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caution, aurait donné un immeuble en hypothèque pour sûreté de l'obligation; c'est son immeuble et non pas lui qui répondrait de la dette, et n'étant point personnellement obligé, il pourrait opposer l'exception de discussion; c'est l'opinion de Loyseau, liv. 3, chap. 8, no 14.

Est-il nécessaire d'être personnellement obligé pour toute la dette pour cesser d'avoir le bénéfice de la discussion, et le perdrait-on par cela seul qu'on serait personnellement obligé pour une partie de cette dette, putà si le tiers détenteur devenait héritier pour partie du débiteur principal? Il suffit d'être personnellement engagé à l'acquittement d'une portion de la dette pour qu'on ne puisse plus opposer le bénéfice de la discussion, attendu que l'immeuble hypothéqué dont on est nanti est affecté pour le tout à cette portion de la dette comme il l'est à la dette entière, et c'est précisément parce que le tiers détenteur doit satisfaire hypothécairement pour le tout à la dette ou portion de cette dette quelle qu'elle soit dont il est personnellement tenu, qu'il ne peut opposer l'exception de discussion.

Celui qui a acquis un immeuble hypothéqué à une rente, à la charge de payer lui-même cette rente, non en sa qualité de détenteur, mais personnellement et comme le débiteur lui-même, ne peut pas non plus opposer l'exception de discussion; car, suivant le sentiment de Basnage, chap. 16, pag. 383, et de Loyseau, liv. 3, chap. 8, il est tenu personnellement envers le créancier, même sans cession d'actions du vendeur; il ne peut pas demander que celui qui aurait son recours contre lui soit discuté avant lui.

447. Quels biens le créancier doit-il discuter et aux frais de qui?

Le créancier, quand l'exception de discussion est valablement opposée, ne peut être tenu de discuter que les biens hypothequés à la même dette, qui se trouvent dans

la possession du principal ou des principaux obligés. C'est la disposition textuelle de l'article 2170.

La discussion ne doit en être faite qu'autant que le tiers détenteur la requiert, et conformément aux règles tracées au titre du cautionnement (art. 2170).

Il en résulte d'abord que la discussion ne peut s'appliquer aux immeubles hypothéqués à la même dette, qui se trouveraient en la possession d'un fidejusseur qui ne peut être considéré comme un principal obligé, à moins qu'il ne se fût solidairement engagé comme caution, cas auquel ce cautionnement solidaire vaudrait comme obligation principale et directe. La raison est qu'une caution ne peut être tenue personnellement ou dans ses biens, de l'acquittement de la dette, que discussion préalablement faite des biens du débiteur principal, et à plus forte raison de ses biens hypothéqués à cette dette, en quelque main qu'ils se trouvent. Mais si la caution négligeant l'exception de discussion ou y renonçant, soit dans le contrat, soit après coup, rentrait dans la condition de principal obligé, il nous semble qu'en cette qualité elle devrait souffrir aussi la discussion préalable des immeubles qu'elle aurait hypothéqués pour sûreté de la dette principale. Il faut remarquer cependant que la renonciation de la caution à l'exception de discussion 'ne pourpas s'induire de ces termes qui se trouveraient à la fin de l'acte de cautionnement, promettant, obligeant, renonçant, etc., par la raison que ea quæ sunt styli non operantur.

rait

Le tiers détenteur qui requiert la discussion doit indiquer au créancier les biens du principal ou des principaux obligés, hypothéqués à la dette, et avancer les deniers suffisans pour faire la discussion (art. 2023).

C'est un principe général en matière de discussion, qu'elle ne doit pas être trop difficile. Il en résulte que lo créancier n'est pas obligé à la discussion des immeubles

du débiteur qui sont litigieux; car il ne doit pas être obligé de soutenir des procès, ni d'en attendre l'événement pour être payé. Le tiers détenteur ne doit pas non plus indiquer des immeubles situés hors de l'arrondissement de la cour royale du lieu où le paiement doit être fait, ni des immeubles hypothéqués à la dette, qui ne sont plus en la possession du principal ou des principaux obligės ( article 2023).

448. Mais qu'arrivera-t-il si le créancier à qui le tiers détenteur a opposé l'exception de discussion avec les indications convenables, n'a point jugé à propos de la faire aussitôt, et a laissé passer un certain temps pendant lequel les immeubles du débiteur hypothéqués à la même dette ont éprouvé des détériorations considérables ou ont même été détruits? Doit-on décider, dans ce cas, que ce créancier n'aura plus de recours à exercer contre le tiers détenteur, par une induction tirée de l'art. 2024 ainsi conçu : « Toutes les fois que la caution a fait l'indication de biens autorisée par l'article précédent, et qu'elle a fourni les deniers suffisans pour la discussion, le créan-` cier est, jusqu'à concurrence des biens indiqués, responsable, à l'égard de la caution, de l'insolvabilité du débiteur principal survenue par le défaut de poursuites?» M. Persil a décidé que dans ce cas le créancier n'aura plus de recours à exercer sur les immeubles hypothéqués à la dette qui se trouvent entre les mains du tiers détenteur. Mais nous ne pouvons acquiescer à cette décision : les raisons ne sauraient être les mêmes pour le tiers détenteur que pour la caution...

