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tion des deniers provenans des immeubles d'une succession bénéficiaire.

Le prix de la vente des immeubles d'une succession bénéficiaire doit être distribué suivant l'ordre des priviléges et hypothèques. Toutefois, il ne suit pas de là qu'on doive entamer et suivre la procédure de l'ordre; mais l'héritier bénéficiaire doit, aux termes de l'article 806 du Code civil, déléguer le prix aux créanciers hypothécaires qui se sont fait connaître. Ainsi il faut éviter les frais d'un ordre, toutes les fois que les créanciers sont d'accord sur le rang de leurs inscriptions, ou qu'ils ont réglé l'ordre à l'amiable.

Les créanciers hypothécaires ne sont point astreints à recevoir d'abord leur paiement sur le prix des immeubles qui leur sont hypothéqués; ils peuvent demander à être compris dans la distribution par contribution, avant qu'il soit procédé à l'ordre des hypothèques.

Remarquons que les créanciers non opposans, fussentils privilégiés, qui ne se présentent qu'après le paiement du reliquat, perdent tout droit, et ne peuvent plus rien prétendre contre les créanciers non privilégiés qui out été payés avant eux. Ils doivent s'imputer leur négligence (1) Eis satisfaciant qui primi veniunt creditores, et si nihil reliquum est, posteriores venientes repellantur. L. ult, §. 4, Cod. de jure deliber.

Le paiement des créanciers en général, et à plus forte raison des créanciers hypothécaires, ne peut être retardé par les procès que soutiendrait l'héritier bénéficiaire relativement à d'autres biens. Les distributions doivent se faire à mesure qu'il s'opère des rentrées suffisantes pour être distribuées.

638. Nous terminerons cette section par l'examen de deux

(1) M. Toullier, Droit civil français, tom. 4.

questions importantes, l'une qui naît d'une lacune qui semble laissée dans notre législation hypothécaire, et l'autre d'un ordre plus élevé qui sort du cercle des formalités qui viennent d'être tracées.

La première de ces questions sera rendue sensible par l'espèce suivante :

Un débiteur meurt en 1800.

Un créancier ordinaire prend inscription sur les biens de la succession, sous l'empire de la loi du 11 brumaire an 7.

La veuve du débiteur ne prend inscription pour ses reprises qu'après ce créancier ordinaire et sous l'empire du ode civil.

Un ordre de distribution des deniers provenans de la vente des biens de l'hoirie s'ouvre; le créancier ordinaire est colloqué; les deniers manquent sur lui.

La veuve se pourvoit en appel; elle est colloquée au préjudice du créancier qui la primait, motivé sur ce que son hypothèque existe indépendamment de l'inscription.

La cour de cassation, après avoir admis le pourvoi, casse cet arrêt, et renvoie l'affaire devant une autre cour qui réintègre le créancier dans ses droits. Mais durant ce laps de temps, l'ordre a été clôturé, les inscriptions rayées, et la veuve est devenue insolvable.

Il n'est pas douteux que le créancier rétabli dans ses droits devra, nonobstant la clôture définitive de l'ordre, recouvrer sa créance contre la veuve; mais il n'a contre elle qu'une action personnelle qui devient inutile pour lui, puisqu'elle est insolvable. Le législateur, quand il a ordonné la radiation des inscriptions après la procédure d'ordre terminée, n'a eu en vue que les deux degrés de juridiction, et n'a subordonné cette radiation qu'à la condition que le jugement serait en dernier ressort, ou passé en force de chose jugée.

Par jugement passé en force de chose jugée, on n'a jamais entendu parler du jugement contre lequel la voie de l'appel serait encore ouverte, ni sous l'ordonnance de 1667, ni sous l'empire du Code civil (art. 2157), promulgué quand cette ordonnance était encore en vigueur; et si l'article 548 du Code de procédure civile laisse sur ce point quelques doutes, ils sont entièrement dissipés par cette réflexion, qu'il est des jugemens susceptibles d'exécution avant l'expiration du délai d'appel, et que c'est à ceux-là que s'appliquent ces mots de l'article 548: même après le délai de l'opposition ou de l'appel, etc...; et qu'il est d'autres jugemens, au contraire, qui ne sont point susceptibles d'exécution avant l'expiration du délai d'appel, tels que ceux qui o donnent une radiation, et que pour ces jugemens il faut s'en tenir à la disposition fondamentale de l'article 2157 du Code civil, basée sur la raison et l'équité, et à laquelle une disposition du Code de procédure, purement réglementaire de sa nature, ne pourrait d'ailleurs déroger.

