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rière pour la sûreté du Nord, et la remplacer dans la même situation dont elle a joui auparavant.

Si la Russie doit être indemnisée aux dépens d'un Allié, pourquoi la Prusse ne le serait-elle pas aux dépens d'un ennemi? Si la Russie doit être agrandie aux dépens de la puissance qui a le mieux servi la cause. de l'Europe, pourquoi la Prusse ne doit-elle pas l'être aux dépens de celle qui a fait le plus de mal à cette cause?

Il est impossible de renverser ce raisonnement, à moins d'avoir recours à des arguments qui, en contestant les droits des souverains libérateurs de l'Europe à toute indemnité quelconque, offrirait à chaque puissance la plus forte tentation de déserter la cause de l'Europe à la moindre apparence de danger ou d'espoir de s'agrandir.

Le roi de Saxe a, d'après tout principe du droit public, perdu la totalité de ses droits; ou, partout où il n'est pas question de droit, la loi des convenances et de l'utilité générale, modifiée tout au plus par la clémence, doit se faire entendre; je dis modifiée, car elle ne doit pas être sacrifiée à des considérations pareilles.

Le roi de Saxe n'a aucun droit ni à être rétabli, ni à être indemnisé; il peut s'adresser à l'indulgence des conquérants, et, s'ils lui offrent une compensation dans une autre partie de l'Europe, et que cette compensation ne lui paraisse pas proportionnée à ce qu'il perd, il peut seulement se plaindre de l'insuffisance, mais non pas de l'injustice de l'offre qu'on lui fait.

Il faut encore observer que le langage tenu par le roi de Saxe pour défendre sa conduite, est tel que si un officier commandant d'une forteresse en tenait un pareil il s'exposerait à être fusillé. Son apologie pour avoir rejoint la cause de Buonaparte après s'en être retiré, est qu'il a été décidé par la menace de celui-ci de dévaster son pays et de brûler sa capitale. Et cependant, à l'époque où cette menace a été faite, les Alliés étaient encore maîtres de sa capitale et d'une grande partie de son pays. C'est en parlant d'une pareille époque qu'il établit son apologie sur ses terreurs? Il aime mieux recouvrer son royaume par les armes de Buonaparte, que le défendre en réunissant les siennes à celles des Alliés. Il préfère l'assistance de celui qui marchait pour tout détruire, aux secours des Alliés qui veulent délivrer l'Europe! Il s'appuye sur la nécessité, tandis qu'il avait la liberté du choix; là, où les chances étaient égales en sa faveur, s'il voulait se joindre aux Alliés, il parle de la certitude de sa destruction dans le cas qu'il n'eût pas agi contre eux, et allègue le salut de ses possessions comme son seul motif; faisant en vérité des vœux pour la cause de l'Europe, mais déterminé à ne rien hasarder pour elle, et également prêt à la perdre ou à la sauver, pourvu qu'il conservât l'espoir d'assurer ses intérêts personnels. Signé Castlereagh.

Note circulaire du comte de Munster, ministre d'État et du Cabinet de Hanovre, adressée aux Plénipotentiaires des Puissances réunies à Vienne, pour déclarer que l'Électeur de Hanovre a pris le titre de roi.

Le soussigné, ministre d'État et du Cabinet de Hanovre a été chargé par son auguste souverain de porter à la connaissance de la Cour de.... la déclaration suivante sur le titre que S. A. R. le prince régent de la Grande-Bretagne et de Hanovre croit devoir substituer à celui d'électeur du saint Empire romain. Comme les puissances qui ont pris part à la paix de Paris ont statué, par l'article VI, que les États d'Allemagne seront indépendants et unis par un lien fédératif, le titre d'électeur du saint Empire romain ne convient plus aux circonstances. Quelques grandes puissances, en demandant à S. A. R. le prince régent, que ce titre fût aboli, ont pensé que plusieurs arrangements qu'exige le bienêtre futur de l'Allemagne deviendront plus faciles si le titre royal remplace l'ancien titre. Ce sont ces considérations seules qui ont engagé Son Altesse Royale à accéder à ce vou. Puisque la maison de BrunswickLunebourg est une des plus illustres et des plus anciennes maisons d'Europe; puisque la ligne de Hanovre de cette maison occupe depuis un siècle un des premiers trônes; puisque ses possessions en Allemagne sont des plus considérables, que tous les anciens électeurs de l'Empire, ainsi que la maison de Wurtemberg ont élevé leurs États au rang de royaumes, et que le prince régent ne saurait renoncer à la place que le Hanovre a occupée jusqu'à la dissolution de l'empire germanique; Son Altesse Royale a résolu, en déposant pour son auguste maison le titre électoral, de déclarer par la présente note que le soussigné a ordre de remettre à ...., qu'il élève en royaume les provinces formant le pays de Hanovre, et adopte pour l'avenir pour le souverain de ce pays le titre de roi de Hanovre. Le lien d'une amitié intime qui existe entre Son Altesse Royale et la cour de.... ne permet pas de douter que cette déclaration ne soit reçue avec des sentiments conformes au susdit rapport, et que le titre que le prince s'est cru, dans les circonstances présentes, dans le cas de prendre pour sa maison en Allemagne, ne soit reconnu. Le soussigné saisit avec un plaisir particulier cette occasion pour témoigner à M. .... sa considération la plus distinguée.

