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niers oisifs. Tels sont les motifs principaux si énergiquement développés dans le préambule de l'édit de 1771, qui en ont provoqué l'émission.

D'après cet édit, tout acquéreur devait, pour purger son acquisition, prendre à chaque mutation des lettres de ratification, après avoir exposé son contrat au greffe pendant le laps de deux mois, et ces lettres de ratification, une fois scellées, purgeaient toutes les hypothèques et priviléges pour lesquels il n'avait pas été formé d'opposition à la vente.

« Les lettres de ratification, portait l'art. 7 de cet édit, purgeront les hypothèques et priviléges à l'égard de tous les créanciers des vendeurs qui auraient négligé de faire leur opposition dans la forme prescrite, et les acquéreurs d'immeubles qui auront pris de semblables lettres de ratification en demeureront propriétaires incommutables, sans être tenus des dettes des précédens propriétaires, en quel que sorte et sous quelque prétexte que ce soit, etc.... >>

Il résultait de là, et il était tenu pour constant, qu'en cas de revente de l'immeuble par l'acquéreur, les lettres de ratification prises par le second acquéreur purgeaient toutes les hypothèques du chef du précédent, lorsqu'on n'avait pas réitéré opposition pour ces hypothèques à la seconde vente; et qu'en conséquence, ces créanciers hypothécaires du premier vendeur n'avaient plus d'action contre le second acquéreur. Ces créanciers ne pouvaient donc, dit Roussilhe, qu'obliger le premier acquéreur à consigner le prix de sa vente, sans pouvoir exiger que le fonds fût vendu à sa folle enchère, faute de consigner (1) et dans le cas où le premier acquéreur était devenu insolvable, la perte de la valeur de l'héritage tombait, non sur les opposans pour avoir négligé de faire consigner, mais sur celui qui avait vendu l'héritage

(1) Pages 52 et 53.

parce que c'était à lui à veiller à ce que ses dettes fussent acquittées, et à obliger l'acquéreur à consiguer ou à se libérer entre les mains des créanciers opposans. Dans tous les cas, le deuxième acquéreur en était donc affranchi conformément à l'article 7 précité; et il n'était pas douteux, sous l'empire de l'édit de 1771, que les lettres de ratification purgeaient les hypothèques des anciens propriétaires, quoiqu'elles n'eussent été obtenues que sur le dernier contrat. C'était aussi l'avis de M. Grenier, dans son commentaire sur cet édit, article 7, 1. 4.

S'il en était ainsi sous l'empire de l'édit de 1771, pourquoi en serait-il autrement sous le Code? Des motifs différens ont-ils déterminé le mode réglé dans le chapitre 8 pour la purgation des priviléges et hypothèques? Par quelle raison la transcription du dernier contrat ne servirait-elle pas à la purgation des hypothèques du chef des précédens propriétaires, dans le cas où l'on y rappellerait exactement les noms de tous les propriétaires précédens ?

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Le seul argument par lequel on puisse essayer de balancer la force des considéraions supérieures d'ordre public, qui ont introduit le mode de purgation des hypothèques, se puise dans l'intérêt des tiers créanciers inscrits. « La promesse que fait la loi à un créancier bypothécaire dont le titre est régulièrement inscrit, dit M. Tarrible, en soutenant le contraire de notre proposition, que son hypothèque sera conservée intacte pendant un délai de dix ans, et qu'elle ne pourra être purgée pendant ce délai, sans qu'il ait été averti par une notification pour le mettre en mesure, et d'enchérir si cela lui paraît convenable, et d'obtenir une collocation utile, cette promesse solennelle, disons-nous, ne ferait que l'entretenir dans une sécurité trompeuse. Un propriétaire obéré de dettes hypothécaires trouverait un moyen facile

et infaillible de faire disparaître toutes ces hypothèques et de frustrer ses créanciers de leurs créances les plus légitimes; il vendrait ses immeubles à un homme qui n'aurait ni bien ni dettes personnelies, et qui paraîtrait avoir soldé le prix de son acquisition. Celui-ci revendrait les mêmes immeubles à un second acquéreur de bonne foi, qui, ayant demandé après la transcription de son achat un extrait des inscriptions existantes sur la tête de son vendeur, et n'en trouvant aucune, paierait la totalité du prix, et soutiendrait être affranchi de toutes les hypothèques établies par le premier vendeur, attendu que ces dettes hypothécaires ne se trouveraient relatées, ni dans l'extrait des inscriptions, délivré par le conservateur, ni dans son acte d'acquisition. » Voilà, dans toute sa force, l'argument à l'aide duquel on voudrait renverser notre proposition.

