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poursuites paralysées, comme nous l'avons déjà dit. Si antérieurement à l'acte d'enchère, la créance du créancier inscrit se trouvait éteinte de quelque manière que ce fût, quelque régulière que fût d'ailleurs la réquisition d'enchères, elle ne pourrait se soutenir faute de qualité de la part de celui qui l'aurait faite, et l'immeuble resterait dans les mains du nouvel acquéreur, franc et quitte de tous priviléges et hypothéques si le délai pour enchérir était d'ailleurs expiré.

Si, postérieurement à l'acte d'enchère et avant l'adjudication, la créance de celui qui l'aurait fait se trouvait éteinte par prescription, compensation ou autrement l'acte d'enchères devrait-il être considéré comme non avenu, de telle sorte que le délai de quarante jours, à partir de la notification du nouvel acquéreur, étant expiré, les priviléges et hypothèques des autres créanciers inscrits fussent entièrement purgés ? L'acte d'enchère une fois valablement fait saisit, soit le créancier qui l'a fait, soit le nouvel acquéreur, du droit de poursuivre la reventé d'après les formalités voulues pour l'expropriation forcée, aux termes de l'art. 2187. Lorsque cette revente a été poursuivie en vertu de l'acte d'enchère, il n'importe que cet acte d'enchère ait été annullé ensuite; mais s'il n'y avait point de poursuites pour opérer la revente sur enchère, il faudrait distinguer si la créance de l'enchérisseur a été éteinte par son fait ou indépendamment de son fait. S'il a volontairement reçu son paiement, ou qu'il ait procuré de quelqu'autre manière l'extinction de sa dette, il est bien certain qu'on ne saurait lui permettre de faire indirectement ce qu'il lui a été défendu de faire directement, c'est-à-dire de se désister de son enchère et d'empêcher l'adjudication publique. Il serait donc toujours tenu dans ce cas et irrévocablement engagé envers les autres créanciers hypothécaires, à payer le montant de son enchère même en se désistant, et l'adjudication pu

blique n'aurait pas moins lieu conformément à l'art. 2187

du Code civil.

Mais si sa créance se trouvait prescrite ainsi que soa hypothèque, ou son inscription périmée, avant la notification faite aux créanciers inscrits, il nous semble qu'il y aurait de l'injustice dans ce cas à le contraindre à payer une enchère à laquelle il ne pourra participer dans l'ordre que lui assignait son titre, hypothécaire; que l'acte d'enchère doit être considéré comme non avenu, et qu'en conséquence, si les créanciers inscrits ne se hâtent point de faire eux-mêmes une autre réquisition d'enchère dans le délai utile, ou si ce délai est expiré l'immeuble sera irrévocablement purgé des priviléges et hypothèques qui le grevaient, en par l'acquéreur payant aux créanciers ou en consignant le prix stipulé au contrat.

Si donc il y avait négligence ou collusion de la part du créancier poursuivant, les autres pourraient demander la subrogation aux poursuites. Si la mise aux enchères était nulle, soit parce que la caution aurait été rejetée, ou parce que les formes n'auraient point été observées, ou pour autre cause, les autres, créanciers n'auraient que le droit de faire une autre enchère.

Si l'inscription est périmée après la dénonciation aux créanciers inscrits, l'enchère ne tombe point parce que cette inscription a produit son effet.

Si le jugement qui annulle l'enchère est le fruit de la collusion, il faudra le faire tomber par la tierce-opposition en établissant la fraude et la collusion qui ont existé entre l'adjudicataire et le surenchérisseur, et demander ensuite Ja subrogation aux poursuites. ( Voyez arrêt de la cour de cassation, Sirey, tom. 9, part, 1, pag. 328.)

Au reste et quand la réquisition d'enchère est valable, le créancier qui l'a faite s'est lié par un quasi-contrat; dès cet instant il s'est engagé à remplir ses offres non envers l'a

cheteur, mais envers tous les créanciers hypothécaires inscrits, et il n'est dégagé de l'obligation que lui impose sa qualité d'enchérisseur, qu'au moment où son enchère est couverte par une autre conformément à l'art. 707 du Code de procédure civile, ainsi conçu: « L'enchérisseur « cesse d'être obligé si son enchère est couverte par une « autre, lors même que cette dernière serait déclarée «< nulle. »

Le créancier enchérisseur ne peut donc point se désister de son enchère au préjudice de la masse des créanciers inscrits envers laquelle il est lié, et s'il s'en désiste sans payer le montant de son enchère, chacun des autres créanciers inscrits aura le droit de s'emparer des poursuites pour contraindre l'enchérisseur à tenir ses engagemens et pour continuer la procédure jusqu'à l'adjudication (articles 2190 du Code civil et 707 du Code de procédure.) Lorsque l'enchérisseur, en se désistant, aura payé le montant de son enchère, chaque créancier inscrit aura encore le droit de s'emparer des poursuites pour faire procéder aux publications, aux enchères et à l'adjudication, sauf à restituer les sommes payées au premier enchèrisseur, dans le cas où son enchère serait couverte par une autre.

