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fidentielles entre les plénipotentiaires de toutes les puissances. Mais ils se sont convaincus en même temps, qu'il est de l'intérêt de toutes les Parties intervenantes de suspendre la réunion générale de leurs plénipotentiaires jusqu'à l'époque où les questions, sur lesquelles on devra prononcer, seront parvenues à un degré de maturité suffisant pour que le résultat réponde aux principes du droit public, aux stipulations du Traité de Paris, et à la juste attention des contemporains. L'ouverture formelle du Congrès sera donc ajournée au premier du mois de novembre, et les susdits plénipotentiaires se flattent que, le travail auquel ce délai sera consacré, en fixant les idées et en conciliant les opinions, avancera essentiellement le grand ouvrage qui est l'objet de leur mis sion commune.

Vienne, le 8 octobre 1814.

Note de lord Castlereagh au prince de Talleyrand, au sujet de l'abolition de la traite des nègres.

Vienne, le 8 octobre 1814.

Comme il a été rapporté au gouvernement britannique que S. A. le prince de Talleyrand, principal secrétaire d'État de S. M. Très-Chrétienne pour les affaires étrangères, avait laissé tomber quelques expressions, portant que le gouvernement français ne s'opposerait pas à l'abolition immédiate de la traite des esclaves, pourvu qu'il fût mis en état de justifier un sacrifice tel que cette mesure est supposée renfermer, par quelque acquisition procurée à la nation, ou que quelque compensation fût assurée à ses planteurs;

Et quoique rien de ce qui se passa dans le cours de la discussion au mois de mai dernier à Paris, sur la question du commerce des esclaves, ne fût le moins du monde calculé à donner de la consistance à une telle idée; S. A. R. le prince-régent, toujours empressée de saisir toute suggestion qui peut lui ouvrir la perspective de terminer ou d'abréger ce grand mal de la société, a ordonné au soussigné, principal secrétaire d'État pour les affaires étrangères, d'inviter le gouvernement français à négocier pour l'abolition absolue et immédiate de la traite des esclaves sur la base suivante, savoir la cession par la Grande-Bretagne en faveur de la France d'une île dans les Indes occidentales, ou, si cela n'était pas possible, l'avance par la Grande-Bretagne d'une somme d'argent à appliquer par le gouvernement de S. M. Très-Chrétienne au bénéfice des colons français à titre de compensation pour la perte qu'ils sont supposés éprouver, si la traite des esclaves est immédiatement abolie, au lieu de l'être au bout de cinq ans, ainsi

que cela

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avait été stipulé par le premier article additionnel de la Paix de Paris. S. A. R. le prince-régent éprouvera une véritable satisfaction en faisant ce nouveau sacrifice, au nom de la nation britannique, aux intérêts de l'humanité et au progrès d'une cause que sa gloire et son devoir paraissent lui ordonner de soutenir; et S. A. R. ressentira une plus grande satisfaction encore, si elle peut aussi mettre S. M. TrèsChrétienne en état d'exécuter sur-le-champ ses intentions bienveillantes sans sacrifier les intérêts de ses sujets.

Le soussigné prie S. A., etc.

Signé Castlereagh.

Représentation de la communauté israélite de Francfort-sur-le-Mein au Congrès. Vienne, 10 octobre 1814.

Kluber, tome VI, page 396.

Note de lord Castlereagh au prince de Hardenberg.

Vienne, le 11 octobre 1814.

Mon prince, j'ai l'honneur de vous accuser la réception de votre lettre d'hier, avec les incluses, et de m'expliquer sans perte de temps sur ces pièces, avec la franchise que j'observe toujours envers vous.

Il n'y a pas de principe, en fait de politique européenne, auquel j'attache plus d'importance qu'à la reconstruction substantielle de la Prusse. Les glorieux services qu'elle a rendus dans la dernière guerre, lui donnent les droits les plus éminents à notre reconnaissance; mais un motif plus puissant eucore se trouve dans la nécessité de considérer la Prusse comme le seul fondement solide de tout arrangement quelconque à établir pour la sûreté du Nord de l'Allemagne, contre les plus grands dangers qui pourraient la menacer. Dans une crise pareille, c'est à la Prusse que nous devons veiller. C'est à ses forces que nous devrons joindre les nôtres, et pour remplir cette tâche, il faut que la monarchie prussienne soit substantielle et solide, et douée de tous les attributs d'un État indépendant, capable de se faire respecter et d'inspirer confiance.

