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vernement de différentes formes oppofées entr'elles? J'ai foutenu moi-même qu'il n'exifte qu'un feul principe de Gouvernement pour toutes les Nations, je veux dire, leur propre Souveraineté; mais il n'eft pas moins certain que fes diverfes manières de déléguer les Pouvoirs, donnent uxa Gouvernemeus de chaque Nation des formes différentes, dont l'unité, dont l'ensemble conftituent toute la force; dont l'oppofition, au contraire, & la févérité, font naître dans un Etat des fources éternelles de divifion, jusqu'à ce que la forme dominanze ait renverfé toutes les autres; & de la naiffent, indépendamment du defpotifme, tous les boulverfemens des Empires.

Rome ne fut détruite que par ce mélange de formes royales, ariftocratiques & démocratiques. Les orages qui ont fi fouvent agité plufieurs Etats de l'Europe n'ont point d'autre caufe. Les hommes tiennent à la diftribution des Pouvoirs; les Pouvoirs font exercés par des hommes; les hommes abufent d'une autorité qui n'eft pas fuffifamment arrêtée, en franchiffant les limites. C'eft ainfi que le Gouvernement monarchique fe change en defpotifme; & voilà pourquoi nous avons befoin de prendre tant de précautions. Mais c'eft encore ainfi que le Gouvernement repréfentatif devient oligarchique, felon que deux Pouvoirs, faits pour fe balancer, l'emportent l'un fur l'autre, & s'envahiffent au lieu de fe contenir.

Or, Meffieurs, excepté le feul cas d'une République proprement dite, ou d'une grande confédération, ou d'une Monarchie dont le Chef eft réduit à une vaine représentation, qu'on me cite un feul Peuple qui ait exclufivement attribué l'exercice de la guerre & de la paix à un Sénat. Il prouvera très-bien, dans la théorie, que le Pouvoir exécutif confervera toute fa force, fi tous les préparatifs, toute la direction, toute l'action appartiennent, au Roi, & fi le Corps législatif se borne à dire. Je veux

nement de différentes formes oppofées entre elles? J'ai foutenu moi-même qu'il n'exifte qu'un feul principe de gouvernement pour toutes les nations, je veux dire, leur propre fouveraineté; mais il n'eft pas moins certain que les diverfes manières de déléguer les pouvoirs, donnent aux. guvernemens de chaque nation des formes différentes, dont l'unité, dont l'ensemble conftituent toute la force, dont l'oppofition au contraire fait naître, dans un état, des fources éternelles de divifion, jufqu'à ce que la forme. dominante ait renverfé toutes les autres; & de là naiflent, indépendamment du defpotifme, tous les foulevemens des Empires.

Rome ne fut détruite que par ce mélange de formes royales, ariftocratiques & démocratiques. Les orages qui ont fi fouvent agité plufieurs états de l'Europe n'ont pas d'autre caufe. Les hommes tiennent à la diftribution des pouvoirs, les pouvoirs font exercés par des hommes, les hommes abufant d'une autorité qui n'eft pas fuffisamment arrêtée, en franchiffant les limites. C'eft ainfi que le Gouvernement monarchique fe change en defpotifme; & voilà pourquoi nous avons befoin de prendre tant de précautions. Mais c'eft encore ainfi que le gouvernement repréfentatif devient oligarchique, felon que deux pouvoirs, faits pour fe balancer, l'emportent l'un fur l'autre, & s'envahillent, au lieu de fe contenir.

Or, Meffieurs, excepté le feul cas d'une République proprement dite, ou d'une grande confédération fans un chef unique, ou d'une Monarchie dont le chef eft réduit à une vaine représentation, qu'on me cite un feul peuple qui ait exclufivement attribué l'exercice de la guerre & de la paix à un Sénat. On prouvera très-bien, dans la théorie , que le Pouvoir exécutif confervera toute fa force, fi tous les préparatifs, toute la direction, toute l'action appartiennent au Roi, & fi le Corps légiflatif a feul le droit exclufif de dire: Je veux la guerre ou la

la

guerre ou la paix (1); mais montrez-moi comment le Corps repréfentatif, tenant de fi près à l'action du Pouvoir exécutif, ne franchira pas les limites prefqu'infenfibles qui les fépareront? Je le fais; la féparation exifte encore: l'action n'eft pas la volonté mais cette ligne de démarcation eft bien plus facile à démontrer qu'à conferver, & n-eft-ce pas s'expofer à confondre les Pouvoirs, ou plutôt n'eft-ce pas déja les confondre en véritable pratique fociale, que de les rapprocher de fi près ?

