du système unitaire, c'était la difficulté des communications, même entre des états voisins. Ainsi, Valais et Berne se touchent par plusieurs points, et toutéfois pendant une grande partie de l'année ils doivent s'abstenir de toute relation l'un avec l'autre.

Il était bien difficile aussi de concilier les deux systèmes, comme avait essayé de le faire la commission de Lucerne. Il vaudrait mieux en adopter un seul exclusivement, qu'une réunion qui plaçait la Suissé dans une si fausse position, qu'il pourrait arriver que les trois quarts de ses habitans subissent la loi de l'autre quart.

Tel est en général l'esprit qui prévalut dans les délibérations des conseils cantonnaux. Il faisait prévoir que le nouveau pacte ne passerait pas sans recevoir des modifications essentielles dans la diete extraordinaire, convoquée pour le discuter.

Cette diète s'ouvrit le 11 mars à Zurich, sous la présidence de M. J. J. Hess, bourgmestre en charge. Il s'attacha dans son discours à faire ressortir toute l'importance de la question à résoudre. Puis, après avoir démontré l'incompatibilité du pacte de 1815 avec les nouvelles constitutions cantonnales,

le président parlait en ces termes des espérances que le peuple suisse avait mises dans la diète actuelle:

« Il attend de cette diète des décisions en harmonie avec ses besoing

et ses espérances, et une juste appréciation de sa position; il espère qu'en examinant les questions qui lui seront présentées, les intérêts parti culiers des cantons seront à la vérité ménagés; mais il attend de chacun de vous, qu'avant tout, vous vous montrerez confédérés. Il sait que le bien de la patrie exige souvent des sacrifices, et que, si l'on doit éviter de lui imposer des charges inutiles, il faut aussi se garder d'estimer l'amour de la patrie à deniers comptans. Le présent sera jugé, et jugé sévėrement par l'avenir. Les leçons de l'histoire sont là pour nous servir de règle. Elles font voir que, sans des sacrifices notables, la patrie ne peut être sauvée. Tous pour un, un pour tous, telle a toujours été la devise de chaque confédéré, depuis Sempach jusqu'à nos jours: c'est seulement lorsque cette devise sera de nouveau celle de la Confédération, et qu'elle sera une vérité, que les plaies que l'égoïsme cantonnal a faites à la patrie pourront être guéries. Réunissons donc toutes nos forces pour fonder un pacte sur des principes vraiment nationaux qui puissent faire, pour l'avenir, de la Suisse, une Confédération vraiment suisse. »

En terminant, M. Hess engageait l'assemblée à ne point se laisser arrêter dans ses travaux par la conduite de quelques états disposés à ne pas répondre à l'appel du directoire, à ne pas envoyer de députés à la diète. Il faisait remarquer que le pacte en vigueur avait eu beaucoup d'adversaires dans son origine; que les principes sur lesquels il reposait avaient été aussi arrêtés dans une diète où tous les états n'étaient pas représentés. Le président invitait enfin les confédérés présens à Zurich à détourner leurs regards des menées déplorables de ces hommes aveuglés qui s'imaginent que l'alliance fédérale peut se trouver dans la Confédération actuelle.

Cette première séance constata d'une manière officielle la scission de la Suisse en deux camps diametralement opposés de vues, de principes et de politique. Un manifeste fut adressé à la diète au nom des cantons de Neufchâtel, d'Uri, d'Unterwald, de Bâle ville et de Schwytz intérieur, qui formaient la ligue de Sarnen; manifeste par lequel les députés de ces cantons, réunis en conférence à Schwytz et agissant en vertu des instructions expresses de leurs gouvernemens respectifs, déclaraient que, fidèles à leurs sermens, ils restaient invariablement attachés an paete

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