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seulement nécessaire alors pour purger les hypothèques; elle l'était encore pour déposséder le vendeur et investir l'acquéreur de la propriété de l'immeuble.

Mais le Code a consacré le retour aux saines doctrines par la secoude partie de l'article 2182 précité, ainsi conçue « Le vendeur ne transmet à l'acquéreur que la propriété et les droits qu'il avait lui-même sur la chose vendue, il les transmet sous l'affectation des mêmes priviléges et hypothèques dont il était chargé ».

Déjà il l'avait ainsi décrété en principe, au titre 6 de la vente, par son article 1583 ainsi conçu : « Elle est parfaite (la vente) entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ». La seconde partie précitée de l'article 2182 a complété cette disposition de l'article 1583, en déclarant positivement que la propriété était acquise à l'acquéreur, même respectivement aux tiers créanciers, sous l'affectation des mêmes priviléges et bypothèques dont elle était grevée. Pour compléter la démonstration d'une vérité qui n'eu a pas besoin, nous ajouterous qu'aux termes de l'article 834 du Code de procédure civile, les hypothèques seules consenties antérieurement à l'aliénation peuvent être conservées par l'inscription, dans la quinzaine à partir de la transcription de l'acte translatif de propriété ; d'où il suit qu'aucune hypothèque ne pouvant être valablement consentie après l'aliénation, la propriété est donc absolument transférée avant la trauscription.

Ces raisonnemens s'appliquent-ils à la donation comme à la vente ?

493. La question de savoir si la transcription n'est à la donation que ce que la transcription est à la vente, est d'une très-haute importance, et nous prions le lecteur de nous prêter ici toute son attention; il est d'autant plus intéressant de reproduire ici, dans toute leur force, les

véritables principes à cet égard, qu'ils paraissent avoir été méconnus par un écrivain moderne aux talens de qui nous aimons d'ailleurs à rendre justice, et que c'est de la pureté de ces principes que dépendent souvent le sort des propriétés et la tranquillité des familles.

Nous observerons d'abord que si la transcription de la donation n'avait d'autre but que de fonder la purgation des hypothèques, et que si elle n'était autre chose qu'une formalité purement hypothécaire, telle qu'elle est prescrite par l'article 2181 du Code civil, il eût été parfaitement inutile que le législateur prescrivît cette transcription par la disposition spéciale et taxative de l'art. 939, et comme on ne doit pas supposer qu'il dise rien d'inutile, on ne peut pas croire que l'article 939 ait d'autre but que l'article 2181. Nous pouvons donc tirer dès à présent, de cette observation, la conséquence que la transcription prescrite par l'article 939 a un but plus étendu que la transcription prescrite en général par l'article 2181 pour tous les actes translatifs de propriétés immobilières.

Nous conviendrons que ce but n'est point d'opérer le dessaisissement du donateur vis-à-vis du donataire, ni de transférer la propriété de l'objet donné au donataire. La donation dûment acceptée est parfaite, aux termes de l'article 938, par le seul consentement des parties ; et la propriété des objets donnés est transférée au donataire sans qu'il soit besoin d'autre tradition. Mais il faut, pour que la translation du domaine soit consommée à l'égard des tiers, qu'elle soit rendue notoire par la transcription qui a succédé parmi nous à l'insinuation, ainsi que l'atteste M. Tronchet, dans la discussion du Code civil. En conséquence, ceux à qui le donateur aura accordé des droits réels après la donation, et ceux à qui il aura donné ou vendu l'immeuble donné, comme toutes personnes ayant intérêt, pourront opposer le défaut de transcription de cette donation; la donation effective

ment opérée entre le donateur et le donataire sera donc, à l'égard des tiers intéressés, regardée comme non avenue, s'ils opposent le défaut de transcription; et en cela, les articles 939 et 941 ont reproduit la disposition de la loi du 11 brumaire an 7, avec cette nuance que, sous la loi de brumaire an 7, la transcription seule pouvait opérer le dessaisissement de celui qui aliénait respectivement à l'acquéreur, tandis qu'aujourd'hui ce dessaisissement s'opère indépendamment de la transcription. Remarquons ces termes de la loi, pourra être opposé; si les parties intéressées autres que les donataires ou ses ayanscause et ceux qui sont chargés de faire la transcription et le donateur, gardent le silence, l'aliénation ne sera pas moins consommée; la première donation, quoique non transcrite, produira son plein et entier effet, et on pourra alors en tout point l'assimiler à la vente. Ainsi la transcription n'est point une formalité substantielle et intrinsèque de la donation, quant à la translation du domaine; mais c'est une formalité extrinsèque et d'ordre public qui entraîne la ruine de la donation dans l'intérêt des tiers, si elle n'est diligemment remplie. Voilà, dans toute sa pureté, l'esprit de la loi.