Si j'examine les inconvéniens de l'attribution exclufive au Corps législatif, par rapport à nous-mêmes, c'est-àdire, par rapport aux obftacles que les ennemis du bien public n'ont ceffé de vous oppofer dans votre carrière que de nouveaux contradicteurs n'allez-vous pas exciter parmi ces Citoyens qui ont efpéré de pouvoir concilier toute l'énergie de la liberté avec la prérogative royale? Je ne parle que de ceux-là, non des flatteurs, non des courtifans, de ces hommes avilis qui préfèrent le defpotifme à la liberté, non de ceux qui ont ofé foutenir dans cette tribune que nous n'avions pas eu le droit de changer la Conftitution de l'Etat, ou que l'exercice du droit de la paix & de la guerre eft indivifible de la Royauté, ou que le Confeil, fi fouvent corrompu, dont s'entourent les Rois, est un plus fidèle organe de l'intérêt public que les Repréfentans choifis par le Peuple. Ce n'eft point de ces contradicteurs, ni de leurs impiétés, ni de leurs impuissans efforts, que je veux parler; mais

paix (1); mais montrez-moi comment le Corps repréfentatif, tenant de fi près à l'action du Pouvoir exécutif, ne franchira pas les limites prefqu'infenfibles qui les fépareront? Je le fais: la féparation exifte encore; l'action n'eft pas la volonté mais cette ligne de démarcation eft bien plus facile à démontrer qu'à conferver; & n'eft→ ce pas s'expofer à confondre les Pouvoirs, ou plutôt n'eft-ce pas déja les confondre en véritable pratique fo ciale, que de les rapprocher de fi près ? N'est-ce pas d'ailleurs nous écarter des principes que notre Conftitution déja confacrés (1).

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Si j'examine les inconvéniens de l'attribution exclu❤ five au Corps légiflatif, par rapport aux obftacles que les ennemis du bien public n'ont ceffé de vous oppofer dans votre carrière , que de nouveaux contradicteurs n'allez-vous pas exciter parmi ces Citoyens qui ont ef péré de pouvoir concilier toute l'énergie de la liberté avec la prérogative royale? Je ne parle que de ceux-là, non des flatteurs, non des courtifans, de ces hommes. avilis qui préfèrent le defpotifme à la liberté; non de ceux qui ont ofé foutenir dans cette tribune que nous n'avions pas eu le droit de changer la Conftitution de l'Etat, ou que l'exercice du droit de la paix & de la guerre eft indivisible de la Royauté; ou que le Confeil,

fouvent corrompu, dont s'entourent les Rois, eft un plus fidèle organe de l'intérêt public que les Repréfentans choifis par le Peuple. Ce n'eft point de ces blafphémateurs, ni de leurs impiétés, ni de leurs impuiffans efforts,

(1) Nouvelle preuve du changement de fyftême. Dans le premier Difcours, M. de Mirabeau refufe au Corps législatif la fimple faculté de dire. Je veux la guerre ou la paix ; dans le nouveau Difcours, il lui refuse seulement le droit exclusif de dire, je veux la guerre ou la paix, Dans le fecond Difcours, il s'appuie fur les principes déja confacrés de la Constitution. Dans le premier i! paroiffoit convenir que la théorie pure étoit contre lui.

de ces hommes qui, faits pour être libres, redoutent cependant les commotions du Gouvernement populaire; de ces hommes qui, après avoir regardé la permanence d'une Affemblée Nationale comme la feule barrière du defpotifme, regardent auffi la Royauté comme une utile barrière contre l'ariftocratie.

Enfin, par rapport au Roi, par rapport à fes fucceffeurs, quel fera l'effet inévitable d'une loi qui concentreroit dans le Corps légiflatif le droit de faire la paix ou la guerre ? Pour les Rois foibles, la privation de l'autorité ne fera qu'une caufe de découragement & d'inertie; mais la dignité Royale n'eft-elle donc plus au nombre des propriétés nationales? Un Roi, environné de perfides confeils, ne fe voyant plus l'égal des autres Rois, fe croira détrôné; il n'aura rien perdu, car le droit de faire les préparatifs de la guerre eft le véritable exercice du droit de la guerre (1): mais on lui perfuadera le contraire, & les chofes n'ont de prix, & jufqu'à un certain point de réalité, que dans l'opinion. Un Rot jufte croira du moins que le trône eft environné d'écueils, & tous les refforts de la force publique fe relâcheront : un Roi ambitieux, mécontent du lot que la Conftiturion lui aura donné, fera l'ennemi de cette Conftitution dont il doit être le garant & le gardien.

(1) Ici, comme fur les hoftilités, M. de Mirabeau cherchoi à perfuader que le droit de faire des préparatifs (qui, comme on le fait, ne peuvent excéder la maffe de force qui a été déterminée par la légiflature) étoit le véritable exercice du droit de faire la guerre & la paix, afin que l'Affemblée se déterminât fans répugnance à donner, foit à la Majefté royale, foit au defir d'attacher le Monarque à la Conftitution, un droit que. par la nature des chofes, il ne pouvoit, difoit-il, manquer d'exercér, Le retranchement de cette phrale, dans le nouveau Difcours, & l'addition du mot exclufivement, quelques lignes plus haut, font donc encore des moyens employés par M. de Mirabeau pour déguiser fon premier fyftême.

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