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tièrement l'héritage, et quant à la propriété et quant à la possession, sans pouvoir y rien prétendre à l'avenir.

Les deux dernières espèces, le délaissement par hypothèque et le déguerpissement, sont celles qui offrent le plus de difficultés, continue Loyseau; et pour les distinguer, il s'applique à définir les charges et redevances foncières, et les simples hypothèques établies pour sûreté des rentes constituées. Mais avant de retracerici la doctrine de Loyseau, nous ferons observer qu'elle ne peut être appliquée qu'aux rentes foncières stipulées irrachetables avant 30 ans : la raison en est que la rente foncière stipulée irrachetable devient un droit réel imprimé sur l'immeuble parfaitement analogue au droit d'usufruit. Comme le droit d'usufruit, elle peut être hypothéquée ; c'est l'opinion de M. de Malleville, qui l'assimile dans ce cas à un droit immobilier : « Je ne vois pas pourquoi, dit-il, une rente foncière stipulée non rachetable avant 30 ans, comme le permet « l'article 630, ne sera pas aussi susceptible d'hypothè« que qu'un usufruit dont la durée peut être fixée à un « terme 'plus court, tom. 4, pag. 265. » Dès-lors aussi je ne vois pas pourquoi cette rente irrachetable avant 30 aus ne conserverait pas, pendant ce temps, le caractère et les effets qu'elle avait autrefois.

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Loyseau définit les charges foncières des redevances principales des héritages, imposées en l'aliénation d'iceux pour être payées et supportées par leur détenteur, et il établit la différence qui les distingue, 1o des obligations personnelles qui ne sont point des dettes d'héritages et n'en suivent point le détenteur, comme les charges foncières qui ne sont dues que par ce détenteur ou l'héritier bien tenant; 2o des servitudes tant réelles que personnelles qui, à l'inverse des charges foncières, se peuvent imposer hors l'aliénation de la chose, et se prennent et se perçoivent directement sur la chose par celui qui en a le droit, tandis que les rentes foncières se paient et se`per

çoivent par les mains du détenteur de la chose obligée ; 3o des simples hypothèques, en ce que l'hypothèque est une obligation accessoire ou subsidiaire de la chose pour confirmer et assurer la promesse et obligation de la personne qui est débitrice, tandis que la charge foncière esť une redevance due proprement et directement par l'héritage et non par la personne.

Loyseau note ensuite cinq effets différens des charges foncières et des simples hypothèques.

La première différence, dit-il, est que pour les charges foncières le tiers détenteur est convenu personnellement et de droit, et par l'usage général de la France, tandis que pour les rentes constituées il n'en peut être tenu qu'après reconnaissance ou hypothécairement.

La seconde différence est que les redevances foncières sont entièrement à la charge des détenteurs des héritages quels qu'ils soient, sans que pour raison d'icelles ils aient aucun recours ni répétition contre ceux qui les ont imposées, ou contre ceux qui en pourraient être tenus personnellement, à moins qu'il n'y eût fraude de leur part, et obreption lors de l'aliénation qu'ils ont faite des héritages grevés, ce qui n'a point lieu à l'égard des simples hypothèques ou des rentes constituées par hypothèque.

La troisième différence est qu'à l'égard des rentes foncières, le preneur à rente, quand il n'est plus détenteur, n'est plus aussi tenu d'icelles, soit qu'il ait vendu l'héritage à un autre, soit que l'héritage ait entièrement péri, tandis que, pour les rentes constituées, le débiteur ou constituant en est toujours tenu, soit qu'il ait vendu les héritages spécialement hypothéqués, soit qu'ils aient entièrement péri.

La quatrième différence est que pour les rentes foncières, le preneur même peut, en abandonnant l'héritage, s'en exempter pour l'avenir, ce qui ne peut être aux rentes constituées et simples hypothèques.

La cinquième différence est qu'à l'égard des charges foncières, la discussion n'a point lieu au profit du tiers détenteur, même pour les arrérages précédant la détention, tandis qu'elle a lieu, selon Loyseau, pour les hypothèques et rentes constituées; ce qui ne peut s'entendre, de nos jours, que du cas où le tiers détenteur des immeubles hypothéqués à la rente n'y serait point personnellement obligé, et où l'hypothèque ne serait point spéciale, circonstances dans lesquelles, aux termes des articles 2170 et 2171, la discussion n'a plus lieu.

Une autre différence fort remarquable entre la charge ou rente foncière, et la rente constituée par simple hypothèque, est que quand un héritage est vendu par décret, il est adjugé à la charge de la rente foncière quand il y a clause de non rachat avant 30 ans; mais si la rente est constituée et hypothéquée sur l'héritage décrété, il est adjugé sans charge d'icelle, franc et quitte, et le créancier de cette rente est mis en ordre sur le prix du décret pour son principal et arrérages.