Vainement, pour renverser cette proposition basée sur les dispositions fondamentales, spéciales et taxatives des articles 939 et 941 du Code civil, invoquerait-on la disposition de l'article 834 du Code de procédure civile, qui veut que les créanciers antérieurs aux aliénations, puissent suivre l'immeuble entre les mains des tiers, et requérir la mise aux enchères, s'ils ont fait inscrire leurs titres au plus tard dans la quinzaine de la transcription; d'où M. Persil conclut, attendu que le mot aliénation s'applique à la donation comme à la vente, 1o que les créanciers postérieurs à la donation ne peuvent jamais opposer le défaut de transcription; 2° que les créanciers antérieurs, qui n'ont pas pu devenir hypo

thécaires à cause de la faillite du donateur, par exemple, ou ceux qui, étant hypothécaires, n'ont pas requis à temps leur inscription, ne peuvent jamais opposer le défaut de transcription; 3° que ce droit est réservé aux seuls créanciers hypothécaires qui, par leurs inscriptions utilement prises, ont conservé sur l'immeuble un droit de suite.

Nous répondrons que notre proposition ne porte point atteinte à la règle établie par l'article 834. Il est bien certain que les créanciers postérieurs à la donation ne seront point recevables à suivre l'immeuble entre les mains du donataire en tant que propriétaire, ni à requérir la mise aux enchères; mais s'ensuit-il qu'ils ne pourront point opposer le défaut de transcription, ni faire annuller la donation? Nous pensons, comme nous l'avons observé au commencement de cet ouvrage, qu'il serait sage d'inpartir au donataire un délai pour transcrire, à l'exemple des ordonnances de 1731 et 1747. Or, s'il y a transcription avant que ce délai soit expiré, les tiers, auxquels des droits hypothécaires ont été consentis dans l'intervalle, ne peuvent point réduire à néant la donation. Si la transcription ne s'opère qu'après l'expiration de ce délai, les tiers hypothécaires postérieurs à la donation pourront la regarder comme non avenue à leur égard; mais ils n'exerceront point leurs droits réels entre les mains du donataire non propriétaire respectivement à eux. L'article 834 est donc entièrement inapplicable à l'espèce.

Mais n'accorder le droit d'opposer le défaut de transcription qu'aux seuls créanciers hypothécaires utilement inscrits avant la donation, c'est rendre vaine la disposition de la loi; car il est trop évident que ces créanciers ayant un droit de suite n'obtiendront rien de plus en opposant le défaut de transcription.

Ainsi il faudrait, d'après un tel systême, effacer du

Code les articles 939 et 941 comme entièrement inutiles, et n'y laisser subsister que la disposition de l'article 2181, bien suffisante si la transcription de la donation n'est qu'une formalité hypothécaire.

Mais l'article 834, en se servant du mot générique aliénation, présuppose dans sa disposition réglementaire, relative au droit de suite et de mise aux enchères, que le domaine est effectivement transféré à l'égard de tous. Mais s'il y a question sur le point de savoir si la translation du domaine a eu lieu respectivement aux tiers, il est palpable qu'elle n'est point de son ressort, et que la décision en appartient au Code civil, qui seul fonde et règle le droit de propriété et sa transmission. Que dit donc l'art. 834? Rien autre chose, sinon que les créanciers antérieurs à l'acte translatif de propriété pourront requérir la mise aux enchères en s'inscrivant dans la quinzaine de la transcription; mais entend-il interpréter, ou plutôt abroger les dispositions des articles 939 et 941 du Code civil? Non sans doute. Les principes fondamentaux posés par ce Code conservent toute leur force, et la procédure qui organise ne change pas le fond du droit.

Ainsi, s'il s'agit d'une vente, d'une dation en paiement, d'un échange, etc., les créanciers postérieurs ne pourront requérir la mise aux enchères. Pourquoi cela? parce que le Code a décidé que la propriété est irrévocablement et dès à présent transférée, à l'égard de tous, à l'acheteur, au copermutant, etc... Et en cela le Code a dérogé à la loi de brumaire an 7. Mais le Code n'a-t-il pas eu seul le droit de conserver la disposition de cette loi eu ce qui concerne la donation, et de fait n'a-t-il pas en tièrement distingué pour ce regard la donation de la vente? D'après cela, sera-t-il permis d'exciper d'une disposition de procédure purement réglementaire pour expliquer ou plutôt pour abroger les articles 839 et 941 du Code civil?

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