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DISCOURS PRONONCÉ A L'ASSEMBLÉE.

Le Roi, dit-on, pourra donc faire des guerres injuftes, des guerres anti-nationales; & comment le pourroit-il, je vous le demande à vous-mêmes? Eft-ce de bonne-foi qu'on diffimule l'influence du Corps légiflatif, toujours préfent, toujours furveillant, qui pourra non-feulement refufer des fonds, mais improuver la guerre, mais requérir la négociation de la paix? Ne comptez-vous encore pour rien l'influence d'une Nation organifée dans toutes fes parties, qui exercera conftamment le droit de la pétition dans des formes légales? Un Roi defpote feroit arrêté dans fes projets: un Roi Citoyen, un Roi placé au milieu d'un peuple armé, ne le fera-t-il pas ?

On demande: qui veillera pour le Royaume, lorfque le Pouvoir exécutif déploiera toutes fes forces? Je réponds, la Loi, la Conftitution, l'équilibre toujours maintenu de la force intérieure avec la force extérieure.

On dit que nous ne fommes pas encadrés pour la liberté comme l'Angleterre; mais auffi nous avons de plus grands moyens de conferver la liberté, & je propofe de plus grandes précautions.

Notre Conftitution n'eft point encore affermie; on peut nous fufciter une guerre pour avoir le prétexte de déployer une grande force & de la tourner bientôt contre nous. Eh bien! ne négligeons pas ces craintes; mais diftinguons le moment préfent, des effets durables d'une Conftitution, & ne rendez pas éternelles les difpofitions provifoires que la circonftance extraordinaire d'une grande convention nationale pourra vous fuggérer: mais fi vous portez la défiance du moment, dans l'avenir, prenez garde qu'à force d'exagérer les craintes, nous ne rendions les préfervatifs pires que les maux; & qu'au lieu d'unir les Citoyens par la liberté, nous ne les divifions en deux partis, tou

Le Roi, dit-on, pourra donc faire des guerres injustes, des guerres anti- nationales. Mais une telle objection ne fauroit s'adreffer à moi, qui ne veut accorder au Roi qu'un fimple concours dans l'exercice du Droit de la guerre; & comment, dans mon fyftême, pourroit-il y avoir des guerres anti-nationales? anti-nationales? je vous le demande à vous-mêmes, eft-ce de bonne-foi qu'on diffimule l'influence d'un Corps législatif toujours préfent, toujours furveillant, qui pourra non-feulement refufer des fonds mais approuver ou improuver la guerre, mais requérir la négociation de la paix? Ne comptez-vous encore pour rien l'influence d'une Nation organifée dans toutes fes parties, qui exercera conftamment le droit de pétition dans des formes légales? Un Roi defpote feroit arrêté dans fes projets : un Roi citoyen, un Roi placé au milieu d'un peuple armé, ne le fera-t-il pas ?

On demande qui veillera pour le Royaume, lorfque le Pouvoir exécutif déploiera toutes fes forces? Je réponds: la Loi, la Conftitution, l'équilibre toujours maintenu de la force intérieure avec la force extérieure.

On dit que nous ne fommes pas encadrés pour la liberté comme l'Angleterre; mais auffi, nous avons de plus grands moyens de conferver la liberté, & je propofe de plus grandes précautions.

Notre Conftitution n'eft point encore affermie; on peut nous fufciter une guerre, pour avoir le prétexte de déployer une grande force, & de la tourner bientôt contre nous eh bien! ne négligeons pas ces craintes ; mais diftinguons le moment préfent des effets durables d'une Conftitution, & ne rendons pas éternelles les difpofitions provifoires que la circonftance extraordinaire d'une grande convention nationale pourra nous fuggérer; mais vous portez les défiances du moment dans l'avenir, prenez garde qu'à force d'exagérer les craintes, nous ne rendions les préfervatifs pires que les maux; & qu'au lieu d'unir les Citoyens par la liberté, nous ne les divifions

jours prêts à confpirer l'un contre l'autre. Si à chaque pas on nous menace de la réfurrection du defpotifme écrafé; fi l'on nous oppofe fans ceffe les dangers d'une très-petite partie de la force publique, malgré plufieurs millions d'hommes armés pour la Conftitution, quel autre moyen nous refte-t-il, périffons dans ce moment! Qu'on ébranle les voûtes de ce temple, & mourons aujourd'hui libres, fi nous devons être efclaves demain.

Il faut, continue-t-on, reftreindre l'ufage de la force publique dans les mains du Roi; je le penfe comme vous, & nous ne différons que dans les moyens : mais prenez garde encore qu'en voulant la reftreindre, vous ne l'empêchiez d'agir, & qu'elle ne devienne nulle dans fes mains.

Mais, dans la rigueur des principes, la guerre peut-elle (1) jamais commencer fans que la Nation ait décidé fi lá guerre doit être faite?

