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du jour de la dénonciation à elle faite de la saisie, d'aliéner les immeubles saisis à peine de nullité, et sans qu'il soit besoin de la faire prononcer, ne prononce donc cette nullité qu'en tant que la partie saisie est en demeure de satisfaire aux causes de la saisie. Mais quand elle y satisfait pleinement, à quelque point que soit arrivée la procédure en expropriation forcée, pourvu que l'adjudication définitive ne soit point tranchée, les poursuites doivent cesser et son droit doit revivre, parce que l'effet doit cesser avec la cause qui l'occasionne.

Ce raisonnement puisé dans le texte même des art. 692 et 693 du Code de procédure civile doit s'appliquer au nouvel acquéreur, lorsqu'un créancier inscrit a fait, après la notification prescrite par l'article 2183, une réquisition d'enchère valable. Le droit de propriété de ce nouvel acquéreur est conditionnellement anéanti, en tant qu'il ne consignera pas une somme suffisante pour désintéresser en principal, intérêts et frais tous les créanciers inscrits. Mais s'il consignait cette somme, alors même qu'elle ne serait point celle stipulée dans le contrat, les créanciers inscrits n'ayant en mettant aux enchères d'autre but que de se remplir de leurs créances, ne pourraient l'emporter sur la faveur due au nouveau propriétaire qui se libère. Si nous sommes autorisés par les articles 692 et 693 à soutenir que dans le cas de revente sur enchères, cette revente n'étaut autre chose, aux termes de l'article 2197 du Code civil, qu'une expropriation forcée; si nous pouvons, dis-je, soutenir que l'aliénation que ferait à un tiers ce nouvel acquéreur serait maintenue nonobstant la réquisition de mise aux enchères et les enchères déjà faites, en par lui consignant avant l'adjudication somme suffisante pour désintéresser les créanciers, à combien plus forte raison l'acquéreur pourra-t-il paralyser la revente sur enchères, en faisant cette consignation pour se conserver son acquisition.

La purgation des hypothèques, est l'image du délaissement; c'est un remède accordé par la loi pour éviter de payer les dettes hypothécaires et d'y être contraint par une expropriation forcée. Or, aux termes de l'article 2173, le tiers détenteur qui a délaissé l'immeuble le peut reprendre eu payant la dette et les frais, nonobstant que la vente forcée en ait été commencée, pourvu que l'adjudication définitive n'en soit point encore tranchée; cet immeuble ne lui était que conditionnellement enlevé; le dessaisissement du tiers détenteur n'était opéré qu'autant qu'il ne payerait pas les causes de l'hypothèque.

Une analogie parfaite, assimilant la purgation des hypothèques au délaissement, il faut la régler par les mêmes principes, et conclure que la réquisition de mise aux euchères, faite par un créancier inscrit, u'anéantit point d'une manière absolue le droit de propriété du nouvel acquéreur, et qu'il est toujours à même de le recouvrer en par lui payant la dette et les frais jusqu'à l'adjudication définitive.

Comment serait-il possible, d'ailleurs, d'établir pour ce regard une différence entre la revente sur enchères et la saisie réelle ? La vente par expropriation forcée ne se faitelle pas aussi à la chaleur des enchères ? Les créanciers inscrits ne sont-ils pas mis à même de surenchérir? Et puisque la faculté de purger les hypothèques est entièrement libre de la part de l'acquéreur, la loi a-t-elle jamais eu d'autre but que de départir aux créanciers inscrits le droit de poursuivre la vente forcée de leur gage; et si c'est là le résultat, l'objet final et unique de leur droit hypothécaire, si ce n'est que pour éviter ce résultat que la loi accorde au tiers détenteur la faculté de purger, comment concevoir que la revente sur, enchères, qui n'est elle-même qu'une vente forcée, produira d'autres effets parce qu'elle aura eu pour base une réquisition d'enchère?

En dernière analyse, c'est toujours le nouvel acquéreur qui est exproprié. Certainement on ne peut pas dire que le créancier enchérisseur soit propriétaire de l'immeuble, et que ce soit sur lui que la revente en est poursuivie ; on ne peut pas dire non plus que ce soit le premier vendeur ni les autres créanciers inscrits. Qui donc en est conditionnellement le propriétaire si ce n'est le nouvel acquéreur ? Cela est si vrai qu'il ne peut être exproprié que par l'adjudication; que dans le cas où l'adjudication lui reste, il est censé n'avoir jamais été exproprié, puisque l'article 2189 dit qu'il conserve l'immeuble. C'est donc la première vente qui est confirmée, et non une seconde qui a lieu. Il couserve donc conditionnellement la propriété, soit pour le cas où il désintéressera les créanciers, soit pour celui où il se rendra adjudicataire, et l'adjudication seule résoudra ce droit de propriété. Aussi la cour de cassation a-t-elle décidé, par arrêt du 6 juillet 1812, que l'acquéreur n'était pas libéré par la surenchère de l'obligation de payer les droits de mutation.