525. Nous devons faire remarquer ici une forte nuance qui distingue notre législation sur ce point de l'ancienne jurisprudence.

On ne comparait point autrefois les enchères qui se faisaient sur aliénation volontaire à celles qui se faisaient en cas d'adjudication par saisie réelle, cas auquel, comme aujourd'hui, l'enchérisseur était tenu d'exécuter son enchère sans pouvoir s'en départir: on tenait au contraire, ainsi que l'atteste Roussilhe, pag. 111, que le créancier enchérisseur devrait être libéré, pourvu qu'il fît signifier le désistement de son enchère avant qu'il y eût des lettres

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expédiées en sa faveur, quoique cette enchère n'eût pas été couverte.

De nos jours, au contraire, l'enchère sur aliénation volontaire est assimilée par le Code à l'enchère sur expropriation forcée et soumise aux mêmes règles, et le créancier ne peut s'en départir, à moins qu'elle n'ait été couverte par une surenchère, cas auquel il en est libéré. (Art. 707 du Code de procédure.)

Cependant le désistement du créancier enchérisseur peut produire son effet et empêcher l'adjudication publique, quand il est fait du consentement exprès de tous les créanciers hypothécaires. (2190.)

526. Analysons maintenant les formes de la revente sur enchère.

«En cas de revente sur enchère, porte l'art. 2187, elle aura lieu suivant les formes établies pour les expropriations forcées, à la diligence soit du créancier qui l'aura requise, soit du nouveau proprietaire.

« Le poursuivant énoncera, dans les affiches, le prix, stipulé dans le contrat, ou déclaré, et la somme en sus à laquelle le créancier s'est obligé de porter le prix ou de le faire porter. »

La revente aux enchères se fait suivant les formes établies pour les expropriations forcées. Elle peut être poursuivie soit par le créancier enchérisseur, soit par le nouveau propriétaire, et le poursuivant, quel qu'il soit, doit énoncer dans les affiches le prix stipulé dans le contrat ou déclaré, et la somme en sus à laquelle le créancier s'est obligé de le porter ou le faire porter.

Pour parvenir, dit l'art. 836 du Code de procédure civile, à la revente sur enchère prévue par l'art. 2187 du Code civil, le poursuivant fera apposer des placards indicatifs de la première publication, laquelle sera faite quinzaine après cette apposition. L'art. 837 du premier de ces Codes veut que le procès-verbal d'apposition des

placards soit notifié au nouveau propriétaire, si c'est le créancier qui poursuit, et au créancier surenchérisseur si c'est l'acquéreur.

Enfin d'après l'art. 838 du Code civil, l'acte d'aliénation doit tenir lieu de minute d'enchère, et le prix porté dans l'acte ainsi que la somme de la surenchère doivent tenir lieu d'enchère.

527. Les différences résultant de ces dispositions particulières entre la vente forcée et la revente sur enchère consistent, dit M. Tarrible, 1o en ce que dans l'expropriation forcée il n'y a pour parties qu'un créancier poursuivant, des créanciers opposans et le débiteur saisi, au lieu que dans la revente sur enchère il y a de plus lenouvel acquéreur qui devient partie intéressée, et qui, sous cette qualité, peut poursuivre la revente ou exiger communication des poursuites faites par le créancier enchérisseur; 2o en ce que dans l'expropriation forcée le créancier poursuivant doit déposer au greffe un cahier des charges contenant l'énonciation du litre en vertu duquel la saisie a été faite, la désignation des objets saisis • les conditions de la vente et une mise à prix, au lieu que ces formalités inapplicables à la revente sur enchère sont remplacées par l'acte d'aliénation et par l'énonciation du prix stipulé ou déclaré du montant de la surenchère, en y ajoutant néanmoins que conformément à l'art. 2188 du Code, l'adjudicataire sera tenu, au-delà du prix de son adjudication, de restituer à l'acquéreur ou au donataire dépossédé les frais et loyaux coûts de son contrat, ceux de la transcription sur les registres du conservateur, ceux des no tifications et ceux qu'il a faits pour parvenir à la vente.

528. Peut-être eût-il été à desirer, continue M. Tarrible, que le législateur, après avoir indiqué ces légères différences, eût marqué d'une manière precise le point à partir duquel la procédure de la saisie immobilière devait être suivie; car il est sensible que la revente sur en

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