Nos idées étant ainsi fixées sur ce qu'on doit entendre par jugement passé en force de chose jugée, on voit que la difficulté reste la même, puisqu'il s'agit d'un créancier rétabli dans ses droits par suite seulement d'un arrêt de cassation. Les deux degrés de juridiction sont épuisés pour lui, et le jugement a acquis la force de la chose jugée, d'après le sens attaché à ce mot par la loi.

Ainsi son action hypothécaire est irrévocablement éteinte, et l'action personnelle qui lui reste ne peut produire aucun effet.

S'il n'y avait point encore eu d'ordre d'ouvert, et qu'il ne fût question que d'une inscription indûment rayée, l'injustice serait réparable. Vainement plusieurs arrêts out-ils décidé que cette inscription mal à propos rayée ne pouvait être rétablie sur le registre à sa date, par

la raison que le créancier ne pouvait primer les anciens créanciers inscrits, et être primé par les nouveaux. C'est un principe d'éternelle justice qu'un créancier doit être replacé après la cassation ou la rétractation du jugement et le jugement qui le réintègre dans ses droits, dans le même état qu'avant celui qui l'a injustement dépouillé. Les créanciers qui ont pris des inscriptions postérieurement à cette radiation mal fondée ont dû savoir que le jugement ou arrêt qui l'ordonnait était susceptible d'être cassé ou annullé, et que leurs droits ne devaient point prévaloir sur des droits antérieurement acquis, et dans lesquels le créancier injustement évincé serait rétabli.

Mais dans l'espèce qui nous occupe, l'injustice est irréparable. Ne serait-il pas nécessaire de venir au secours du créancier évincé, de le mettre à l'abri des tentatives et des piéges de la cupidité et de la mauvaise foi, et de remplir cette lacune de notre législation hypothécaire? Le législateur, en offrant en cela une garantie de plus à la fortune des citoyens, qui, sous ce rapport, peut si souvent être mise en péril, n'en offrirait-il pas une de plus aussi au crédit et à la fortune publique? Nous livrons ces réflexions à la sagesse et à la sagacité des jurisconsultes qui pourront être appelés à rectifier et à perfectionner ce qu'il peut y avoir de défectueux et d'insuffisant dans nos lois.

Mais en attendant qu'ils se soient expliqués sur un point aussi délicat, ne pourrait-on pas, d'après les règles de l'équité, considérer les créanciers qui out obtenu gain de cause comme colloqués sous une condition résolutoire, et en cette qualité leur faire prêter caution de restituer le montant de la collocation du créancier rejeté de l'ordre? Si le pourvoi est rejeté, ils seront déchargés du cautionnement. Si, au contraire, le créancier est rétabli dans ses droits primitifs, ils ne feront que

lui restituer ce qui lui est légitimement dû, et ce dont on ne pourrait le dépouiller sans la plus révoltante injustice. Au moyen de la mise en réserve du montant de la collocation du créancier, évincé, l'ordre ne sera pas moins clôturé, les radiations définitives et la propriété du tíers acquéreur ou de l'adjudicataire, affranchie et consolidée.

Au reste, nous n'indiquons ce remède qu'avec défiance, et nous nous bornons à appeler la sollicitude et l'équité des magistrats sur la position des créanciers dont nous venons de parler.

La seconde question est de savoir, d'après les statuts, de quel lieu doit être réglé l'ordre de préférence, soit des créanciers hypothécaires, soit des créanciers privilégiés.

Il faut, d'après les principes généraux et fondamentaux établis dans le titre de constitution. princip., daus la partie intitulée de statutis, décider que, pour ce qui concerne les biens meubles du débiteur, il faut observer et suivre l'ordre de préférence qui a été établi dans le lieu du domicile du débiteur, soit (dit Voët) parce que tous les biens meubles, quelque part qu'ils existent, sont toujours censés être présens là où le débiteur a son domicile, et qu'en conséquence ils doivent être soumis aussi au droit de ce domicile; soit parce que tous les créanciers qui, en agissant, doivent suivre le domicile du débiteur, ont dû avoir principalement en vue le lieu du domicile en contractant; soit enfin parce que si l'on veut se régler sur les lois du lieu où l'on a contracté ou du lieu où l'on agite la question sur l'ordre et la préférence des créanciers, on s'engagerait dans des difficultés inextricables, ou bien l'on serait conduit à des conséquences singulièrement absurdes.

En effet, s l'on prétend qu'on doit avoir égard au lieu où a été passé chaque contrat, on ne pourra expliquer

II.

18.

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