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l'acheteur de bonne foi. Toutefois la nullité de cette vente ne serait pas moins relative et opposable seulement par le mineur comme l'étaient les nullités dérivant des aliénations faites saus interposition de décret, lesquelles, quoique nulles de droit, se maintenaient cependant par la seule volonté du mineur et sa ratification, même invito adversario. (Par le mot aliénation on entendait, comme nous l'avons déjà dit, la translation du domaine ou l'impression d'un droit réel, et non la vente proprement dite).

700. Quant aux majeurs (1313), ils ne sont restitués pour cause de lésion que dans les cas et sous les conditions spécialement exprimés dans le Code civil. Les vices des conventions sont des causes de rescision pour les majeurs; un partage est rescindé pour lésion de plus du quart (887); une vente pour lésion de plus des sept douzièmes (1674).

701. Toutes les fois que le droit de celui qui a consenti l'hypothèque est résolu, celui du créancier l'est aussi, ce qui n'arrive pas toujours de plein droit, mais par la force d'une exception. Cela arrive de plein droit toutes les fois que celui qui a hypothéqué l'immeuble n'avait pas un droit plein et entier sur cet immeuble, mais que le droit de domaine était plus puissant chez un autre ou pour le présent ou pour l'avenir, et qu'en vertu de ce droit la chose retourne à ce dernier malgré celui qui l'a hypothéquée; si, par exemple, l'usufruitier a hypothéqué son usufruit, et que cet usufruit retourne à la propriété par la mort de l'usufruitier ou de toute autre manière. Le fondement de tous les exemples de ce genre est cette maxime: Non potuit plus juris habere creditor quàm habet is à quo pignus tenet.

Si par le moyen d'une action en revendication, en rescision ou en nullité, je suis évincé de l'immeuble vous m'aviez vendu, l'hypothèque que j'avais sur cet im

que

meuble avant mon acquisition doit revivre, et il n'est pas même nécessaire par cela que le domaine retrò defuisse, puisque si je suis évincé par un créancier qui m'est postérieur en date, mon droit revit encore avec sa prérogative. L. 1, C. si antiquior cred. pign. vend.,l. penult, §. 1.ff. de except. rei judic. ; ce qui suppose toujours que le domaine était révocable par une cause inhérente à l'acquisition, comme nous l'avons dit à la fin du chap. 1er de la 2o partie.

702. En supposant qu'une personne eût de bonne foi acheté un immeuble appartenant à autrui, cette vente serait-elle consolidée par l'acquisition qu'en ferait après coup le vendeur, ou s'il en devenait ensuite propriétaire, avant que la nullité eût été prononcée ? En conséquence les hypothèques consenties par l'acquéreur avant que son vendeur fût propriétaire et l'eût, par un nouvel acte, investi de son droit de propriété, seront-elles valables ?

La vente de la chose d'autrui est nulle, porte l'article 1599; le seul effet qu'elle puisse produire est de donner lieu à une indemnité ou action en garantie, quand la vente est putative et qu'il y a juste erreur de fait et bonne foi de la part de l'acquéreur; autrement la restitution de la somme payée est la seule chose que le prétendu acheteur puisse réclamer. Vainement le vendeur aurait-il après coup acheté l'immeuble, ou en serait-il devenu propriétaire de quelqu'autre manière; ce titre nouveau a suffi pour l'investir du droit de propriété de l'immeuble, mais non pour en investir l'acquéreur à qui rien n'a pu être transmis d'un droit qui n'existait point encore sur la tête du vendeur. Ce qui le démontre complètement, c'est que si le propriétaire primitif avait hypothéqué son immeuble après la vente dont il s'agit, et avant que le vendeur en fût devenu propriétaire, ces hypothèques seraient valables et produiraient leur plein et entier effet: or il impliquerait que l'acheteur fût réputé propriétaire en vertu de l'acte de vente, et que des hypothèques postérieure

ment consenties du chef d'un autre frappassent l'immeuble; donc la propriété de cet immeuble n'est pas ceusée avoir résidé sur la tête de l'acquéreur avant l'acquisition du droit de propriété du vendeur; donc les hypothèques consenties par l'acquéreur, dans l'intervalle, sont de nul effet. Mais si la propriété de l'immeuble n'a pas été transmise à l'acquéreur en vertu de cette ombre de vente, comment peut-on prétendre, avec quelqu'apparence de fondement, que le droit de propriété du vendeur lui est transmis après coup sans nouvel acte? Ne faut-il pas au moins qu'une ratification de cet acte nul opère entre le vendeur et l'acquéreur la translation de ce droit de propriété, acte de ratification qui, sans rétroagir à l'égard des tiers, ressuscitera l'acte de vente et lui rendra son caractère essentiel qui est la translation de la propriété. Prenons bien garde, en effet, que la vente n'est plus aujourd'hui ce qu'elle était autrefois ; c'était en droit romain. un contrat do ut facias : l'acheteur devait payer le prix de manière à ce que le vendeur en obtînt la propriété, ut emptor pretium solvat, faciatque accipientis, l. 28, ff. de contr. empt, vend. Le vendeur, au contraire, ne s'engageait point à transmettre à l'acquéreur la propriété de la chose, mais seulement la possession et la libre jouissance, venditor verò prostet emptori rem habere licere nec transferat rei venditæ dominium, sed ejus tantùm vacuam possessionem tradat, ff. ibidem; d'où il suit que l'obligation du vendeur n'était qu'une obligation de faire. Si la vente renfermait l'obligation de donner de la part du vendeur, ou de transmettre la propriété à l'acheteur, ce n'était que par forme de conséquence, dans le cas où celui qui livrait la chose en était le propriétaire. Quand il y avait de la part du vendeur obligation expresse de donner ou de transférer la propriété, que les parties s'en étaient expliquées d'une manière formelle, et que l'acheteur n'entendait donner son argent qu'autant que la chose deviendrait sa

