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On ne saurait prétendre que l'hypothèque inscrite a perdu sa force et sa vertu après l'expiration du délai de deux mois; car à quoi aurait servi l'inscription prescrite? Si l'hypothèque légale de la femme et du pupille eût pu être purgée dans le laps de deux mois, l'inscription de cetté hypothèque eût été absolument inutile. Cette inscription, uniquement destinée à donner à l'hypothèque de la publicité dans l'intérêt des tiers acquéreurs et à les instruire des charges qui pèsent sur l'immeuble, n'est rien dans le cas particulier, dans l'intérêt des tiers créanciers, puisqu'on est arrivé au dénouement des charges hypothécaires, et qu'à leur égard cette hypothèque subsiste indépendamment de l'inscription. La surenchère pourrait donc être faite dans le délai de deux mois, sans qu'il fût besoin d'inscription, et la loi conséquente au principe de l'existence de cette hypothèque, indépendamment de l'inscription, n'aurait pas exigé cette inscription pour donner ouverture au droit de surenchère si elle eût voulu qu'il fût éteint après le laps de deux mois; elle se serait bornée à dire que faute par la femme et le pupille d'avoir exercé le droit de surenchérir, dans ce délai fatal, le prix de l'immeuble demeure: définitivement fixé entre les mains de l'acquéreur, et que la femme sera colloquée si elle produit en temps utile. Si donc elle a exigé l'inscription à peine d'extinction de l'hypothèque légale dans le délai de deux mois, c'est pour perpétuer l'hypothèque respectivement aux tiers acquéreurs et non pour en opérer dès à présent la purgation. Donc devant sa conservation à l'inscription prise dans ce délai, elle se change dans l'intérêt de la femme, du mineur et de l'interdit, en droit de maintenir la valeur du gage ou de sureuchérir.

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L'opinion de ceux qui, dans l'hypothèse, placent, à l'expiration du délai de deux mois, la femme, le mineur et l'interdit sur la même ligne que les autres créanciers, et font courirle délaide quarante jours de l'expiration des deux

mois, est certainement plus raisonnable; mais nous hẻsitons à l'admettre quant au point de départ du délai de quarante jours, et nous inclinons à penser que ce n'est qu'à la dissolution du mariage et à la cessation de la tutelle ou lors de la main levée de l'interdiction, que ce délai commencera à courir. Tels sont les motifs dont nous étayous cette opinion.

Qu'est-ce que la surenchère ? C'est la soumission de porter ou faire porter le prix de l'immeuble à un dixième en sus de celui stipulé au contrat ; c'est un quasi-contrat formé en justice qui peut entraîner des conséquences graves et des engagemens fort sérieux. La femme et le mineur ou l'interdit, ne pouvant s'obliger valablement qu'avec l'autorisation ou le ministère de ceux qui sont préposés par la loi à la surveillance et à la conservation de leurs intérêts, ne pourront faire personnellement une réquisition d'enchère..

La loi, si attentive à tracer les formes dans lesquelles les actes importans de la gestion d'une tutelle doivent être faits, garde un silence absolu sur le mode de sureuchérir dans l'intérêt du mineur ou de l'interdit. Elle enjoint au tuteur et subrogé tuleur, et donne invitation aux procureur du roi, parens et amis du pupille de prendre inscription, et nulle part elle ne leur impose l'obligation de surenchérir pour pour le mineur.

La loi qui veille constamment aux intérêts de la femme mariée n'indique point non plus le mode de surenchérir, et sa sollicitude se borne à recommander l'inscription. L'avis du conseil d'état du 9 mai 1807, approuvé le 1er juin suivant, n'est relatif qu'au mode de remplacer la signification prescrite par l'art. 2194, qui doit être faite à la femme ou à ceux qui la représentent, et au subrogé tuteur lorsqu'ils ne sont pas connus, afin qu'ils veillent à l'inscription à prendre.

Quelles peuvent être les raisons de ce silence de la loi?

On ne peut croire qu'il y ait oubli de sa part, car sa vigilance se manifeste assez pour la conservation des droits des femmes et des mineurs ou interdits; d'où nous pouvous conclure déjà que le législateur a pensé que le droit de surenchère ne pouvait s'ouvrir ni s'exercer durant le mariage, la tutelle ou l'interdiction.

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En effet, le tuteur ne pourrait l'exercer lui-même par deux raisons la première parce que, la mise aux enchères entraîne des conséquences trop graves pour qu'il puisse dépendre d'un tuteur de la faire; la seconde parce que le tuteur exposé à une action en garantie ruineuse pour lui, de la part de l'acquéreur évincé par suite de cette enchère, se gardera bien, quand il n'y aurait pas d'ailleurs de collusion entre l'acquéreur et lui, de requérir la mise aux enchères.

Quant au subrogé tuteur, son ministère est tout de surveillance et ne consiste point à faire spontanément un acte important qui peut entraîner des suites graves pour le mineur. La loi règle d'ailleurs explicitement ses attri butions.

