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le délaissement n'a point lieu pour la rente foncière de l'héritage, en l'aliénation duquel elle a été créée, en tant qu'on ne la considère point comme privilégiée, mais comme condition substantielle de l'aliénation; qu'ayant infiniment plus de force qu'une hypothèque sur ce même héritage, on ne peut la supposer garantie par une hypothèque qu'autant que cette hypothèque porterait sur d'autres immeubles du preneur, cas auquel le délaissement par hypothèque aurait lieu pour ces immeubles seulement, par voie subsidiaire et après discussion, dans le cas où les tiers détenteurs de ces immeubles ne seraient point personnellement obligés à la vente, et où l'hypothèque ne serait point spéciale; que l'héritage auquel est inhérente la rente foncière doit être adjugé, s'il est d'ailleurs hypothéqué ou si on en poursuit directement la vente forcée, à la charge de la rente foncière; sur quoi nous ferons de nouveau observer que la rente foncière étant, comme la rente constituée, essentiellement rachetable, ce n'est qu'autant qu'elle aurait été stipulée non rachetable avant trente ans, qu'elle passerait avec l'immeuble entre les mains du tiers détenteur, sans pouvoir être purgée par la vente forcée, et il y aurait encore à cela une notable exception selon Loyseau, c'est que s'il y avait des créanciers ayant sur l'immeuble une hypothèque plus ancienne que la rente foncière, on ne pourrait adjuger l'héritage à charge de la rente, par la raison qu'il pourrait être adjugé à si bas prix, outre la rente, qu'il n'y aurai! pas de quoi payer les plus anciennes dettes hypothécaires qui sont préférables à la rente foncière, le débiteur n'ayant pu disposer de sa chose au préjudice de ses créanciers hypothécaires; de manière que, dit Loyseau, il faut bon gré mal gré, que la rente foncière soit estimée à purs deniers, et que le rentier soit mis en son ordre sur le prix du décret avec les simples créanciers hypothécaires. Loyseau ajoute que si toutefois les dettes antérieures étaient si légères que le prix de l'héritage, en l'adjugeant à la

charge de la rente foncière dût évidemment suffire pour les acquitter, ou que le débiteur se fît fort de porter le prix de l'immeuble assez haut pour acquitter ces charges autérieures; le juge devrait ordonner que l'héritage sera adjugé à la charge de la rente foncière..

Mais quel est le but et l'effet de l'hypothèque donnée sur d'autres immeubles du preneur pour sûreté de la rente foncière? Si ces immeubles sont adjugés, le créancier de la renle se fera-t-il colloquer pour le capital et les arrérages échus? Celte hypothèque n'a point été donnée ni pu être consentie pour sûreté de la continuation de la rente, mais uniquement, selon Loyseau, pour sûreté des arrérages échus durant la détention de l'héritage grevé entre les mains du preneur. Cela est si vrai, qu'en tout état de cause, le propriétaire peut toujours, eu quittant la détention par le déguerpissement de l'héritage, n'être plus tenu de l'action écrite in rem, ni en ce qui concerne la contiDuation de la rente, ni en ce qui concerne le paiement des arrérages (Loyseau, l. II, c. 10, p. 48, no 4.) Mais si le preneur n'est point tenu de l'action mixte scripta in rem, il l'est d'une action pure, personnelle qui est toujours donnée contre celui quia perçu les fruits de l'héritage qu'il savait être redevable de la rente foncière, laquelle est fondée sur le quasi-contrat dérivant du fait de la perception des fruits (Loyseau ibidem, no5) ; et c'est à cette obligation personnelle que s'applique l'hypothèque consentie par le preneur.

Cette décision est conforme à la rigueur du droit et à la nature même des rentes foncières; cependant je doute que le créancier de la rente n'eût d'autre droit que celui d'être colloqué pour les arrérages échus durant la détention du preneur, et que, pour éviter le délaissement des immeubles hypothéqués, on ne pût exiger autre chose du détenteur que le paiement des arrérages précédemment échus. 1 nous semble, au contraire, qu'à l'ordre du

créancier de la rente, un capital devrait être mis en réserve pour en assurer le service, si l'acquéreur voulait purger, ou que titre nouvel devrait être par lui passé s'il ne purgeait pas.

Quant à l'immeuble grevé de la rente, le détenteur peut s'en affranchir en abandonnant l'héritage, et il n'a, comme nous l'avons déjà dit, pour cet objet, aucun recours contre son auteur; ce qui distingue le déguerpissement du délaissement par hypothèque. Mais n'y a-t-il pas des cas où un recours pourrait avoir lieu de la part de celui qui déguerpit, et où le déguerpissement se rapprocherait du délaissement par hypothèque ? C'est ici le lieu de traiter cette question.