Quant à la question de la Saxe, je vous déclare que, si l'incorporation de la totalité de ce pays dans la monarchie prussienne est nécessaire, pour assurer un si grand bien à l'Europe, quelque peine que j'éprouve personnellement à l'idée de voir une si ancienne famille si profondé

ment affligée, je ne saurais nourrir aucune répugnance morale ou politique contre la mesure elle-même. Si jamais un souverain s'est placé lui-même dans le cas de devoir être sacrifié à la tranquillité future de l'Europe, je crois que c'est le roi de Saxe, par ses tergiversations perpétuelles, et parce qu'il a été non-seulement le plus dévoué, mais aussi le plus favorisé des vassaux de Buonaparte, contribuant de tout son pouvoir et avec empressement, dans sa double qualité de chefs d'États allemands et d'États polonais, à étendre l'asservissement général jusque dans le cœur de la Russie.

Je n'ignore pas qu'il y a en Allemagne plusieurs exemples d'une immoralité politique du même genre; je n'en connais cependant aucun qui soit également choquant, et dans ce cercle vicieux, dans lequel les États d'Allemagne se sont presque autorisés à marcher depuis quelque temps, tous ne pouvant pas être punis, et le plus grand nombre ayant réparé leurs torts par des services subséquents, je ne serai pas fâché, qu'en pardonnant à la masse des coupables, on fît un exemple d'un d'entre eux, pour arrêter le cours d'une calamité aussi intolérable.

Votre Altesse se convaincra par cet exposé, que je n'hésite pas à approuver le principe de l'arrangement proposé, s'il est nécessaire, pour mettre la Prusse dans la situation qu'elle doit occuper pour l'intérêt de l'Europe. Mais, si cette incorporation doit avoir lieu, comme moyen d'indemniser la Prusse de ce qu'elle pourrait souffrir par des entreprises inquiétantes et dangereuses de la part de la Russie, et comme une mesure imaginée pour l'engager à se soumettre avec des frontières sans défense à un état évident de dépendance de la Russie, dans cette dernière supposition, laquelle, pour l'honneur et l'intérêt de tous et plus particulièrement de la Russie elle-même je déplorerais profondément, je ne me crois pas autorisé du tout à donner à Votre Altesse la moindre raison d'espérer, que la Grande-Bretagne consentirait à la face de l'Europe à un arrangement pareil.

Persuadé qu'un résultat aussi peu compatible avec les principes de l'alliance, ne saurait être ni proposé d'un côté, ni supporté de l'autre, je n'ai pas d'objections à ce que la Saxe soit confiée, comme Votre Atlesse le désire, à l'administration provisoire de S. M. prussienne. Je veux bien consentir immédiatement à cette mesure, qui me paroît juste et raisonnable en elle-même, pour vous offrir un gage de la sincérité des assurances données plus haut, et dans l'espoir certain, que le roi de Prusse ne se prêtera à aucun arrangement incompatible avec la dignité de la couronne, ou avec la sûreté permanente de ses possessions.

J'ai supposé que Votre Altesse désirerait de connaître sans délai mon opinion à ce dernier sujet, et aussitôt que le prince de Metternich croira pouvoir s'expliquer sur les points auxquels Votre Altesse a appuyé dans sa lettre, je suis prêt à entamer avec vous et lui l'affaire générale, et très

empressé d'accélérer un arrangement, qui me paraît essentiellement lié aux plus grands intérêts de l'Europe.

Vienne, le 11 octobre 1814.

Castlereagh.

Note verbale de lord Castlereagh au prince de Hardenberg, au sujet de la prise de possession du royaume de Saxe par la Prusse.

Vienne, octobre 1814.

Nous supposons que l'on s'occupe du plan d'incorporer la Saxe à la Prusse, pour mettre cette dernière puissance en état de former une barrière pour la sûreté du nord de l'Allemagne.

L'utilité de cette mesure, par rapport à son résultat, est généralement admise; les objections ne sont dirigées que contre le choix des moyens.

On prétend qu'une mesure aussi sévère contre la maison de Saxe, dont la conduite criminelle devrait, dit-on, être attribuée à la nécessité et non pas à ses intentions, ne s'accorde pas avec l'indulgence observée envers d'autres puissances également contraintes d'agir contre la cause de l'Europe, et qu'elle est en contradiction avec les principes de la justice.