Quand la loi veut que le conseil de famille soit convoqué pour un acte quelconque, elle s'en explique; elle -n'en dit rien ici.

D'un autre côté, l'exercice du droit de surenchère, si on l'accorde au subrogé tuteur, produira cet effet funeste pour le mineur, qu'il l'exposera à la haine et au ressentiment de son tuteur qui, déjà contraint d'aliéner pour acquitter des dettes, se verra exposé à une garantie désastreuse envers le tiers acquéreur évincé.

Le mari ne pourra pas non plus exercer pour sa femme le droit de surenchère par les mêmes raisons que le tutear. S'il est ouvert pour la femme duraut le mariage, et qu'elle puisse l'exercer elle-même, c'est exposer le plus important de ses droits à une ruine presqu'inévitable. Placée dans la dépendance et sous l'autorité de son mari,

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comment osera-t-elle déclarer qu'elle entend requérir la mise aux enchères et s'exposer par là à troubler la paix et l'union du ménage? Les séductious et les caresses d'un mari qui la portent si facilement à s'obliger pour lai ne la feront-elles pas facilement renoncer au droit d'enchérir? La crainte d'une part, les piégès et les suggestions de l'autre, rendrout donc nulles une prérogative conservatrice de sa dot et de ses intérêts les plus graves, et qui doit garantir l'indemnité des obligations qu'elle aurait trop facilement contractées avec son mari duraut le mariage.

La loi veille avec la plus scrupuleuse attention à ce que la femme ne puisse, par l'exercice prématuré d'une action, s'exposer à la haine et au ressentiment de son mari quand cetle action doit réfléchir contre lui, ou perdre le frait qu'elle en pourrait retirer quand elle aura le plein exercice de ses droits. C'est par cette raison qu'elle dispose (art. 2256) que la prescription est suspendue pendant le mariage, 1° daus le cas où l'action de la femme ne pourrait être exercée qu'après une option à faire sur l'acceptation ou la renonciation à la communauté; 2o dans le cas où le mari ayant vendu le bien propre de la femme sans son consentement, est garant de la vente, et dans tous les autres cas où l'action de la femme réfléchirait contre le mari; c'est par cette raison, en un mot, que la prescription (art. 2253) ne court point entre époux. Or, l'action hypothécaire de la femme ne réfléchirailelle pas contre son mari, puisque l'éviction du tiers acquéreur par l'effet d'une surenchère donnerait lieu à'une garantie contre lui ? Et l'inconvénient qui en résulterait ne serait-il pas toujours le même, quand on supposerait que le procureur du roi à qui on ne doit faire de notification que lorsque la femme ou ses héritiers et le subrogé tuteur sont inconnus, et ce, pour prendre inscription, pourrait requérir pour elle la mise aux enchères sans mission de la loi ?

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Ainsi se justifie déjà le silence de la loi sur l'exercice et le mode du droit de surenchère durant le mariage, la tutelle ou l'interdiction. Ajoutons en ce qui concerne le mineur, qu'une prescription ou un délai fatal ne court contre lui que quand la loi's'en explique formellement, et que si telle eût été sa pensée, le législateur n'aurait pas manqué de s'en expliquer comme pour les créances mentionnées en l'article 2278, le délai de rachat, etc...; qu'il y avait dans le cas particulier des raisons bien plus fortes d'en faire une disposition spéciale et taxative, puisqu'il est question du sort des plus grands intérêts. Où la femme prendrait-elle l'argent nécessaire pour la surenchère et l'acquisition qu'elle ferait de l'immeuble? Elle n'a aucuns deniers à sa disposition, et son mari qui est le maître absolu de la communauté, après s'être refusé à l'autoriser, lui fournirait-il les deniers nécessaires? Cette faculté de surenchérir ne serait-elle pas pour la femme et le mari une occasion de fraude respectivement aux tiers?

Que si nous examinons ce droit de surenchère dans son application à la garantie des droits en eux-mêmes de la femme, du pupille et de l'interdit, nous nous convaincrons que l'exercice en est impossible durant le mariage ou la tutelle.

Çes droits, en effet, ne sont point encore ouverts niliquidés durant le mariage ou la tutelle; le tuteur ne doit rien à son pupille, et le mari ne doit rien à sa femme. Les créances de celles-ci peuvent se composer de droits éventuels, de libéralités en cas de survie qui peut-être ne se réaliseront point, et dont l'existence est au moins trèsincertaine ; il y a plus, le mari ne doit point être privé de la dot pendant le mariage. L'incertitude la plus complete règne donc sur ce qui sera définitivement dû à la femme, au pupille et à l'interdit qui ne sout point encore créanciers. Comment peuvent-ils dès-lors figurer dans un ordre et savoir s'il est de leur intérêt ou non de surenchérir?

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