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recevables à délaisser. Cette question se décide par les articles 2167 et 2168 ainsi conçus : « Si le tiers détenteur ne remplit pas les cormalités qui seront ci-après établies pour purger sa propriété, il demeure, par l'effet seul des inscriptions, obligé comme détenteur à toutes les dettes hypothécaires, et jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire. « Le tiers détenteur est tenu, dans le même cas, ou de payer tous les intérêts et capitaux exigibles à quelque somme qu'ils puissent monter, ou de délaisser l'immeuble hypothéqué sans aucune réserve. »

Il résulte de ces mots, obligé comme détenteur à toutes les dettes hypothécaires, que le détenteur des immeubles hypothéqués ne doit payer que les dettes hypothécaires inscrites, et qu'en conséquence le tiers détenteur ne sera obligé d'acquitter les arrérages qu'autant qu'ils aurout été inscrits dans un délai utile, ou que, par le fait de l'inscription du capital, ils auront le même rang; quand ces arrérages seront devenus hypothécaires par une inscription utile, il n'est pas douteux que le tiers détenteur, s'il veut éviter le délaissement, devra les acquitter tous; autrement, il n'en sera pas tenu.

Passaut aux rentes constituées, nous dirons qu'elles doivent être placées au rang des créances ordinaires portant intérêts, et que le détenteur des immeubles hypothéqués, pour sûreté de ces rentes, doit, pour éviter le délaissement, offrir de payer tous les arrérages échus régulièrement inscrits ainsi que le capital, quand il veut purger les hypothèques dont son acquisition est grevée; car nonobstant que le capital d'une rente constituée n'est point exigible (1), et que le tiers détenteur représentant son vendeur

(1) Le Code civil et le Code de procédure civile abrogent l'article 15 de la loi du II brumaire an 7, d'après lequel la vente forcée de l'immeuble grevé ne rendait point exigibles les capitaux aliénés. (Arrêt de la cour de Bruxelles, du 27 septembre 1809, )

ou son auteur, n'est point tenu de la rembourser tant qu'il jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire en par lui passant titre nouvel, cependant quand il veut transcrire et purger, les choses changent de face, et il est obligé d'acquitter toutes les créances exigibles ou non sans quoi son immeuble ne serait jamais purgé des hypothèques qui l'affectent (1); ce remboursement est sur-tout, selon Loyseau', dans l'intérêt du débiteur qui vend pour se libérer, et qui ne doit pas être indéfiniment inquiété.

On ne distinguera donc plus en matière d'arrérages, ceux échus pendant la durée de la détention du tiers détenteur, de ceux échus précédemment; il sera tenu de les acquitter tous s'ils sont inscrits en temps utile; il n'en acquittera aucuns s'ils ne sont pas utilement inscrits, hors ceux dont l'inscription du capital conserve le rang, à moins qu'on n'agît contre lui par l'action révocatoire personalis in rem scripta.

Voilà pour l'obligation hypothécaire du tiers détenteur, et c'est la seule qui puisse être l'objet de l'action hypothécaire, ou la condition nécessaire pour éviter le délaissement.

430. Après avoir ainsi précisé la nature et les causes du délaissement par hypothèque, les conditions à remplir pour l'éviter, les formes dans lesquelles il se fait, et marqué les différences qui distinguent l'action réelle hypothécaire de l'action personalis in rem scripta qui produit le déguerpissement ou la révocation de la propriété de l'immeuble baillé à rente, nous allons passer rapidement en revue les effets du délaissement par hypothèque.

Faute donc par le tiers détenteur de payer toute la dette

(1) L'acquéreur qui veut purger l'immeuble grevé d'une rente foncière est également tenu de rembourser le capital de la rente. ( Arrèt du 23 frimaire an 14, de la cour de Nîmes.) Ce qui doit s'entendre du cas où la rente n'a point été stipulée irrachetable pendant un certain temps.

hypothécaire exigible, il est obligé de délaisser par hypothèque. Ce délaissement se fait comme nous l'avons dit au greffe du tribunal de la situation des biens, et il en est donné acte par ce tribunal.

Ce n'est donc qu'après cet acte ou sentence du tribunal que la vente forcée de l'immeuble délaissé peut être poursuivie sur le curateur donné à cet immeuble par le même tribunal, sur la pétition du plus diligent des intéressés.

Le délaissement par hypothèque a le même effet que la cession de biens par laquelle le cessionnaire ne perd point la propriété de ses biens, jusqu'à ce qu'ils aient été vendus, et les peut reprendre en par lui acquittant ses dettes; et s'il y a résidu après la distribution du prix de ces biens, ce résidu lui appartient.

