Page images
PDF
EPUB

touchant à ces ventes, on troubleroit de nouvelles familles, on causeroit de nouveaux bouleversements. Il faut donc employer, pour guérir cette plaie, les remèdes doux qui viennent du temps; il faut qu'un esprit de paix préside aux mesures que l'on pourra prendre Le désintéressement et l'honneur sont les deux vertus des François avec un tel fonds on peut tout espérer. On dit que le projet du roi est de donner chaque année une somme sur la liste civile pour secourir les propriétaires et favoriser les arrangements mutuels. Le roi est la gloire et le salut de la France.

CHAPITRE VII.

Singulière méprise sur l'émigration.

En examinant de plus près l'opinion des écrivains opposants, on s'aperçoit qu'ils sont tombés dans une singulière méprise, soit qu'ils l'aient fait à dessein, soit qu'ils aient erré de bonne foi. Ne sembleroit-il pas, à les entendre, que l'émigration entière vient de rentrer avec le roi ? Ignore-t-on que presque tous les émigrés sont revenus en France, il y a déjà quatorze ou quinze ans ; que les enfants de ces émigrés, soit volontairement, soit de force, les uns atteints par la conscription, les autres enlevés pour les écoles militaires; ceuxci pressés par le défaut absolu de fortune, ceux-là obligés de servir pour soustraire leur famille à la persécution; que les enfants de ces émigrés, disons

nous, ont pris des places sous Buonaparte? il a loué lui-même leur courage, leur désintéressement, et leur fidélité à leur parole quand une fois ils l'ont donnée; beaucoup d'entre eux ont reçu des blessures sous ses drapeaux : des chefs de chouans, des Vendéens ont défendu leur patrie contre les ennemis. On comptoit dans nos armées les premiers gentilshommes de nos provinces, et les descendants de nos familles les plus illustres. Représentants de l'ancienne gloire de la France, ils assistoient, pour ainsi dire, à sa gloire nouvelle. Dans cette noble fraternité d'armes, ils oublioient nos discordes civiles, et en servant leur patrie, ils apprenoient à servir un jour leur roi. Ces hommes qui auroient pu regretter le rang et la fortune de leurs aïeux, ces rejetons des connétables et des maréchaux de France qui portoient le sac du soldat, nous menaceroient-ils de la résurrection de tous les préjugés ? Ils ont du moins appris que, dans le métier des armes, tout soldat est noble, et que le grenadier a ses titres de gentilhomme écrits sur le papier de sa cartouche.

C'est donc en vain que la malveillance cherche à créer des distinctions et des partis : il n'y en a point; il n'y en peut pas avoir. Si Louis XVIII ne vouloit remplir les places que d'hommes tout-à-fait étrangers à la révolution, qui seroit pur à ses yeux ? Mais le roi, et ses preuves sont faites, est aussi impartial qu'il est éclairé; il ne sépare point ceux qui ont servi le roi de ceux qui ont servi la patrie. Ne dénaturons point les faits pour soulager notre

humeur; ne prêtons point au prince des sentiments qui ne sont pas les siens, et ne cherchons point à créer des partis, en prétendant en trouver là où il n'en existe pas.

CHAPITRE VIII.

Des derniers émigrés.

Ainsi, tout le raisonnement des pamphlets contre les émigrés, sophistique par la forme, n'est point solide par le fond: il porte sur une base fausse; car la grande, la véritable émigration est depuis long-temps rentrée en France. Elle a pris des intérêts communs avec le reste des François par des alliances, des places, des liens de reconnoissance, et des habitudes de société. Tout se réduit donc à cette petite troupe de proscrits que Louis XVIII ramena à sa suite. Voudriez-vous que, dans son exil, le roi n'eût pas conservé un ami? C'est ce qui arrive assez souvent aux princes malheureux. Vous êtes donc effrayés de quelques vieillards qui viennent, tout chargés d'ans et dépouillés par tant de sacrifices, se réchauffer un moment au soleil de la patrie? Nous avons déjà parlé de leur détresse; faudroit-il, pour mieux vous tranquilliser, qu'ils fussent encore durement rejetés par leur roi? « Compagnons vieillis avec moi dans la terre étran«gère, leur diroit le monarque, me voilà revenu <«< dans mon palais; j'ai retrouvé mon peuple, mon « bonheur, la gloire de mes aïeux : vous, vous avez

<< tout perdu pour moi; vos biens sont vendus, les «< cendres de vos pères dispersées : adieu, je ne « vous connois plus. » Et où iront-ils, ces compagnons du malheur du roi, ceux qui ont dormi dans l'exil, la tête appuyée sur les fleurs de lis presque effacées par le sang et les larmes; ceux qui se consoloient, en entourant de leurs respects et de leurs communes misères le roi de l'adversité? Ne permettez-vous point que Louis XVIII leur prête un coin de son manteau? Voulez-vous qu'il prenne un air sévère quand il les voit, qu'il ne leur adresse jamais une de ces paroles qui paient en France tous les services? Vous le voulez indulgent, miséricordieux, et vous exigez qu'il soit ingrat? Admirons nos rois d'avoir été aimés dans le malheur, et d'aimer dans la prospérité.

CHAPITRE IX.

S'il est vrai qu'on soit plus inquiet aujourd'hui qu'on ne l'étoit au moment de la restauration.

« Au retour des Bourbons, dit-on encore, la joie <<< fut universelle; il n'y eut qu'une opinion, qu'un << sentiment les anciens républicains, particuliè«rement opprimés, applaudirent franchement à la << restauration. Aujourd'hui les partis renaissent, << cette heureuse confiance est ébranlée, etc. » Nous avons été aussi témoin des premiers moments de la restauration, et nous avons observé précisément le contraire de ce que l'on avance ici. Sans doute

il y eut du bonheur, de la joie à l'arrivée des Bourbons, mais il s'y méloit beaucoup d'inquiétude. Les anciens républicains étoient bien loin surtout d'être si satisfaits, d'applaudir avec tant de cordialité. Plusieurs d'entre eux songeoient à se retirer, et avoient tout préparé pour la fuite. Et en quoi avoient-ils été PARTICULIÈREMENT opprimés sous Buonaparte? Ils jouissoient d'une grande fortune; ils occupoient les premières places de l'État. Quoi! c'étoient les Bourboniens, les royalistes qui jouissoient de la faveur sous la tyrannie? On croit

rêver.

La vérité est que la confiance ne fut point entière au premier moment du retour du roi : beaucoup de gens étoient alarmés, les provinces même agitées, incertaines, divisées; l'armée ne savoit si on lui compteroit ses souffrances et ses victoires; on craignoit les fers, on redoutoit les vengeances.

Mais peu à peu le caractère du roi étant mieux connu, les frayeurs se calmèrent; on vit luire l'aurore d'une paix et l'espérance d'un bonheur sur lesquels on ne comptoit presque plus. Rassurés sur les opinions qu'on avoit eues, sur les votes que l'on avoit émis, tous les partis placèrent dans le monarque une juste confiance.

Depuis ce temps le roi n'a cessé de prendre de nouvelles forces, et la France de marcher vers la prospérité. Chaque jour le très petit nombre d'opposants diminue; les contes absurdes, les terreurs populaires, s'évanouissent, le commerce renaît; les manufactures refleurissent; les impôts se paient;

« PreviousContinue »