Nous tirerons de tout ce que nous venons de dire et notamment de cette dernière différence, la conséquence que la rente foncière est un droit beaucoup plus fort que l'hypothèque, puisqu'elle ne peut point être purgée en certains cas par la vente forcée qui est destinée à purger toutes les hypothèques ; d'où il suit qu'elle ne le serait pas non plus par le mode introduit par nos lois pour purger les hypothèques. Il est donc bien important de tracer les caractères constitutifs des rentes foncières.

Loyseau n'en reconnaît point d'autres que le simple bail d'héritage à rente que Dumoulin appelle concessionem ad reditum, et qui transfère entièrement le domaine direct et utile, et qui par conséquent, aux termes de l'article 530 du Code civil, est établie pour le prix de la vente d'un immeuble, ou comme condition de la cession à titre onereux ou gratuit d'un fonds immobilier.

Il y a rente foncière alors même que l'héritage est vendu en partie pour une somme d'argent comptant et en partie pour une rente que l'acquéreur promet de payer chaque année. Il y a rente foncière quand dans un contrat d'échange la rente est stipulée pour la plus value et au lieu de soulté de l'héritage contre-échangé ; ou quand dans un partage, au lieu d'un retour de deniers, l'un des copartageans qui a le plus fort lot promet payer à l'autre certaine rente par chacun an; cette rente, dit Loyseau, est incontestablement foncière, en ce que l'autre copartageant transporte le droit qu'il avait par indivis en l'héritage qui demeure chargé de la rente. Bref, dit-il, toutes et quantes fois que l'héritage est transporté d'une main à une autre, à condition qu'il demeure chargé de rente, cette rente est foncière parce qu'elle est constituée en l'aliénation du fonds.

Ainsi si une rente est créée par une transaction faite entre deux personnes se prétendant respectivement propriétaires d'un héritage, et qu'il soit convenu entr'elles, pour éviter un procès, que l'une demeurera propriétaire de l'héritage à la charge d'en payer rente à l'autre, celle rente sera réputée foncière en ce qu'elle est due à celui qui pour cette rente a abandonné les droits qu'il prétendait en l'héritage.

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Loyseau ajoute qu'il est une remarque fort importante à faire, c'est que si dans le contrat fait en termes de vente, le prix est particularisé et spécifié, pour lequel prix ainsi spécifié à la suite du même contrat soit constitué rente alors cette rente ne doit plus être regardée comme foncière, mais comme constituée; si, par exemple, le contrat porte que Jean a vendu sa maison à Pierre, pour la somme de quatre cents écus, moitié argent comptant et moitié à rente; ou si Jean échange sa maison contre vingt arpeus de terre, et la somme de deux cents écus pour lesquels Pierre lui constitue cinquante livres de rente, ou enfin si, pour soulte de

partage, le premier lot doit retourner au second la somme de deux cents écus, pour lesquels il est dit qu'il sera fait rente au denier douze, Loyseau estime que toutes ces rentés sont rentes constituées et non rentes foncières, parce qu'il faut s'attacher strictement à la forme du contrat. C'est aussi l'avis de Dumoulin sur l'article 23 de la coutume de Paris, question 18.

On reconnaissait autrefois une autre espèce de rente qui, sans être foncière, avait néanmoins plus de force que la rente constituée par simple hypothèque ; c'était la rente en assignat. L'assignat était regardé comme plus avantageux que l'hypothèque, en ce que la simple hypothèque u'est que subsidiaire et accessoire d'obligation personnelle, tandis que l'assignat induisait une obligation principale et directe sur la chose assignée, sans discussion préalable. Loyseau, en montrant les abus qui y étaient attachés d'abord, les met sur la même ligne que les rentes volantes et courantes, et ne donne à l'assignat que la prérogative de la spéciale hypothèque.

Il est bien certain aussi que de nos jours la rente par assignat n'est plus reconnue dans nos lois, et que la question pourrait être tout au plus de savoir si l'assignat emporte hypothèque spéciale, ce dont nous ne faisons point de doute, pourvu que cette assignation de tels et tels hėritages au service de la rente constituée, soit spéciale et faite dans les formes voulues par les lois, pour la constitution de l'hypothèque, alors même que le mot hypothèque n'est point proféré.

Après avoir ainsi amplement développé les différences qui existent entre les redevances foncières et les simples hypothèques, il nous sera facile d'apprécier les causes et les effets du délaissement par hypothèque, et ce qui le distingue du déguerpissement.

Et d'abord nous remarquerons que la rente foncière élant essentiellement différente de la simple hypothèque,

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