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Telle était la jurisprudence tenue pour constante sous l'empire de l'édit de 1771; Roussilhe atteste que lorsque le prix de l'adjudication excédait les dettes à acquitter le résidu de ce prix était versé entre les mains du nouvel acquéreur, parce que dans aucun cas le vendeur ne devait retirer une somme plus forte que celle qui était portée au contrat de vente, et que les enchères ayant eu lieu uniquement pour prévenir la fraude et la collusion qui se pouvaient pratiquer entre le vendeur et l'acquéreur pour faire perdre les créanciers, le but de la loi était entièrement rempli quand les deniers avaient suffi pour les désintéresser (p. 126, notes sur l'article 9 de l'édit). On tenait encore pour constant que si l'héritage venait à périr dans le temps qu'on faisait les enchères, ce n'était point sur le vendeur ni sur les créanciers enchérisseurs, mais sur l'acquéreur que tombait la perte (mêmes notes, pag. 125).

Certes, une telle jurisprudence nous fournit un argument invincible pour soutenir que la propriété de l'immeuble revendu sur enchères repose toujours sur la tête de l'acquéreur jusqu'à l'adjudication, et pour réfuter l'assertion que dès l'instant que la réquisition d'enchères est valablement faite, le nouvel acquéreur perd absolument tout droit à la propriété, et qu'il ne lui reste plus que celui de concourir aux enchères, et de répéter les frais et loyaux coûts. On ne voit dans le Code civil ni dans le Code de procédure aucune disposition qui le décide de la sorte, et si, pour appuyer une telle assertion, on a recours aux inductions tirées des analogies et de l'esprit de la loi, elles s'élèvent toutes pour la combattre et la détruire.

Nous nous réduirons ici à reproduire ce seul argument qui nous paraît être décisif. Supposons qu'une maison soit l'immeuble acquis par le nouvel acquéreur; que cet acquéreur ait fait transcrire son contrat d'acquisition, et qu'après la notification prescrite par l'article 2183, un créancier inscrit sur cette maison ait fait une réquisition d'enchère que cette réquisition faite, un incendie detruise tout à coup cette maison avant l'adjudication: certainement la perte n'en doit point porter sur le vendeur; il est irrévocablement dépouillé de la propriété de cette maison parle contrat de vente qu'il en a consenti, et s'il peut figurer dans les enchères, ce n'est que comme créan-cier privilégié inscrit pour recouvrer le montant du prix de sa vente, en tant qu'il ne sera point absorbé par ses propres créanciers hypothécaires. La perte de cette maison ne peut pas non plus concerner celui qui a fait l'enchère, parce que cette maison avant l'adjudication n'était point encore à lui, et qu'il est de principe, en matière de ventes forcées, que quand l'objet saisi vient à périr par le feu du ciel ou la violence d'une tempête ou autre cas fortuit, avant l'adjudication, la perte ne tombe point

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sur celui qui a fait l'enchère. (M. Roussilhé, en son commentaire sur l'édit de 1771). "'

Sur qui donc tombera cette perte, si ce n'est sur le nouvel acquéreur, et où reposera la propriété de cette maison, si ce n'est sur la tête de cet acquéreur, jusqu'à ce qu'il en ait été irrévocablement dépouillé par l'adjudication.

Mais en continuant la comparaison qui doit être faite entre le délaissement par hypothèque et la faculté de purger, nous verrous que lorsqu'on a délaissé par hypothèque, si après la vente et l'adjudication par décret de l'héritage, il se trouve plus d'argent qu'il n'en faut pour payer toutes les dettes, le surplus appartient à celui qui a fait le délaissement, dit Loyseau, livre 6, chapitre 7, 1o 4. Il doit donc en être de même en cas de revente sur enchère. Celui qui a délaissé par hypothèque peut imposer des charges et hypothèques sur l'immeuble délaissé, et lors de la distribution des deniers provenans du décret, dit Loyseau, ses créanciers personnels seront colloqués à leur ordre, par la raison que le délaissant n'a pas cessé d'être le propriétaire de l'héritage; il doit, par identité de raison, en être de même de celui qui a fait les transcription et notification prescrites et de la revente sur enchère. 524. Après avoir ainsi réfuté cette assertion, que par la réquisition de mise aux enchères valable le droit de propriété du nouvel acquéreur est anéanti, voyons les conséquences qui dérivent du véritable principe que nous avons rétabli.

Le droit de requérir la mise aux enchères n'étant attaché qu'à la qualité de créancier et de créancier inscrit, il s'ensuit que cet acte d'enchère, quoique régulier, tombe lorsque la qualité de créancier inscrit a disparu.

Si le nouvel acquéreur consiguait donc somme suffisante pour désintéresser tous les créanciers inscrits, la réquisition d'enchère serait comme non avenue et les

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