Vienne, le 12 octobre 1814.

Signé le comte de Munster.

Lettre de lord Castlereagh à l'empereur Alexandre, au sujet
de la Pologne.

Vienne, 12 octobre 1814.

Pour obtempérer aux ordres de Votre Majesté Impériale j'ai réfléchi profondément et attentivement aux arrangements à l'égard de la Pologne dont Votre Majesté a daigné gracieusement me faire part.

Pour que le résultat de ces réflexions puisse être pesé par Votre Majesté avec plus de précision que s'il était soumis dans une entrevue personnelle, je me suis permis de présenter les raisons sur lesquelles ces réflexions sont basées, sous forme d'un Memorandum non officiel.

J'ai préféré ce mode, qui me permettait d'exposer la question à Votre Majesté avec moins de réserve et telle que le monde la comprend et la raisonne, convaincu que la bienveillance avec laquelle Votre Majesté désire toujours entendre la vérité et s'en rendre compte rendrait cette forme non moins acceptable à Votre Majesté que si elle était restreinte dans ces bornes que mon respect personnel et ma confiance dans les intentions de Votre Majesté lui auraient assignées.

Mon désir est de donner à l'expression de mes sentiments à cette occasion un caractère aussi peu officiel que possible. Je voudrais parler à Votre Majesté comme un individu à qui les circonstances ont donné une part secondaire à la grande entreprise, qui sous la direction suprême de Votre Majesté a été conduite à la veille de son accomplissement. Ayant accompagné le quartier-général de Votre Majesté et suivi ses pas à travers une grande partie des difficultés et les incertitudes des combats, je me crois autorisé à souhaiter avec une sollicitude particulière, que la conclusion de l'ouvrage réponde à son caractère général et que Votre Majesté emploie son influence et son exemple, pour inspirer dans ces grandes conjonctures aux Cabinets de l'Europe cet esprit de conciliation, de modération et de générosité, qui seul peut assurer à l'Europe le repos pour lequel Votre Majesté a combattu, et à elle-même la gloire qui doit entourer son nom.

Cependant je ne puis pas assez séparer mon individu de la sphère politique dans laquelle je suis placé, pour faire oublier à Votre Majesté, que c'est le ministre du prince régent d'Angleterre qui lui parle.

Permettez-moi, Sire, en partant de ce point de vue, d'observer que la Grande-Bretagne à l'exception de ce rapport permanent qui subsiste entre les intérêts britanniques et l'intérêt général de l'Europe, et la puissance dont les intérêts particuliers souffriraient le moins d'une résolution quelconque, que Votre Majesté pourrait prendre relativement à la Pologne, et que par conséquent, si je m'explique fortement sur cette question, mon opinion peut ne pas être juste, mais sur aucune question

européenne l'avis que je donnerais comme organe du gouvernement britannique, ne saurait être aux yeux de Votre Majesté plus impartial qu'il ne l'est sur celle-ci.

Je dois même supplier Votre Majesté, lorsqu'elle me trouvera jusqu'à un certain point en opposition à ses vues sur le duché de Varsovie, de ne pas croire que je verrais avec répugnance et même que je ne verrais pas avec satisfaction accroître à Votre Majesté un agrandissement libéral et considérable sur ses frontières polonaises. Mes objections ne portent que sur l'étendue et la forme de cet agrandissement. Votre Majesté peut recevoir un gage très-ample de la reconnaissance de l'Europe, sans exiger de ses alliés et de ses voisins un arrangement incompatible avec leur indépendance politique.

