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est moins une action en garantie que l'action negotiorum gestorum qui lui procure, par l'effet d'une subrogation légale aux droits des créanciers directs du donateur, le recouvrement de ce qu'il a sacrifié dans l'intérêt du donateur et pour acquitter ses dettes. Si le donataire n'avait point acquitté la dette personnelle du donateur qui, en sa qualité de détenteur, n'en était qu'hypothécairement tenu, il faudrait décider dans ce cas que le donateur n'ayant transféré au donataire que les droits qu'il avait sur l'immeuble tels qu'ils se comportaient, le donataire n'aurait contre lui aucun recours; c'est l'opinion de M. Delvincourt, tom. 2, pag. 688, note 6. Nous limitous cette décision dans le cas où l'immeuble aurait été donné en dot, cas auquel une garantie serait due, aux termes de l'article 1440, qui porte que la garantie de la dot est due par toute personne qui l'a constituée.

Il en serait autrement dans l'un et l'autre cas s'il y avait dol de la part du donateur; alors une garantie serait due par lui au donataire qui, outre la restitution du prix de l'objet donné, aurait encore le droit de réclamer des dommages et intérêts, et nous assimilons au dol, dans ce cas, la faute grave, culpa lata.

532. Il résulte de ce que nous avons dit qu'il est bien important pour le vendeur qui doit prévoir que toute aliénation volontaire pourra produire les effets désastreux pour lui de cette garantie, lorsque l'immeuble sera grevé d'hypothèques, de paralyser cette garantie et de s'en affranchir en convenant avec l'acquéreur dans l'acte, que le contrat sera transcrit et notifié aux créanciers; que dans le cas d'une surenchère, même dans celui où l'acquéreur se rendrait adjudicataire, ce dernier renonce à toute garantie et répétition contre le vendeur, ce qui, d'une part, ferait porter dans le contrat l'immeuble à sa valeur réelle, et d'autre part éloignerait les créanciers d'une revente sur enchère qui ne ferait que tourner à leur détriment, en

diminuant leur gage sans probabilité d'augmentation de son prix.

533. « Dans le cas, porte l'article 2192, où le titre du nouveau propriétaire comprendrait des immeubles et des meubles, ou plusieurs immeubles, les uns hypothéqués, les autres nou hypothéqués, situés dans le même ou dans divers arrondissemens de bureaux, aliénés pour un seul et même prix, ou pour des prix distincts et séparés, soumis ou non à la même exploitation, le prix de chaque immeuble frappé d'inscriptions particulières et séparées sera déclaré dans la notification du nouveau propriétaire, par ventilation, s'il y a lieu, du prix total exprimé dans le titre. Le créancier surenchérisseur ne pourra, dans aucun cás, être contraint d'étendre sa soumission sur le mobilier ni sur d'autres immeubles que sur ceux qui sont hypothé qués à sa créance et situés dans le même arrondissement, saufle recours du nouveau propriétaire contre ses auteurs. pour l'indemnité du dommage qu'il éprouverait, soit de la division des objets de son acquisition, soit de celle des exploitations >>.

Nous allons présenter sur cet article quelques réflexions substantielles que nous devons à la sagacité de M. Tarrible.

Tout le droit hypothécaire se concentre dans l'immeuble hypothéqué. Le créancier n'est pas tenu de le restreindre, il n'a pas le pouvoir de l'étendre à d'autres objets, et on ne peut l'y obliger. Lors donc qu'un immeuble frappé d'une inscription particulière et séparée est vendu coujointement avec des meubles ou d'autres immeubles non soumis à la même hypothèque, ou bien soumis à la même hypothèque, mais situés dans un arrondissement différent, le prix de l'immeuble doit être notifié au créancier, afin que le créancier soit en mesure d'approuver la vente par son silence, ou de requérir la mise aux enchères de cet immeuble séparé, comme s'il eût été vendu isolément. Cette ventilation et cette distinction de prix doivent être

notifiées au créancier dans les divers cas exprimés par cet article : ainsi elles doivent l'être, soit que le titre comprenne à la fois un immeuble et des meubles, soit qu'il comprenne plusieurs immeubles, les uns hypothéqués, les autres non hypothéqués, soit que ces immeubles se trouvent situés dans le même ou dans divers arrondissemens de bureaux, soit qu'ils aient été aliénés pour un même prix ou pour des prix distincts et séparés, soit enfin qu'ils dépendent ou non de la même exploitation.

Si les prix sont distingués dans le contrat, la ventilation est toute faite, mais si la vente est faite confusément pour un seul et même prix, par qui et comment doit se faire la ventilation? Rien ne s'oppose à ce que cette ventilation soit présentée par l'acquéreur qui doit l'insérer dans sa notification; il n'est cependant pas douteux que les créanciers et le vendeur lui-même pussent faire réformer la ventilation s'ils lui reprochaient une disproportion nuisible à leurs intérêts respectifs.