Le cautionnement est un office d'ami, qui ne doit point devenir à charge à celui qui le contracte, quand le débiteur a de quoi remplir l'obligation principale, et que la caution met le créancier à même de discuter ses biens. Alors, la faveur due à la caution qui ne s'est engagée que par complaisance, doit l'emporter sur l'intérêt

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du créancier qui doit s'imputer de n'avoir pas tiré parti des indications qui lui ont été données et des avances de deniers faites pour la discussion.

Mais l'immeuble hypothéqué pour sûreté de la dette l'a été par le débiteur lui-même dont les biens sont le gage commun de ses créanciers; l'hypothèque affecte et suit. l'immeuble en quelque main qu'il passe, et si elle donne lieu à une action subsidiaire et accessoire à l'obligation principale, elle ne peut cependant pas être comparée à celle qui est donnée contre la caution qui n'est que personnellement obligée, non pour l'acquittement de sa propre dette, mais pour la dette d'autrui. Le tiers détenteur doit s'imputer de n'avoir pas pris connaissance des hypothèques inscrites sur l'immeuble acquis, et les mesures convenables pour éviter d'être évincé ou de payer deux

fois.

Il ne pourrait y avoir de difficulté que dans le cas où le détenteur de l'immeuble l'aurait hypothéqué lui-même pour sûreté de la dette contractée par le débiteur principal, sans avoir souscrit d'ailleurs de cautionnement personnel. On pourrait dire, dans ce cas, que l'affectation de l'immeuble à la dette principale est l'image d'un cautionnement ordinaire; que le détenteur de cet immeuble méritant la même faveur que la caution, doit être comme elle renvoyé de l'action en recours du créancier quand il l'a mis à même de discuter des biens suffisans pour le remplir de sa créance, et qu'ayant négligé de le faire, ces biens sont devenus insuffisans pour le désintéresser.

Cependant, et sauf meilleur avis, il nous paraît que les dispositions de l'article 2024 ne doivent point être appliquées, même dans ce cas, au détenteur d'immeubles hypothéqués qui requiert la discussiou préalable d'autres immeubles; que l'article 2170, en soumettant cette discussion préalable aux formes réglées au titre du cautionnement, ne parle que des formes de cette discussion et

non des effets qui résulteraient de la négligence du créancier à la faire ; qu'il se borne à dire que pendant le temps. de cette discussion il sera sursis à la vente de l'héritage hypothéqué; que la disposition de l'article 2024 est une peine infligée au créancier négligent, et qu'une peine ne peut, sans le concours exprès du législateur, être étendue d'un cas à un autre ; qu'enfin l'hypothèque est un droit réel qui ne se peut diviser et dont on ne peut éviter l'effet quand il est pur et simple; qu'étant l'accessoire de la dette principale, il doit exister aussi long-temps qu'elle; que cette delte serait éteinte, il est vrai, si le tiers dont nous parlons s'y était engagé comme caution, et par suite l'hypothèque, parce que cette hypothèque serait l'accessoire de ce cautionnement personnel; mais que ce tiers n'ayant point contracté d'engagement personnel, c'est à la dette principale contractée par le débiteur lui-même qu'est attaché uniquement le sort du droit réel accessoire destiné à la garantir.

449. Mais pour que les biens hypothéqués qui se trouvent entre les mains du principal ou des principaux obligés puissent être discutés, il ne faut pas que l'immeuble dont le tiers détenteur est nanti soit spécialement hypothéqué à la dette. Dans ce cas, en effet, les parties étant convenues que ce serait sur tel immeuble que s'exerceraient les droits du créancier, ce serait violer leur convention et anéantir le bénéfice de l'hypothèque conventionnelle et spéciale, que de rejeter le créancier dans les embarras d'une discussion qu'il a voulu éviter. C'est la disposition textuelle de l'article 2171 ainsi conçu : « L'exception de discussion ne peut être opposée au créan«cier privilégié ou ayant hypothèque spéciale sur « l'immeuble hypothéqué.

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450. Au reste, l'action hypothécaire n'est que suspendue et non éteinte par la discussion, comme nous l'avons déjà dit; il n'est que sursis, pendant cette discussion, à la vente

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