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30,000 fr., elle serait évincée des 20,000 fr. en sus desquels elle aurait pu faire augmenter le prix de l'immeuble en euchérissant, ce qui serait d'une iniquité révoltante. L'action en rescision pour lésion qu'elle pourrait exercer dans certains cas du chef de son mari, aurait eu le temps d'être prescrite par le laps de dix ans durant le mariage. On ne pourrait avancer un tel systême sans contradiction, parce que ne pouvant contester que l'hypothèque de la femme et du mineur subsiste au moyen de l'inscription après l'expiration des deux mois de grâce donnés pour juscrire, il impliquerait qu'elle fût dénuée du droit d'enchère qui en fait la vie.

Tel n'a donc pas pu être l'esprit de la loi. Sous l'édit de 1771, dont l'esprit doit tempérer ce que les dispositions de la loi de brumaire an 7 pouvaient apporter d'exagéré et de dangereux dans l'économie de notre régime hypothécaire, on avait formellement consacré en principe que l'hypothèque de la femme et du pupille ne pouvait être purgée pendant le mariage ou la tutelle, ni le droit de surenchère éteint pour eux. L'article 32 de l'édit l'avait textuellement décidé pour les femmes, en déclarant qu'elles ne seraient point tenues de former opposition pour conserver leur hypothèque, et Me Roussilhe en sa note 2 sur l'art. 17, pag. 163, atteste que l'obligation imposée au mineur de former opposition pour conserver l'hypothèque n'avait lieu que pour les hypothèques sur autre que sur le tuteur; car, dit-il, si ce dernier vend lui-même ses héritages, comme le mineur n'a alors personne qui veille à la conservation de ses droits, l'on juge que le défaut d'opposition ne préjudicie point au mineur, et que son hypothèque n'est pas purgée par les lettres de ratification. Ces dispositions d'ordre public doivent être encore aujourd'hui de droit commun, et le Code civil n'y a apporté qu'une modification qui les perfectionne, c'est la possibilité de purger les hypothèques légales de la femme, du pupille ou de l'in

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terdit, durant le mariage et la tutelle, quand elles n'ont été inscrites dans le délai de deux mois. A cette exception près, la faveur et la protection dues aux femmes et aux mineurs ou interdits doivent être les mêmes, et le Code n'ayant point d'ailleurs anéanti explicitement ni implicitement ces hypothèques durant le mariage ou la tutelle, il faut conclure qu'elles conservent toute leur force, et qu'elles ne sont pas susceptibles d'être purgées pendant ce temps.

On ne peut donner aux lois en général, et sur-tout à la législation hypothécaire une simplicité arithmétique. Ce serait une chimère que de vouloir fondre ses dispositions dans un plan un et indivisible. Dans cette impuissance malheureuse de parer à tous les inconvéniens, attachonsnous à éviter le plus grave, et ne méritons point ce reproche qui, dans la bouche de M. Bigot-Préameneu, était l'un des plus forts argumens contre notre régime hypothécaire de brunaire an 7 : « La réclamation est générale «en faveur des femmes ; l'expérience a appris que depuis «<le nouveau systême cette moitié intéressante de la société, et jusqu'alors protégée, a été dépouillée d'une grande partie de ses biens ».

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<«< Si les inscriptions, ajoute la dernière partie de l'article 2195, du chef des femmes, mineurs ou interdits, sont les plus anciennes, l'acquéreur ne pourra faire aucun paiement du prix au préjudice desdites inscriptions qui auront toujours, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la date du contrat de mariage ou de l'entrée en gestion du tuteur, et dans ce cas, les inscriptions des autres créanciers qui ne viennent pas en ordre utile seront rayées ».

Lorsque les hypothèques légales des femmes, mineurs ou interdits seront les plus anciennes, on conçoit qu'aucun paiement du prix ne doit se faire au préjudice desdites inscriptions, et que la purgation en est à plus forte raison impossible. Il est si rare d'ailleurs qu'on puisse déterminer

le montant des créances et répétitions des femmes, mineurs et interdits, ou que quelques-unes d'entr'elles puissent être connues d'avance, qu'il serait difficile d'opérer la radiation des inscriptions des créanciers qui ne viendraient point en ordre utile. Il est presqu'impossible de computer et de liquider d'avance des droits respectifs qui, balancés entre eux à la dissolution du mariage ou à la cessation de la tutelle, peuvent donner un résultat ou bien supérieur ou bien inférieur à celui qui a été prévu.

Dans tous les cas, l'acquéreur pourvoira à sa sûreté comme nous l'avons dit, en conservant le prix dans sa main, les créances des femmes, mineurs et interdits ne pouvant être payées validement, ni leurs hypothèques purgées durant le mariage ou la tutelle.