Et d'abord la question ne peut s'agiter pour les transports à titre gratuit; le détenteur à titre gratuit ne peut point se plaindre de ce que son heritage est grevé d'une charge foncière, à moins qu'elle ne fût telle qu'il n'eût point accepté le don s'il l'eût connue, et qu'elle n'excédât la valeur de l'héritage. Dans ce cas, il faudrait assimiler la cession à un transport à titre onéreux à l'égard duquel la question peut et doit véritablement s'agiter.

Sous ce dernier point de vue, il faut encore distinguer: ou la charge ou rente foncière a élé déclarée lors du contrat, ou elle ne l'a point été.

Si la charge foncière a été déclarée lors du contrat, il est sans difficulté qu'il n'y a de la part du détenteur aucun recours possible, puisqu'en connaissance de cause il a acheté l'héritage en l'état où il était.

Mais si la charge foncière n'a point été déclarée lors du contrat, il faut encore distinguer, selon Loyseau, les charges ordinaires et accoutumées des héritages, d'avec les charges extraordinaires.

Quant aux premières, par cela même qu'elles ne peuvent être ignorées par l'acheteur, il ne serait pas raison

que ex causâ reticentice, il eût aucun recours contre sou vendeur.

nable

Quant aux secondes dans lesquelles sont comprises les rentes foncières, le détenteur doit avoir un recours contre son auleur comme il l'aurait pour des servitudes qui n'auraient point été déclarées aux termes de l'art. 1638 du Code civil, ainsi conçu : « Si l'héritage vendu se trouve grevé sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été iustruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité. »

Mais une difficulté se présente ici : l'acheteur de l'héritage grevé de la charge foncière aura-t-il une action récursoire, quelle que soit la valeur de la rente foncière?

Loyseau pense que l'acheteur pourra agir directement actione ex empto evictionis nomine, et couclure à la restitution du prix avec dommages et intérêts, si le fonds a été vendu franc et quitte de toute charge, servitude et redevance, uti optimus maximusque, mais qu'il peut seulement agir dans le cas contraire, ut sibi tantùm præstetur quanti minùs emisset, si scivisset onus hoc fundo fuisse impositum, selon la la loi in venditione ff. de act. empti; en sorte qu'il admet que quelle que soit la valeur de la charge foncière, l'action quanti minoris pourra avoir lieu.

Quoique l'article 1938 ait apporté une dérogation à cette jurisprudence, pour les servitudes, en ce que nonobstant que l'héritage a été vendu franc de toute charge, ou que la servitude n'a point été déclarée, il faut, pour donner lieu à la résolution du contrat ou à une action en indemnité, que la servitude non apparente soit de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit; cependant il nous paraît que l'avis de Loyseau doit être adopté pour ce qui

concerne la redevance ou rente foncière, attendu que cette charge affecte le domaine de l'immeuble bien plus virtuellement que la servitude, en détermine la revocation faute de paiement, que d'ailleurs l'acheteur qui a pu ne pas prendre garde à des servitudes de peu d'importance, ne peut négliger ce qui touche à la substance même de son droit de propriété; en conséquence nous ferons une distinction. Si la redevance ou rente foncière est d'une telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait point acheté s'il en eût été instruit, il y aura lieu à l'action ex empto evictionis nomine, soit que par une déclaration subreptice, le fonds ait été vendu uti optimus maximusque, c'est-à-dire franc et quitte, ou que par une réticence coupable il n'ait point été fait mention de la redevance, et nous étendons en cela la décision de Loyseau. Si, au contraire, la redevance n'est pas telle qu'elle puisse donner lieu à l'action ex empto evictionis nomine, elle donnera toujours lieu à l'action quanti minoris, et nous ajoutous en cela à la disposition de l'article 1638.

L'action ex empto evictionis nomine que le détenteur de l'héritage grevé a dans certains cas, ressemble donc à celle qui dérive du délaissement par hypothèque. Mais le déguerpissement et le délaissement par hypothèque, après s'être rapprochés et identifiés pour ce regard, retournent en divergence, en ce que le détenteur qui a fait le délaissement par hypothèque a toujours l'action en garantie evictionis nomine, taudis que le détenteur de l'immeuble grevé de la rente foncière n'a que l'action quanti minoris, quand la redevance foucière lui a été cachée et n'est pas assez importante pour déterminer la résolution du contrat, et qu'il n'en a point dans tous les autres cas.

Revenant à l'action par hypothèque, nous demanderous quels doivent en être les effets relativement aux tiers détenteurs des immeubles hypothéqués à la rente foncière, ét s'ils doivent payer tous les arrérages échus pour être

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