Mais il y a cette différence entre la cession judiciaire et le délaissement par hypothèque, que le cessionnaire ne voit son obligation s'éteindre que jusqu'à concurrence de la valeur des biens délaissés, tandis que le délaissement par hypothèque fait entièrement disparaître les charges hypothécaires respectivement au tiers détenteur. Au reste, celui qui a fait le délaissement par hypothèque est, selon l'expression de Loyseau, toujours sur ses pieds, jusqu'à l'adjudication, en sorte qu'il peut reprendre l'immeuble délaissé en par lui payant la dette et les frais (2173). Puisque le détenteur n'a pas cessé d'être le propriétaire de l'immeuble hypothéqué jusqu'à l'adjudication, il s'ensuit qu'il a pu valablement, jusqu'à cette époque, consentir des hypothèques, servitudes et autres charges foncières, et qu'en conséquence ses créanciers qui ont hypothèque sur l'immeuble doivent être colloqués en leur ordre dans la distribution des deniers provenans de la vente forcée.

Mais comme il est dépouillé de sa propriété par un fait qui n'est pas le sien, c'est-à-dire par une cause préexistante au contrat d'acquisition, il s'ensuit que l'adjudication sur vente forcée une fois faite, les droits réels qu'il avait sur

l'immeuble antérieurement à son acquisition doivent revivre, en sorte que les servitudes et hypothèques dont il s'était fait confusion par le moyen de son acquisition, reprennent leur force et leur vertu primitive. C'est la disposition textuelle de l'article 2177 aiusi conçu: « Les ser-vitudes et droits réels que le tiers détenteur avait sur l'immeuble avant sa possession, renaissent après le délaissement ou après l'adjudication faite sur lui; ses créanciers personnels, après tous ceux qui sont inscrits sur les précédeus propriétaires, exercent leur hypothèque à leur rang sur le bien délaissé ou adjugé. »

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431. Un effet particulier du délaissement par hypothėque est de produire contre le vendeur l'action ex empto evictionis nomine, c'est-à-dire une action pour la restitution du prix et les dommages et intérêts, laquelle action appartient également, aux termes de l'article 2178, à celui qui a payé la dette hypothécaire, ou qui a subi l'expropriation de l'immeuble, et par le moyen de laquelle le tiers acquéreur, non-seulement s'exempte d'aucune perte, mais peut y profiter de deux manières, dit Loyseau; car s'il avait acheté trop cher l'héritage, ou que depuis la vente il eût diminué de valeur, l'acheteur, contraint de le délaisser pour la dette de son vendeur, retire tout l'argent qu'il en a donné, alors même qu'il serait moins veidu par décret; et si l'héritage est augmenté de prix, ou que l'acheteur en ait eu bon marché, et qu'après le délaissement il soit vendu davantage sur décret, il retire, par forme de dommages et intérêts, le prix entier de l'adjudication, par la raison que s'il n'en eût point été évincé, il l'aurait pu vendre tout autant,

432. Mais pour que cette action en garantie produise tout sou effet, est-il nécessaire que le détenteur somme en cause son garant, avant le délaissement ou l'adjudicatiou?

Pothier décide l'affirmative, et pense que si le garant n'a pas été sommé avant le délaissement, il pourra

dire, lorsqu'il sera par la suite assigné en garantie, que s'il l'eût été d'abord, il eût payé ce qu'il devait, et fait cesser la demande; qu'en conséquence, en payant les créanciers, il sera renvoyé de la demande du détenteur évincé, sauf à ce détenteur, si l'héritage n'a pas encore été adjugé, à rentrer dans l'héritage, mais en payant tous les frais faits sur le délais et la saisie, sans aucun recours contre le garant faute de l'avoir sommé; et si l'héritage est adjugé, le garant devra être renvoyé de l'assignation, en offrant de tenir compte au détenteur de la partie du prix de l'adjudication pour laquelle le créancier du garant a été mis en ordre après tous les frais. Teile est aussi l'opinion de Loyseau (au chap. 7 des effets du délaissement par hypothèque, pag. 35), qui permet de plus de sominer le garant avant l'adjudication.

Mais un systême aussi rigoureux ne saurait être adopté de nos jours. L'article 2178, constitutif de l'action en garantie, ne fixe point de délai fatal pour l'exercer, el en la soumettant aux règles communes, il ne la fait cesser que dans le cas exprimé par l'article 1640 du Code ainsi conçu : « La garantie, pour cause d'éviction, cesse lorsque l'acquéreur s'est laissé condamner par un jugement en dernier ressort, ou dont l'appel n'est plus recevable, sans appeler son vendeur, lorsque celui-ci prouve qu'il existait des moyens suffisans pour faire rejeter la demande.» Or, ces moyens consistent dans les exceptious qui pouvaient être opposées aux demandes des créanciers, et non dans le paiement matériel et effectif que le vendeur aurait pu faire. Qu'importe en effet que le tiers détenteur ait payé, ou le vendeur lui-même, puisqu'en définitif il était nécessaire de désintéresser les créanciers, et qu'ils l'ont été ? N'y aurait-il pas une iniquité révoltante à faire souffrir à l'acquéreur un préjudice peut-être considérable, quand il s'est borné à faire ce que le débiteur était forcé de faire lui-même ?

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