Telles sont les idées que nous nous sommes formées sur la purgation des hypothèques légales existant indépendamment de l'inscription. Des jurisconsultes distingués, en inclinant pour l'opinion contraire, n'ont pu s'empêcher d'avouer que notre opinion avait quelque fondement; des jurisconsultes non moins recommandables l'ont adoptée avec quelque confiance. Me Persil, qui a écrit avec succès sur les priviléges et hypothèques, partageait entièrement cette opinion, dans sa première édition, et plusieurs docteurs fort savans l'ont mise en avant comme la plus probable; au moins est-il certain que si elle n'est point admise dans la pratique, et si l'on veut que le droit de surenchère s'éteigne durant le mariage ou la tutelle, les quarante jours pour l'exercer ne doivent courir que de l'expiration des deux mois.

557. Nous allons terminer cette section par deux observations de forme. Nous avons vu que le tiers acquéreur qui veut purger l'hypothèque légale doit, aux termes de l'article 2194, déposer copie de son contrat au greffe, et qu'ensuite il doit certifier ce dépôt par acte signifié à la femme, au subrogé tuleur, etc. Le ministre de la justice

et le ministre des finances ont décidé, les 24 vendémiaire et 14 nivôse an 13, que lors de la remise au greffe faite par le tiers acquéreur, le greffier était obligé de rédiger un acte de dépôt, et que c'était cet acte qu'on devait signifier à la femme, au subrogé tuteur et au procureur du roi.

Lorsque le subrogé tuteur, la femme ou ses représentans ne sont pas connus, la signification qui doit leur être faile est remplacée et suppléée par un avis du conseil d'état, approuvé le 1er juin 1807, dont nous avons trauscrit la teneur dans le chapitre 2 de l'inscription hypothécaire.

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Nous observerons encore que lorsque le délai de deux mois fixé par l'article 2194 est expiré, le greffier doit rédiger, tant pour sa décharge que pour constater que le contrat est resté affiché pendant les délais prescrits, un nouvel acté semblable à celui constatant le dépôt, enregistré sur la minute, et dont il doit, au besoin, délivrer expédition conformément aux décisions des ministres de la justice et des finances, des 24 et 14 vendémiaire an 13.

SECTION III.

Du mode de purger les hypothèques légales des femmes et des mineurs, quand elles étaient inscrites lors de l'aliénation.

SOMMAIRE.

558. Le mode de purgation prescrit par le chap. 9 ne peut être appliqué aux hypothèques légales des femmes et des mineurs inscrites lors de l'aliénation.

559. La purgation de l'hypothèque légale n'est que la conséquence ou la peine de l'omission de l'inscription pendant les deux mois.

560. Toutefois l'hypothèque légale inscrite lors de l'aliénation ne peut être purgée de la même manière que l'hypothèque

légale inscrite dans le délai de deux mois. La première reste soumise aux règles communes, avec cette restriction que le droit de surenchère semble ne devoir s'exercer que dans les quarante jours de la dissolution du mariage, de la cessation de la tutelle ou main levée de l'interdiction.

561. Ce délai de quarante jours courrait de la notification prescrite par l'art. 2183, si l'on voulait adopter dans la pratique le systême de purgement de cette hypothèque légale durant le mariage ou la tutelle.

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558. Quand les hypothèques légales des femmes et des mineurs étaient inscrites lors de l'aliénation, le mode de purgation pescrit par le chapitre 9, et dont nous venons de parler dans l'article précédent, ne peut leur être appliqué, puisqu'aux termes de l'article 2193 du Code, les tiers acquéreurs ne pourront purger ces hypothèques qu'autant qu'il n'y aura point d'inscription sur les immeu bles aliénés, à raison de la gestion du tuteur ou des dot, reprises et conventions matrimoniales de la femme.

559. Cela provient aussi de ce que la purgation de l'hypothèque légale n'est que la conséquence ou la peine de l'omission de l'inscription pendant les deux mois à dater de l'exposition du contrat, dans l'intérêt seulement des tiers acquéreurs, et que la publicité une fois donnée à cette hypothèque, le but de la loi est entièrement rempli. 560. Toutefois l'hypothèque légale inscrite lors de l'aliénation ne pourra point être purgée de la même manière que l'hypothèque légale inscrite dans le délai de deux mois; la raison en est sensible. L'exposition du contrat et la notification prescrites par l'article 2194 équivalent au moins à la transcription et à la notification prescrites par l'article 2183, pour la femme ou le mineur postérieurement inscrits, et il ne reste plus qu'à leur impartir le délai ordinaire pour enchérir à dater de la majorité ou de la

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