Je pourrais aussi faire appel, s'il était nécessaire, du passé pour me relever ainsi que mon gouvernement du soupçon d'user d'une politique contraire à la manière de voir et aux intérêts de la Russie. Votre Majesté se rappellera que non-seulement nous sortons à peine à l'égard de la Norvége d'une longue carrière de politique pénible, entreprise sur les instances de Votre Majesté à l'effet de vous garantir l'appui de la Suède pendant la guerre, et de vous consolider dans la possession de la Finlande en obtenant pour cette puissance une indemnité proportionnée d'un autre côté. Nos ressources pendant la lutte et nos conquêtes en Danemark ont été fermement dirigées vers ce but et appliquées avec succès, dans des circonstances qui ne laissaient que d'être difficiles, pour un gouvernement comme le nôtre.

Votre Majesté retrouvera le même sentiment amical dans l'aide que nous avons donnée à ses ministres près la Porte ottomane pour arriver à la conclusion de la paix avec la Turquie, qui procure à son empire la concession d'un vaste territoire.

Je pourrais invoquer encore une circonstance plus récente du côté de la Perse où Votre Majesté a daigné plus d'une fois reconnaître que la paix, assurant d'importantes et vastes acquisitions à Votre Majesté, avait été signée, par l'intervention active de l'ambassadeur du roi, conformément aux instructions qu'il avait reçues de notre gouvernement.

Si j'ai mentionné ces diverses transactions, c'est seulement de crainte que Votre Majesté n'interprète mal le motif qui me dirige. Si maintenant, à propos de ce quatrième cas en quelques années de l'agrandissement de la Russie, je me crois forcé par un sentiment de devoir public envers l'Europe et principalement envers Votre Majesté, d'insister pour une modification, non pour une renonciation aux prétentions de Votre Majesté d'étendre votre empire plus à l'ouest (et je me flatte que Votre Majesté ne me croira pas influencé par d'autres motifs que ceux qui sont dignes d'un ministre d'une puissance alliée), je pourrais peut-être réclamer de Votre Majesté quelque crédit si non de l'influence de la

part de mon maître le prince régent, par la manière dont Son Altesse Royale a agi dans d'autres circonstances.

Votre Majesté ne peut pas méconnaître à quel point le sort et l'intérêt futur de l'Europe seront dans toute apparence affectés par l'issue de ce Congrès; et combien le jugement que l'on prononcera sur le caractère de cette grande entreprise, tiennent à l'esprit et à la forme dans laquelle elle sera terminée. Voilà une gloire digne de l'ambition de Votre Majesté !

Je n'hésite pas à exprimer à Votre Majesté que c'est exclusivement l'esprit dans lequel elle traitera ces questions relativement à son propre empire, qui décidera si le présent Congrès doit faire le bonheur du monde, ou présenter seulement une scène de discorde et d'intrigue et une lutte sans frein pour acquérir du pouvoir aux dépens des principes. La position que Votre Majesté occupe aujourd'hui en Europe lui permet de tout faire pour le bonheur général, si elle fonde son intervention sur de justes principes devant lesquels l'Europe s'inclinera. Si Votre Majesté ne faisait aucun cas de l'opinion publique, je ne sais pas en ce moment quel serait son pouvoir, mais j'ai la confiance que Votre Majesté Impériale ne voudrait pas y compter. Seulement dans une supposition aussi calamiteuse, je désespérerais de voir s'établir en Europe un ordre de chose juste et stable et j'aurais le chagrin de voir pour la première fois Votre Majesté considérée comme une cause d'alarme, au lieu de confiance, par ceux-là même qu'elle a délivrés.

J'insisterais avec moins d'empressement sur ces considérations si je n'étais pas persuadé qu'il y a une route par laquelle Votre Majesté pourrait combiner ses intentions bienfaisantes vis-à-vis de ses sujets polonais avec ce que ses alliés et l'Europe demandent. Ils ne désirent pas que les Polonais soient humiliés ou privés d'un système d'administration doux, conciliant et conforme à leurs besoins. Ils ne désirent pas non plus que Votre Majesté prenne des arrangements qui restreindraient son autorité souveraine sur ses propres provinces. Tout ce qu'ils désirent, c'est que pour le maintien de la paix Votre Majesté procède graduellement à l'amélioration du système d'administration de Pologne, et qu'à moins d'être décidé pour le rétablissement entier et l'indépendance complète, vous évitiez une mesure qui, sous un titre plus éminent (roi) répandrait l'alarme en Russie et dans les pays voisins, et qui tout en flattant l'ambition d'un petit nombre d'individus des grandes familles, conférerait dans le fait moins de liberté et de prospérité réelle, qu'un changement plus mesuré et plus modeste dans le système administratif du pays.

Je demanderai la permission de réserver le développement de mes idées à cet égard jusqu'à ce que Votre Majesté en ait considéré le principe général. J'ai la confiance que les choses pourraient être arrangées

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