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CHAPITRE III.

De l'extinction des priviléges et hypothèques par l'accomplissement des formalités et conditions prescrites aux tiers détenteurs pour purger les biens par eux acquis.

722. Nous avons expliqué dans le chapitre précédent les divers modes de purgation des priviléges et hypothėques; ces priviléges et hypothèques une fois purgés sont irrévocablement éteints.

CHAPITRE IV.

De l'extinction des priviléges et hypothèques par la prescription.

SOMMAIRE.

723. L'hypothèque s'éteint par la prescription, de deux manières différentes.

724. De la prescription de l'hypothèque acquise au débiteur. 725. L'action du mineur contre son tuteur, relativement aux faits de la tutelle, se prescrivant par 10 ans à partir de sa majorité, son hypothèque légale s'éteindra dans le même cas. 726. De la prescription acquise au tiers déteuteur.

727. Du cas où le tiers détenteur prescrit à la fois la propriété et l'hypothèque.

728. Il faut que le tiers détenteur ait juste titre et bonne foi. 729. Il peut joindre à sa possession celle de son auteur. 730. Mais la prescription ne court qu'à partir de la trans cription du titre.

731. Quand cette transcription a eu lieu, le tiers détenteur peut opposer la prescription au créancier hypothécaire, qui n'aurait qu'une créance sous condition dont l'événe ment n'arriverait que long-temps après la transcription.

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723. L'hypothèque s'éteint par la prescription de deux manières différentes: 1o la prescription de l'hypothèque est acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le temps fixé pour la prescription des actions qui donnent l'hypothèque ou le privilége; 2o quant aux biens qui sont dans la main d'un tiers détenteur, elle lui est acquise par le temps réglé pour la prescription de la propriété à son profit. Ces deux modes de prescription vont faire l'objet des deux sections subséquentes.

SECTION PREMIÈRE.

De la prescription de l'hypothèque acquise au débiteur.

724. Cette prescription n'est autre chose que l'exception résultante du laps de trente ans, qui est acquise au débiteur contre le droit ou l'action qu'on voudrait intenter contre lui, et ce droit sur lequel repose l'hypothèque étant éteint, l'hypothèque doit s'évanouir aussi.

Cette prescription exception est fondée sur une présomption de libération résultante du silence et de l'inaction du créancier pendant trente années révolues. Cette prescription est caractérisée par l'article 2262 ainsi conçu : <<< Toutes les actions tant réelles que personnelles sont « prescrites par 30 ans, saus que celui qui allègue cette << prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on « puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise <<< foi. >>

725. Quant à l'action du mineur contre son tuteur, relativement aux faits de la tutelle, cette action étant prescrite conformément à l'article 475 du Code civil, par le laps de dix ans, à partir de sa majorité, il en faut conciure que son hypothèque légale s'éteindrait aussi dans le même cas.

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Mais, si avant l'expiration des dix ans, le compte était une fois débattu et apuré, et le reliquat fixé, l'action du pupille pour le paiement de ce reliquat aurait la durée des actions ordinaires, c'est-à-dire de trente années, et son hypothèque légale ne pourrait pas s'éteindre avant l'expiration de ce laps de temps, à moins qu'il n'y eût novation bien caractérisée de la dette.

SECTION II.

De la prescription acquise au tiers détenteur.

726. Lorsque l'immeuble hypothéqué est passé entre les mains d'un tiers détenteur, l'hypothèque se prescrit par le temps réglé pour la prescription de la propriété à son profit. La prescription de l'hypothèque est donc assimilée à celle de la propriété, d'où il suit que l'hypothèque se prescrira par dix ans entre présens, et vingt ans entre absens, d'après les conditions et le mode indiqués par les articles 2265 et 2266 du Code civil ainsi conçus : « Ce« lui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un im<< meuble en prescrit la propriété par dix ans, si le vé<< ritable propriétaire habite dans le ressort de la cour

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d'appel dans l'étendue duquel l'immeuble est situé, et « par vingt ans s'il est domicilié hors dudit ressort.» «Si le « véritable propriétaire a son domicile en différens temps << dans le ressort et hors du ressort, il faut, pour compléter la prescription, ajouter à ce qui manque aux « dix ans de présence un nombre d'années double de << celui qui manque pour compléter les dix ans de pré«sence. » Il faut appliquer à la prescription de l'hypothèque toutes les dispositious particulières à cette sorte de prescription.