Je réponds: l'intérêt de la Nation eft que toute hoftilité foit repouffée par celui qui a la direction de la force publique: voilà la guerre commencée (1). L'intérêt de la Nation eft que les préparatifs de guerre des Nations voifines foient balancés par les nôtres : voilà la guerre (1). Nulle délibération ne peut précéder ces évènemens, ces préparatifs. C'eft lorfque l'hoftilité ou la néceffité de la défenfe, de la voie des armes, ce qui comprend tous les cas, fera notifiée au Corps légiflatif, qu'il prendra les mesures que j'indique; il improuvera, requerra de négocier la paix: il accordera ou refufera les fonds de la guerre; il poursuivra les Miniftres; il dif pofera de la force intérieure ; il confirmera la paix, ou refufera de la fanctionner.

Je ne connois que ce moyen de faire concourir ati

entte deux partis toujours prêts à confpirer l'un contre l'autre. Si, à chaque pas, on nous menace de la réfurrection du defpotifme écrafé; fi l'on nous oppofe fans ceffe les dangers d'une très-petite partie de la force publique', malgré plufieurs millions d'hommes armés pour la Conftitution, quel autre moyen nous refte-t-il? Périffons dans ce moment; qu'on ébranle les voûtes de ce Temple; & mourons aujourd'hui libres, fi nous devons être ef claves demain.

Il faut, continue-t-on, reftreindre l'ufage de la force publique dans les mains du Roi je le penfe comme vous, & nous ne différons que dans les moyens. Prenez garde qu'en voulant la reftreindre, vous ne l'empêchicz d'agir.

Mais, dans la rigueur du principe, l'état de guerre (1) peut-il jamais commencer fans que la Nation ait décidé fi la guerre peut être faire?

Je réponds: l'intérêt de la Nation eft que toute hof-tilité foit repouffée par celui qui a la direction de la force publique : voilà ce que j'entends par un état de guerre (1). L'intérêt de la Nation eft que les préparatifs de guerre des Nations voifines foient balancés par les nôtres: voilà, fous un autre rapport, un état de guerre (1). Nulle délibération ne peut précéder ces évènemens, ces préparatifs. C'eft lorfque l'hoftilité, ou la néceffité de la défenfe, de la voie des armes, ce qui comprénd tous les cas, fera, notifiée au Corps légiflatif, qu'il prendra les mefures que j'indique : il approuvera ou improuvera ; il requerra de négocier la paix; il confirmera le Traité de paix, ou refufera de le ratifier.

Je ne connois que ce moyen de faire concourir utile

(1) Ici l'on voit clairement comment M. de Mirabeau, confondant la guerre avec les hoftilités, même avec les préparatifs, arcit fu, par un abus de mots, la mettre entièrement dans la volonté du Pouvoir exécutif.

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lement le Corps légiflatif à l'exercice du droit de la paix & de la guerre; c'est-à-dire, à un pouvoir mixte, qui tient tout-à-la-fois de l'action & de la volonté.

Les préparatifs mêmes, dites-vous encore, qui feront laiffés dans la main du Roi, ne feront-ils pas dangereux? Sans doute ils le feront; mais ces dangers font inévitables dans tous les fyftêmes. Il est bien évident que pour concentrer utilement dans le Corps légiflatif l'exercice du droit de la guerre, il faudroit lui laiffer auffi le foin d'en ordonner les préparatifs. Mais le pouvez-vous fans changer la forme du Gouvernement? & fi le Roi doit être chargé des préparatifs, s'il eft forcé par la nature, par l'étendue de nos poffeffions, de les difpofer à une grande diftance, ne faut-il pas lui laiffer auffi la plus grande latitude dans les moyens? Borner les préparatifs, ne feroit-ce pas les détruire ? Or, je demande fi, lorfque les préparatifs exiftent, le commencement de la guerre dépend de nous, ou du hafard, ou de l'ennemi? Je demande fi fouvent plufieurs combats n'auront pas été formés, avant que le Roi ne foit inftruit, avant que la notification puiffe en être faite à la Nation?

Mais ne pourroit-on pas faire concourir le Corps législatif à tous les préparatifs de guerre, pour en diminuer le danger? Ne pourroit-on pas les faire furveiller par un Comité pris dans l'Affemblée Nationale: prenez garde, par cela feul, nous confondrions tous les pouvoirs, en confondant l'action avec la volonté, la direction avec la loi; bientôt le Pouvoir exécutif ne fera que l'agent d'un Comité; nous ne ferions pas feulement les loix, nous gouvernerions; car, quelles feront les bornes de ce concours, de cette furveillance? C'eft en vain que vous voudrez en affigner: malgré votre prévoyance, elles feront toutes violées.

Prenez garde encore: ne craignez-vous pas de paralyfer le Pouvoir exécutif par ce concours de moyens? Lorfqu'il s'agit de l'exécution, ce qui doit être fait par plufieurs per

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