Le créancier ne peut être contraint d'étendre sa soumission du dixième sur d'autres immeubles que ceux hypothéqués à sa dette, et situés dans le même arrondissement.

Il n'en est pas de l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué comme de l'acquéreur à titre de réméré ; celui-ci peut empêcher (art. 1670) que l'objet de son acquisition soit divisé, et exiger que ceux qui n'exercent le droit de réméré que pour une part, retirent l'objet entier de la vente, ou qu'ils l'abandonnent; mais l'acquéreur de plusieurs immeubles hypothéqués doit souffrir qu'un créancier exerce son droit isolément, parce que ce créancier n'est nullement tenu de respecter les conventions passées entre son débiteur et un tiers.

Si de l'exercice de ce droit il résulte quelque préjudice pour l'acquéreur, il aura son recours en indemnité contre son vendeur.

534. Mais n'y a-t-il pas de cas, continue M. Tarrible,

où la rigueur des principes ci-dessus énoncés doit fléchir devant l'équité? Je possède deux domaines situés dans deux arrondissemeus différens et de valeur de cent mille francs chacun. Arnaud, mon créancier de cent mille francs, en vertu d'un jugement, a pris inscription de son hypothèque judicaire sur les deux domaines. Après ces inscriptions, j'ai emprunté successivement une somme de cent mille francs à Benoît, avec hypothèque conventionnelle sur le domaine A, et une autre somme de cent mille francs à Denis, aveć pareille hypothèque sur le domaine B. Les choses en cet état, je vends à un tiers les domaines A et B pour le prix de quatre-vingt-dix mille fr. chacun. Arnaud, créancier judiciaire, enchérit sur la notification faite par le tiers acquéreur, et élève le prix du domaine B à cent mille francs. Le créancier judiciaire Arnaud deviendra adjudicataire du domaine B, et se payera par ses mains de l'intégrité de sa créance de cent mille francs. Le domaine A étant dégagé de l'hypothèque judiciaire d'Arnaud, l'hypothèque conventionnelle de Benoit sur ce domaine s'améliorera d'autant, lui procurera son paiement intégral, tandis que Denis, éconduit par Arnaud de la distribution du domaine B, se trouvera réduit à perdre sa créance. Dans ce cas, il faut que le créancier ayant l'hypothèque conventionnelle sur l'immeuble vendu le premier, acquière une subrogation légale aux droits du créancier judiciaire sur les autres immeubles du débiteur, à concurrence de la part contributive que chaque immeuble aurait dû supporter dans la dette judiciaire, selon la proportion de leurs valeurs respectives, et cela par analogie aux dispositions des articles 540 et 541 du Code de commerce. Il faut en effet faire à l'égard des créanciers spéciaux et conventionnels ce qu'on fait à l'égard des créanciers chirographaires dans la distribution des biens d'une faillite. Lorsque le créancier hypothécaire a reçu en premier lieu une portion du prix des meubles

dans la distribution chirographaire, sa créance est diminuée d'autant; mais elle n'en est pas moins colloquée toute entière dans l'ordre hypothécaire, et une espèce de subrogation légale met les créanciers chirographaires à la place du créancier hypothécaire, pour recouvrer dans la distribution du prix de l'immeuble une somme égale à celle que ce dernier a retirée de la masse chirographaire. Si les deux domaines étaient l'un de 120,000 fr. et l'autre de 80,000 francs, et si la distribution du prix de l'immeuble vendu 120,000 francs est faite la première, le créancier judiciaire recevra sa somme entière de 100,000 francs; sur cette somme, celle de 60,000 francs fera la portion vraiment contributive de cet immeuble; celle de quarante mille francs se trouvera prise sur la valeur réputée libre du même immeuble, tandis qu'elle affectait plus particulièrement l'autre immeuble; il sera donc juste que le créancier conventionnel frustré de 40,000 francs sur la valeur libre de l'immeuble hypothéqué en sa faveur, conserve une subrogation légale aux droits du créancier judiciaire, à concurrence de cette somme de 40,000 francs, pour la recouvrer sur le second immeuble qui devait rigoureusement la fournir. Alors l'hypothèque du créancier judiciaire subsistera fictivement à concurrence de cette somme de 40,000 francs; ainsi le premier créancier spécial aura reçu 60,000 francs, le second aura reçu 40,000 francs; ces deux sommes formeront tout ce que chacun d'eux pouvait attendre de la responsabilité de l'immeuble qui lui était particulièrement hypothéqué, et cette proportion qui est la seule juste se trouvera calquée sur celle de la valeur respective des deux immeubles.

Telles sont en résumé les réflexions pleines de justesse de M. Tarrible sur l'article 2182 du Code civil.

535. Nous termiuerons ce paragraphe par l'explication de l'art. 2189 ainsi conçu: « L'acquéreur ou le donataire qui conserve l'immeuble mis aux enchères, en se rendant

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