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Chambre des députés n'est point dans le sens de l'opinion générale; il ne faut point suivre la majorité de cette Chambre; il ne faut point d'épurations ; les royalistes sont incapables; etc., etc.; ce système, qu'on ne peut soutenir qu'en niant l'évidence des faits, qu'en calomniant les choses et les hommes, qu'en renonçant aux lumières du bon sens, qu'en abandonnant un chemin droit et sûr, pour prendre une voie tortueuse et remplie de précipices; ce système enfin est celui-ci IL FAUT GOUVERNER LA FRANCE DANS LE SENS DES INTÉRÊTS RÉVOLUTIONNAIRES.

Cette phrase, bien digne des révolutionnaires par sa barbarie, renferme l'instruction entière d'un ministre. Tout homme qui ne la comprend pas est déclaré incapable de s'élever à la hauteur de l'administration. Il ne vaut pas la peine qu'on daigne lui expliquer les secrets des têtes fortes, des esprits positifs et des génies spéciaux1.

CHAPITRE XIV

Qu'avec ce système on explique toute la marche
de l'administration.

Servez-vous de ce système comme d'un fil, et vous pénètrerez dans tous les replis de l'administration; vous découvrirez la raison de ce qui vous a paru le plus inconcevable; vous trouverez la

Jargon d'une petite coterie politique bien connue à Paris. Cette note est pour la province et pour l'étranger.

cause efficiente des déterminations ministérielles : je le prouve.

Il n'y a que deux espèces d'hommes qui peuvent gouverner dans le sens des intérêts révolutionnaires ceux qui sont eux-mêmes engagés fortement dans ces intérêts; ceux qui, sans les partager, sont néanmoins convaincus que la majorité de la France est révolutionnaire.

Que les premiers administrent au profit de la révolution, cela est tout naturel; que les seconds, par d'autres motifs, s'attachent au même système, c'est tout naturel encore; car étant faussement persuadés, mais enfin étant persuadés, que toute résistance à l'ordre de choses révolutionnaire est inutile; que cette résistance amèneroit des crises et des bouleversements, ils doivent gouverner selon l'opinion qu'ils croient dominante et insurmontable.

Cela posé, il faut favoriser de toutes parts les hommes et les choses de la révolution, parce qu'on les regarde comme seuls puissants, seuls à craindre; tandis que, par une conséquence contraire, on doit écarter les hommes et les choses qui ne tien nent pas à cette révolution, parce qu'ils ne sont ni puissants ni à craindre.

Or, n'est-ce pas ce qu'on a toujours fait depuis la restauration? Partez donc du système des intérêts révolutionnaires, et toute l'administration est expliquée.

Cette administration a-t-elle sauvé, a-t-elle perdu, perdra-t-elle la France? voilà la question.

Si elle sauve la France, le système est vrai il faut le suivre.

Si elle a déjà perdu, si elle doit perdre encore la France, le système est faux: qu'on se hâte de l'abandonner.

Et moi je soutiens que le système des intérêts révolutionnaires nous a précipités, et nous précipitera encore dans un abîme d'où nous ne sortirons plus.

Je dis qu'il est inconcevable que des ministres attachés à la couronne retombent dans les fautes qui ont produit la leçon du 20 mars.

Je dis que je ne saurois comprendre comment ces ministres sacrifient la France pour gagner des gens qu'on ne gagnera jamais; comment ils en sont encore à ce pitoyable système de fusion et d'amalgame que Buonaparte lui-même n'a pu exécuter avec un bras de fer et six cent mille hommes; comment ils croient avoir trouvé un moyen de salut, quand ils n'emploient qu'un moyen de destruction.

Je ferai toucher au doigt et à l'œil les conséquences terribles du système des intérêts révolutionnaires, pris pour base de l'administration; mais il faut d'abord l'attaquer dans son principe, ainsi que les autres systèmes dérivés de ce système capital.

CHAPITRE XV.

Erreur de ceux qui soutiennent le système des intérêts
révolutionnaires.

Voici l'erreur de ceux qui veulent gouverner de bonne foi dans le sens des intérêts révolutionnaires : ils confondent les intérêts matériels révolutionnaires et les intérêts moraux de la même espèce. Protégez les premiers; poursuivez, détruisez, anéantissez les seconds.

J'entends par les intérêts matériels révolutionnaires, la possession des biens nationaux, les droits politiques développés par la révolution, et consacrés par la Charte.

J'entends par les intérêts moraux, ou plutôt immoraux de la révolution, l'établissement des doctrines anti-religieuses et anti-sociales, la doctrine du gouvernement de fait, en un mot, tout ce qui tend à ériger en dogme, à faire regarder comme indifférents, ou même comme légitimes, le manque de foi, le vol et l'injustice.

CHAPITRE XVI.

Ce qu'il faut faire en admettant la distinction notée au précédent chapitre.

Ainsi, punissez quiconque se porteroit à des. voies de fait contre les acquéreurs de biens nationaux; veillez à la conservation de tous les avantages que la constitution accorde aux diverses classes de citoyens cette part faite aux intérêts

révolutionnaires, c'est une erreur déplorable au tant qu'odieuse de se croire obligé de soutenir toutes les opinions impies et sacriléges nées de la fange de la révolution : c'est prendre pour des intérêts réels des principes destructeurs de toute société humaine.

CHAPITRE XVII.

Exemple à l'appui de ce qu'on vient de dire.

Faut-il, par exemple, parce qu'on a vendu des biens qui ne nous appartenoient pas, que la Charte a reconnu cette vente (pour ne pas amener de nouveaux troubles), faut-il déclarer qu'il est légal de garder ceux qui ne sont pas encore aliénés ? Une injustice commise devient-elle un droit pour commettre une autre injustice? Craindroit-on, en rendant ce qui reste des domaines de l'Église, d'avouer qu'on a eu tort de vendre ce qui ne reste plus, et ce qu'on ne redemande pas ? Cet aveu ne doit-il jamais être fait ?

Singulière doctrine de ces hommes qui prétendent aimer la liberté! Ne diroit-on pas que les droits consacrés par la Charte n'ont été établis qu'au profit de ceux qui ont tout, contre ceux qui n'ont rien? L'inviolabilité des propriétés que l'on invoque pour la France nouvelle n'existe point pour l'ancienne France : la peine de la confiscation n'est plus connue pour crime de lèse-majesté; mais elle continue de l'être pour crime de fidélité. Malheur à la nation dont la loi, comme la règle de plomb de certains architectes de la Grèce, se

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