Examinons le cas. Le roi de Saxe est devenu, par le zèle avec lequel il s'est engagé dans la cause de Buonaparte, le principal favori de celuici; il l'a distingué en attachant à sa couronne le duché de Varsovie, acte par lequel la frontière de l'Autriche fut démantelée, la Prusse soumise à la direction de la France, et le chemin frayé pour pénétrer au cœur de la Russie.

Par l'expulsion des Français du duché de Varsovie, ce pays est échu à la Russie à titre d'occupation militaire.

Lorsque les armes des Alliés furent parvenues à repousser les Français au delà de l'Oder et de l'Elbe et s'avancèrent dans l'intérieur de la Saxe, le roi de Saxe, sans permettre toutefois à ses troupes d'assister les Alliés, se retira sur le territoire de l'Autriche, engagée alors dans une médiation pour la paix, et se montra disposé à prendre part au système politique de l'Autriche; mais, au premier succès des armées de Buonaparte, il rejoignit les Français avec toutes ses forces, et coopéra aux mesures qui amenèrent la défaite des Alliés et leur retraite vers l'Oder. Par la réunion de l'Autriche aux Alliés, à la suite d'une négociation infructueuse, les armées des Français furent enfin repoussées au delà du Rhin, la Saxe fut entièrement conquise, et le roi lui-même fait prisonnier.

Est-il injuste qu'après les efforts que les Alliés ont fait pour la cause

de l'Europe ils se trouvent, jusqu'à un certain point, indemnisés pour les risques qu'ils ont couru et pour les pertes qu'ils ont essuyées? Personne ne sera assez déraisonnable pour soutenir une thèse pareille.

Quel moyen y aurait-il de les indemniser, si ce n'est aux dépens des puissances qui avaient été agrandies à cause de leur zèle pour l'ennemi commun, et qui refusaient leur assistance à la cause commune de la délivrance de l'Europe, lorsqu'il se présente une occasion favorable pour y concourir? Tel a été particulièrement le cas du roi de Saxe, et la conduite par laquelle il s'est distingué de tous les autres souverains.

On allègue que le roi a volontairement abandonné le duché de Varsovie. Comme il ne le possédait que par la conquête, et qu'il ne pouvait avoir aucun droit de réclamer après qu'il eût été reconquis, cette objection ne mérite aucune attention.

Mais s'il est admis que les Alliés doivent être indemnisés, et si ce principe est particulièrement maintenu en faveur de la Russie, où la Russie peut-elle trouver ses indemnités, si ce n'est dans le duché de Varsovie? Et comment les lui assigner dans ce duché sans dépouiller la Prusse?

Et comment la Prusse serait-elle indemnisée, d'abord pour cette perte et puis par ses efforts et ses pertes dans la cause commune ? Il est évident que si elle doit être indemnisée du tout, elle doit l'être par les possessions de quelque autre puissance.

Or, sur quelle puissance la charge de cette indemnité pourrait-elle tomber plus justement que sur celle qui a été le premier et le principal instrument dans le démembrement de la Prusse, et plus tard, par ses tergiversations, ou par sa pusillanimité, ou par son ambition, une des principales causes des sacrifices qu'elle a essuyés en recouvrant une partie de ses possessions?

Combien de puissances, combien de princes n'a-t-on pas vus dépouillés de leurs droits, qui avaient mieux mérité de l'Europe que la Saxe! Pourquoi leur cause est-elle négligée et oubliée, tandis que celle de la Saxe, certainement la plus coupable et la moins excusable, serait soutenue?

On admet de toutes parts que la Russie doit être indemnisée, el qu'elle ne peut l'être qu'aux dépens de la Prusse, dont les sacrifices et les efforts pour la cause de l'Europe ont été, en proportion de ses moyens, plus grands que ceux d'aucune autre puissance; et cependant la Prusse ne doit pas être indemnisée aux dépens de la Saxe, du plus grand ennemi que la cause commune ait eu en Allemagne, quoique cet arrangement serait le seul qui pût la dédommager, à un certain degré, des cessions qu'elle doit faire de ses anciennes possessions dans le duché de Varsovie, le seul qui pût lui fournir les moyens de former une bar

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