Nous le réfuterons en observant que, lorsque dans la transcription du dernier contrat, on a fidèlement relaté les noms de tous les propriétaires précédens, le conservateur est mis à même de délivrer le tableau de toutes les inscriptions existantes tant sur les précédens propriétaires que sur celui qui veut purger; que s'il ne le fait pas, ce n'est pas par l'effet de l'imprévoyance de celui qui a fait transcrire puisqu'il a fourni des indications suffisantes pour reconnaître les propriétaires précédens, mais par la négligence ou l'impéritie du couservateur; que dès-lors toute la responsabilité de l'omission des inscriptions existantes sur les précédens propriétaires doit retomber sur le conservateur seul, aux termes de l'article 2197.

Nous ajouterons qué l'indication exacte des noms des précédens propriétaires est suffisante, parce qu'il n'est pas nécessaire ni utile aux créanciers inscrits, quels qu'ils soient, de connaître la teneur des actes précédens, par la raison sans réplique que ce n'est pas le prix des con

trats précédens qui leur sera distribué, ni augmenté par une enchère, mais uniquement le prix du dernier contrat; que le but de la loi est donc rempli par cela seul que les noms des précédens propriétaires étant parfaitement connus, il y a possibilité et devoir pour le conservateur de délivrer un certificat de toutes les inscriptions existantes, pour mettre le dernier acquéreur à même de faire, à tous les créanciers inscrits sans exception, les notifications convenables. Je dis que le dernier contrat est le seul qui intéresse réellement les créanciers, et je le prouve par le texte même d'un arrêt de la cour de cassation du 5 novembre 1807, portant

que la première vente est absolument étrangère aux « créanciers, et que le second acquéreur ayant fait << transcrire son contrat, le leur ayant ensuite 'notifié, «a, par là même, contracté l'engagement de rapporter « à la masse des créanciers inscrits le prix de son acquisition, pour être distribué à chacun d'eux confor«mément à ses droits. »

«

Ainsi la loi a suffisamment pourvu à la sûreté des créanciers inscrits, en enjoignant au conservateur, sous sa responsabilité personnelle, de délivrer un certificat de toutes les inscriptions existantes sur des indications suffisantes ; elle n'a donc point trahi la promesse faite aux créanciers inscrits qu'il ne se ferait point de purgation pendant la durée de leur droit hypothécaire, sans qu'ils en fussent instruits, pour être à même de veiller à ce que le gage fût porté à sa vraie valeur. Mais la loi, après avoir pris ces précautions, n'a pas dû sacrifier une propriété irrévocablement acquise à un tiers acquéreur, ni troubler sa possession qu'il croyait enfin paisible, en faisant renaître tout-àcoup des hypothèques qu'il n'a pu connaître, et dont l'omission dans le certificat des' inscriptions ne provenait point de son fait; et nous avons le droit de dire avec infiniment plus de raison qu'un tel systême serait subversif

de tous les principes de la matière hypothécaire et des droits les plus sacrés de la propriété. Sans doute le but dú régime hypothécaire est de protéger les intérêts des tiers créanciers, mais cette protection doit se combiner avec celle qui est également due au tiers acquéreur, et il faut maintenir les droits des uns et des autres dans une juste proportion, également fondée sur l'intérêt, la confiance et la sécurité publique

La conclusion générale de M. Tarrible, que tout acquéreur qui a l'intention de purger toutes les hypothèques dont l'immeuble acquis est grevé, doit commencer par transcrire son propre titre d'acquisition, et qu'il doit en même temps transcrire le titre d'acquisition de son auteur, lorsque celui-ci, après avoir acquis lui-même, n'a pas purgé les hypothèques existantes sur son propre vendeur; cette conclusion, disons-nous, ne peut donc être admise. Nous ne l'adoptons que dans le cas où les noms des précédens propriétaires ne seraient pas relatés dans le dernier

contrat.

495. La transcription et autres formalités établies pour purger les hypothèques sont-elles applicables aux ventes des biens des mineurs, des interdits, à celles des biens dépendans d'une succession vacante ou acceptée sous bénéfice d'inventaire, et autres semblables avec les formalités prescrites pour ces sortes de ventes? Nous n'en faisons point de doute. La saisie immobilière ou l'expropriation forcée seule peut, par elle-même, purger les priviléges et hypothèques, par la raison que les créanciers hypothécaires y sont appelés par une notification légale pour y veiller à la conservation de leurs droits. Mais les créanciers inscrits, s'ils peuvent intervenir spontanément dans les ventes énoncées ci-dessus, n'y sont point appelés; la loi ne remplit point à leur égard la promesse qu'elle leur a faite que leurs priviléges et hypothèques ne seront point purgės sans qu'ils soient avertis pour veiller à leurs intérêts;

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