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CHAPITRE X.

Actes du second ministère, et sa chute.

Les actes émanés d'un ministère aussi divisé ne pouvoient être que contradictoires; quelques-uns sont excellents, quelques autres sont déplorables, et laisseront dans nos institutions les traces les plus désastreuses. La justice oblige de reconnoître que si les ministres actuels se sont trouvés enveloppés dans des difficultés inextricables, la plupart de ces difficultés sont nées des ordonnances rendues sous leurs prédécesseurs.

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Un seul exemple suffira pour montrer à quel point le second ministère se trompa dans les choses les plus importantes. Au moment où il saisit les rênes de l'État, il eût dû purger le sol de la France, traduire devant les tribunaux les grands criminels, comprendre dans une autre catégorie ceux qui devoient s'éloigner, et publier une amnistie pleine et entière pour le reste ainsi les coupables eussent été punis, les foibles rassurés. Au lieu de prendre une mesure si clairement indiquée, on laissa planer des craintes sur la tête de tous les François. Appelées, long-temps après le délit, à prendre connoissance de ce délit, les Chambres ont été forcées d'agiter des questions qui remuent trop de passions et réveillent trop de souvenirs. Les jugements partiels et sans termes se sont prolongés jusqu'au moment où j'écris; et comme tel prévenu a été absous, et tel autre condamné en apparence

pour le même crime, il en est résulté que l'indulgence et la rigueur ont eu l'air de s'accuser mutuellement d'injustice.

L'humeur augmentoit: les ministres désunis commençoient à chercher des appuis dans les opinions opposées que chaque parti du ministère auroit voulu voir triompher. L'affaire du Muséum accrut le mécontentement public. La divulgation de deux fameux rapports déroula tout ce plan révolutionnaire que j'ai expliqué, et qu'on essaya de faire adopter avant l'entrée du roi à Paris. Mais ces rapports ne pouvoient plus rien changer à l'état des choses; le temps des craintes chimériques étoit passé : les rapports n'étoient plus que l'expression du désespoir d'une cause perdue et d'une ambition trompée. Du reste, médiocres en tout, ils étoient erronés dans les faits, vagues dans les vues, et décousus dans les moyens.

Tant de contradictions, de tâtonnements, de faux systèmes, hâtèrent la catastrophe que tout le monde prévoyoit. La session alloit s'ouvrir : l'ombre des Chambres suffit pour faire disparoître un ministère trop exposé à la franchise de la tribune. Quand les ministres furent tombés, on en trouva d'autres, bien qu'on eût assuré qu'il n'y en avoit plus.

CHAPITRE XI.

Du troisième ministère. Ses actes. Projets de loi.

Les nouveaux ministres entrèrent en pouvoir au moment même de l'ouverture de la session. Les projets de loi qu'ils présentèrent à la Chambre des députés étoient urgents et nécessaires : ils furent tous adoptés, quoique avec des améliorations considérables.

Ainsi, cette Chambre dont le ministère ne tarda pas à faire de si grandes plaintes, n'a jamais commis une faute ni contre le roi, qu'elle aime avec idolâtrie, ni contre le peuple, dont elle devoit défendre les droits. Par les lois sur la suspension de la liberté individuelle, sur les cris séditieux, sur les cours prevôtales, sur l'amnistie, elle s'est empressée d'armer la couronne de tous les pouvoirs, en amendant le projet de loi d'élections, et en faisant, contre ses propres intérêts comme Chambre, un meilleur budget, elle a maintenu les intérêts du peuple.

Si le ministère avoit consenti, pour son repos comme pour celui de la France, à suivre le principe constitutionnel, à marcher avec la majorité, jamais travaux politiques plus importants et plus brillants à la fois n'auroient consolé un peuple après tant de folies et d'erreurs.

Les projets de loi des ministres furent de grands actes d'administration: mieux dirigés, ils auroient passé sans difficulté.

MÉLANGES POLITIQUES. T. 1.

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Les propositions des Chambres1 furent de leur côté matière à grandes lois; accueillies par le ministère, elles se fussent perfectionnées.

De faux systèmes dérangèrent tout; et ce qui devoit être un point d'union devint un champ de bataille.

Entrons donc dans l'examen de ces systèmes qui ont déjà perdu la France au 20 mars, qui nous font et nous feront encore tant de mal.

CHAPITRE XII.

Quels hommes ont embrassé les systèmes que l'on va combattre, et s'il importe de les distinguer.

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y a des administrateurs qui ont embrassé les systèmes en vigueur depuis la restauration, voyant très bien le but caché, désirant très vivement la conséquence de ces systèmes.

Il y a des hommes d'État qui y sont tombés faute de lumières et de jugement; d'autres s'y sont précipités en haine de tels ou tels hommes; d'autres y tiennent par orgueil, passion, caractère, entêtement, humeur.

Il est clair que ces systèmes ont leurs dupes et leurs fripons, comme toute opinion dans ce monde; mais puisque dupes et fripons nous conduisent

J'étois entré dans de longs détails relatifs aux propositions des Chambres et aux projets des ministres; mais je les ai supprimés depuis la publication de l'Histoire de la Session de 1815, par M. FIVÉE. Cet important sujet est supérieurement traité dans la troisième partie de son ouvrage. Je ne pourrois rien y ajouter.

également à l'abîme, peu nous importe les motifs divers qui les ont déterminés à suivre le même chemin.

Fairfax s'étoit laissé entraîner par la faction parlementaire; il s'aperçut trop tard qu'il avoit été trompé. Il voulut trop tard arracher le roi à ses bourreaux. Le jour de l'exécution de Charles Io, il se mit en prière avec Harrison pour demander des conseils à Dieu. Harrison savoit que le coup alloit être porté; il prolongeoit exprès la fatale oraison, afin d'ôter au général le temps de sauver le monarque. On apporte la nouvelle : « Le ciel l'a « voulu!» s'écrie Harrison en se levant. Fairfax fut consterné, mais le roi étoit mort.

Sans donc nous occuper des hommes, ne parlons que des systèmes. Si je parviens à en prouver la fausseté, à montrer l'écueil aux pilotes chargés de nous conduire, je croirai avoir rendu un grand service à la France; convaincu, comme je le suis, que si l'on continue à suivre la route où nous sommes engagés, on mènera la monarchie légitime au naufrage.

CHAPITRE XIII.

Système capital, fondement de tous les autres systèmes
suivis par l'administration.

Le grand système d'après lequel on administre depuis la restauration, le système qui est la base de tous les autres, celui d'où sont nées ces hérésies Il n'y a point de royalistes en France; la

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