propriété, et non autrement, alors il n'y avait plus vente; mais un contrat innomé, do ut des; l'action ex empto ne compétait plus à celui qui s'était dit acheteur, mais on y suppléait par l'action proscriptis verbis, et même à cause de ce que la dation pouvait avoir de douteux par l'action ad cavendum de evictione, ou l'action conditio ob causam, pour la restitution de l'argent s'il était constant que la chose fût à autrui. Eh bien! c'est ce dernier contrat qui ne portait point le nom de vente, qui fait notre vente d'aujourd'hui ; c'est indiquer assez combien elle diffère de celle des Romains, puisque la translation effective de la propriété en fait l'essence (art. 1583 du C. civ.) Il y a plus, il faut que cette translation s'opère sur-le-champ entre les parties, et si la propriété n'est pas dans la main du vendeur au moment de la vente, son objet manque, il n'y a point de contrat de vente (1583); ainsi l'immeuble appartenant à autrui ne peut être l'objet du contrat de vente. Vainement exciperait-on de l'article 1238 du C. civ., 2o partie; cet article ne valide le paiement fait par le non propriétaire qu'autant qu'il est question d'une somme d'argent ou autre chose qui se consomme par l'usage, lorsque le créancier l'a consommée de bonne foi, et si la revendication n'en peut être faite, c'est uniquement à raisou de cette consommation faite de bonne foi; mais ici il n'est pas question d'une chose qui se consomme par l'usage, mais d'un immeuble dont la revendication est très-possible; en second lieu, comme il n'y a point de contrat de vente s'il n'y point de translation actuelle d'un droit de propriété, on ne voit pas comment on peut argumenter de l'article 1238 qui concerne un paiement à faire de la part de celui qui est effectivement obligé.

Il est vrai que ce n'est pas à un vendeur de mauvaise foi à exciper de sa turpitude, et à refuser la tradition de l'immeuble, si elle lui est possible, quand l'acheteur ne s'en plaint pas et qu'il est dans l'erreur, S'il doit être

protégé dans sa possession par l'action publicienne, il n'appartient point au vendeur de le priver d'un élément de prescription ou d'un titre putatif.

Mais si l'acquéreur, revenu de son erreur, demandė lui-même la nullité de cette vente, elle ne pourra se soutenir, nonobstant que le vendeur en soit devenu propriétaire après l'action en nullité intentée; il est donc bien vrai que cette vente peut être un titre putatif qui sert de base à la prescription, à l'action en garantie, etc..., et c'est précisément ce qui prouve qu'il est, par sa propre vertu, incapable de transférer actuellement la propriété, car là prescription serait alors inutile et cesserait.

Un arrêt de la cour de Lyon a jugé, conformément à l'opinion que nous émettons ici, dans une espèce où le vendeur était devenu propriétaire après l'action en nullité intentée et avant le jugement. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par arrêt du 16 janvier 1810 (Sirey, 1810, Ire part., pag. 204); c'était l'acquéreur qui demandait la nullité de la vente, et elle fut prononcée.

703. On a beaucoup agité la question de savoir si la vente étant rescindée pour cause de lésion énorme, et l'immeuble hypothéqué avant cette rescision par l'acheteur, l'immeuble retournait au vendeur franc et quitte de toute hypothèque consentie, ou à la charge des hypothèques qu'avait l'acheteur. Barthole soutenait la négative, Balde l'affirmative, et l'une et l'autre opinion eut des sectateurs distingués.

Voët, adoptant un tempérament entre ces deux décisions opposées, distingue, tit. 6, lib. 20, quib. mod. vel hyp: solvitur, no 9, si le vendeur agit en vertu de la loi 2, C. de rescind. vend., pour vileté de prix, ou si c'est l'acheteur, au contraire, pour avoir acheté l'immeuble beaucoup plus qu'il ne valait. Dans le premier cas, il tient l'affirmative parce que l'acheteur ne s'est départi du contrat que comme contraint, nam non potest plenum et irrevoca

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