727. Deux cas peuvent se présenter: ou le tiers déten

teur prescrit à la fois la propriété et l'hypothèque, ou il prescrit l'hypothèque seule.

Pour que le premier cas se réalise, il faut que le tiers. détenteur, tienne l'immeuble hypothéqué d'un autre que du maître véritable, et que la juste erreur d'un titre putatif serve de base à sa prescription; car le vrai titre ne peut pas régulièrement opérer pour la prescription contre celui de qui l'on tient ce titre, mais seulement contre un tiers, puisque si celui de qui l'on tient le titre est vraiment le maître de l'immeuble, soit qu'il le livre lui-même, soit que l'acquéreur le possède d'une autre manière, la propriété passe sur-le-champ sur la tête de cet acquéreur, et ainsi la prescription cesse.

Cette prescription a pris sa source dans trois lois romaines qui doivent nécessairement s'entendre du cas où la chose est à autrui ou dans le domaine d'un tiers, et où il est question de prescrire contre ce tiers et non contre celui de qui l'on tient la cause ou le titre putatif. Ces trois lois ne peuvent point s'entendre de l'action condictio indebiti, que prescrirait le détenteur contre celui qui à livré et payé par erreur sur une cause fausse et putative, parce que c'est là une action personnelle contre laquelle on ne prescrit point avec un titre. Or, ces lois parlent de l'usucapion ou acquisition du domaine, et non de l'acquisition de la libération de l'action condictio indebiti, d'ailleurs inconnue sous l'empire de ces lois.

Nous avons dit que la prescription ne pouvait pas régulièrement s'opérer contre le véritable maître de qui l'on tient le titre, parce que le titre putatif peut servirà l'usucapion ou à la prescription même contre celui de qui on tient le titre putatif, quand la tradition et la possession viennent d'une autre source que de lui, putà quand le tiers détenteur était déjà possesseur ou avait acquis la possession d'un autre, ou quand le maître lui-même livrant l'immeuble d'après une cause putative, ne le livre pas comme sien, mais comme la

chose de celui qui la reçoit, comme si, de plein droit ou autrement, le domaine lui avait déjà été transféré.

Mais il serait unique que le titre putatif valût autant que le titre véritable et juste, dans le cas où il conste de la vérité du contraire, soit parce que ce titre repose sur une erreur de fait du vrai maître, qui de droit commun peut perpétuellement révoquer son erreur jusqu'à jagement ou transaction, soit parce que, dato et non concesso, de ce que Titius a prescrit contre celui de qui il tient un titre putatif, il n'en résulte pas qu'il ait prescrit l'action condictio indebiti vel sine causâ, en vertu de laquelle il est obligé à la restitution et au rétablissement de la chose dans son premier état (1).

Si, dans ce premier cas, la prescription de l'hypothèque est assimilée et identifiée en quelque sorte avec celle de la propriété, si elle est soumise aux mêmes conditions, empêchée, suspendue et interrompue dans les mêmes circonstances, il ne faut cependant pas les confondre entièrement l'une avec l'autre; mais en suivant le fil de l'analogie qui les lie, il faut leur appliquer les règles particu→ lières qui leur sont propres.

Ainsi, comme le temps de la prescription de la propriété se mesure sur la présence du véritable propriétaire dans le ressort de la cour royale ou son absence hors de ce ressort, de même le temps de la prescription de l'hypothèque se réglera sur la présence du créancier dans ce ressort ou son absence hors du même ressort.

La prescription de l'hypothèque considérée comme exception peut encore être interrompue par tous les moyens déterminés par la loi pour interrompre la prescription d'une action; mais il faut toutefois remarquer que cette interruption doit avoir lieu vis-à-vis du tiers détenteur,

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(1) Foyez Dumoulin, tom. 1, tit. 1, §. 12, Gloss. 7, în vo prescrip

tion.

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